Janus et autres histoires de coeurs extraordinaires
148 pages
Français

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Janus et autres histoires de coeurs extraordinaires , livre ebook

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Français

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Description

Six histoires où le coeur, siège de l'amour, de l'attention, de la solidarité va rencontrer le coeur, le vrai, le muscle cardiaque, victime de défaillances. où seront les mystères, où seront les surprises, les trahisons, entre le corps et l'âme, soi et les autres? Six histoires de coeurs extraodinaires, six histoires vraies...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 62
EAN13 9782296476714
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Janus
et autres histoires de coeurs extraordinaires
Corinne Roehrig-Saoudi


JANUS ET AUTRES HISTOIRES DE COEURS EXTRAORDINAIRES


Préface de Pierre Bellemare


L’Harmattan
DU MÊME AUTEUR

Sécotine et Théogène se ressemblent , Editions d’à côté, 2002.
Mauvaise donne , Editions du Losange, 2009.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55802-1
EAN : 9782296558021

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Préface
Mon cœur me donne des soucis depuis 22 ans, mais si j’étais né au début du XXe siècle il ne m’aurait pas laissé aussi longtemps en sursis.

Chaque jour nous progressons pour rendre encore plus infatigable cette extraordinaire machine à vivre. Nous serons bientôt facilement centenaires en ayant encore toutes nos facultés, mais la rançon de cette longévité sera de contrôler nos naissances.

Alors, faudra-t-il généreusement mourir plus tôt ou égoïstement mourir plus tard ?

En fonction de nos âges respectifs les opinions sur ce choix seront bien sûr fort différentes.

Corinne Roehrig-Saoudi est médecin et son mari cardiologue. Elle a vécu ou entendu des récits étonnants relatant des situations extrêmes où le cœur tient le rôle principal.

Corinne a choisi de nous raconter six histoires et je n’aurai pas peur de les qualifier d’extraordinaires. Si nous nous étions connus plus tôt j’aurais avec un grand plaisir raconté ces aventures extrêmes à mes auditeurs d’Europe 1.

Un geste parfois suffit à redonner la vie, un autre peut provoquer la mort. Mais l’homme n’est pas seul responsable, la nature peut aussi s’amuser à tromper le spécialiste.

L’émotion, le hasard, la tendresse vont être confrontés à la cruauté, à l’indifférence, à l’ignorance. Ce sont 6 magnifiques récits que j’ai dévorés tant les talents de conteur que possède au plus haut point Corinne nous empêchent de fermer le livre avant la dernière ligne de la dernière page de l’ultime histoire.

Vous en avez de la chance de commencer ce livre !

Pierre Bellemare
MONSIEUR COHEN
Lundi 8 septembre 1980.
C’est le premier jour de stage hospitalier pour l’étudiant Grégoire Batesson, 22 ans.
Il entre en quatrième année de médecine, pourtant il n’a encore jamais vu de malade.

Il a usé ses fonds de pantalon sur les bancs de la faculté pendant trois longues années, il a appris par cœur des milliers de pages, il s’est émerveillé du fonctionnement complexe et hautement spécialisé du foie ou du rein, il a découvert des centaines de micro-organes dans chaque cellule, il connait maintenant des muscles insignifiants et de délicats osselets dont il avait jusque là, et très sereinement, ignoré l’existence.

Au-delà de l’intérêt intellectuel toujours renouvelé par cette avalanche de savoirs, il en a vite entrevu les avantages indirects… Pour épater la galerie, c’est-à-dire les filles, il s’amuse couramment à jargonner dans un sabir tellement ésotérique que seuls les articles et les verbes semblent familiers aux non initiées, éblouies et pâmées, prêtes à donner leur corps à la science. Une stratégie qui marche mieux avec celles qui sont en fac de lettres, bien sûr.

Dire qu’il n’a jamais, jamais, vu de malade est forcément inexact. Qui n’en a jamais croisé ? Jusqu’à présent, Grégoire les côtoyait à visage masqué. Dans l’ombre de ses aînés, il s’exerçait à observer, à ordonner ses idées pour poser des diagnostics, envisager des examens complémentaires ad hoc, faire des hypothèses de traitements adaptés.

Mais aujourd’hui c’est un grand jour. Aujourd’hui il aura une mission de soignant, auprès d’un homme de chair et de sang, une mission bien méritée après ces trois années à ne fréquenter que du papier, des formules, des schémas, des arbres décisionnels secs et sans âme. Aujourd’hui on va lui confier des patients, des vrais !
Enfin, lui confier est un bien grand mot. Il y a dans ce verbe des notions fortes d’abandon et de foi un peu trop profondes encore pour lui… Et risquées pour les patients.

Réveillé depuis trois heures du matin, il a fait les cent pas dans le hall de l’hôpital avant d’oser monter, à huit heures dix, dans le service de chirurgie cardiaque où il a choisi de faire ce premier stage. Aux aguets tel un snipper en embuscade, sans vraiment savoir où sont les dangers potentiels, il avance à pas feutrés sur le lino antidérapant. Un lino bleu gris, comme on en voit beaucoup dans les hôpitaux, avec des murs bleus, des portes encore plus bleues. Dans la symbolique des couleurs, le bleu est une couleur apaisante, paraît-il. Un effet absolument inopérant sur Grégoire, contracté sur ses proches responsabilités, impressionné de jouer bientôt le rôle pour lequel il se prépare, le rôle de sa vie !

Il croise une foule bigarrée, à dominante blanche, des hommes et des femmes pressés, ses futurs collègues. Quelques malades, plus nonchalants, ralentis, avancent dans le couloir en trainant leur perfusion sur roulettes. Il sourit timidement à tous, il hésite à leur serrer la main, à aller vers eux mais il se pousse, s’efface, se colle contre les murs.

Pour être détendu, là, à ce moment précis, il lui faudrait au moins un demi-litre de ces boissons colorées qu’il partage en soirée avec ses amis.

Les étudiants ont rendez-vous à huit heures trente devant le bureau du patron.
Il retrouve Sophie et Paul, aussi nerveux et excités que lui. Que faire ? Qui osera toquer à la porte ? Pendant qu’ils s’interrogent à voix basse sur la conduite à tenir, elle s’ouvre brutalement sur le Professeur Bardin, qui les fait tressaillir.

Le chef de service n’opère pas ce matin, mais il consulte, et deux patients l’attendent déjà dans la salle qui jouxte son bureau. En voyant le groupe formé par les trois jeunes gens ahuris et soudés devant lui, il se remémore soudain qu’il a rendez-vous avec eux.
- Ah…. Vous êtes les nouveaux externes ?
- Euh… oui… Monsieur… Le professeur, réussissent à dire les étudiants, en canon.
- Bon… Alors

Eric Bardin ouvre à peine la bouche qu’il est interrompu par sa secrétaire : on le demande au téléphone de manière urgente. Il soupire et règle l’affaire en un bref conciliabule.

Grégoire et ses acolytes le regardent anxieusement. Ils l’ont admiré en amphithéâtre tracer sur le tableau noir, d’une main d’artiste, d’un trait de craie solide, des dessins d’anatomie splendides : crâne, vertèbre, os iliaque. De face, de profil, de trois-quarts, rien ne lui échappe. Sa renommée de chirurgien a franchi depuis longtemps les murs du CHU, et on l’applaudit pour sa virtuosité technique bien plus que pour ses qualités humaines… Avec les professionnels qui l’entourent on dit de lui qu’il est dur, intransigeant. Sans doute a-t-on besoin d’un caractère d’airain pour tenir sa place.

Le point noir de sa réputation, celui qui fait trembler Grégoire, est que derrière son talent incommensurable se cachent des petitesses de comportement, que ni le temps ni la réussite n’ont effacées. Il aime jouer au chat, griffu et matois, il se laisse aller parfois à la torture facile du pouvoir mesquinement assouvi. Il se pourlèche en faisant peur aux novices. C’est tellement facile. Il sait tout, eux ne savent rien, il peut leur poser mille questions dont ils ne comprendront même pas le sens, il peut se moquer à peu de frais, encouragé par les rires bruyants de ses courtisans.

Il parait que l’ego de certains chirurgiens cardiaques se démultiplie la première fois qu’ils tiennent dans leurs mains de latex un cœur frémissant, brillamment éclairé par la lumière du scialytique, qu’ils confondent alors avec une aura divine. Ils ne s’en remettent jamais.

Par chance pour les trois compères, ce matin il n’a pas le temps de jouer, le Professeur Bardin. Il énonce rondement quelques banalités : « La chirurgie cardiaque est une spécialité magnifique, mais ardue, exigeante, peut-être la plus difficile et j’espère

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