Journal d E.
248 pages
Français

Journal d'E. , livre ebook

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248 pages
Français

Description

Edith est si timide et fragile qu'elle signe son journal d'un "E.". Elle y trace l'image d'un homme, sorte de héros accompagnant son adolescence solitaire. Identifiée à Philippe, Edith l'insère dans sa vie presque par hasard. Mais l'histoire de ce couple alternant avec le journal d'Edith le montre emporté par des ambitions et succès multiples. Au fil du roman se dessine le chemin ardu d'une jeune fille effacée, évoquant presque l'image de la femme moderne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2014
Nombre de lectures 26
EAN13 9782336364476
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Denise FLOUZAT
Le journal d’E. Un dessein, un destin
/ Romans
Rue des Écoles
Roman
Le journal d’E.
Rue des Écoles
Le secteur « Rue des Écoles » est dédié à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Il accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques.
Déjà parus
Barraux (Roland),La bicyclette de Hong Kong, 2014. Lecomte (Emmanuelle),Lafi, récit de vie au Burkina, 2014. Cambona (Christophe),Apologie du grand âge, 2014. Girard (Marc),Ces géants qui m’ont précédé, 2014. Monteil (Pierre),Les mensonges de l’Histoire, Tome 2, 2014. Duflot (Patricia),La compagnie des ailes, 2014. Maen,Au cœur de l’Afrique, 2014. Merlin-Dhaine (Martine),Les masques sont silencieux, 2014. Lafontaine (Geneviève),La vie crisocal, 2014. De Tounens (Antoine),Edmée, 2014. Aron (Edith),Il faut que je raconte, 2014. Hadjadj (Akila),Vol au-dessus des bidonvilles, 2014.
^^
Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Denise FLOUZATLe journal d’E. * Un dessein, un destin ROMANL’HARMATTAN
DU MEME AUTEUR
Essais La nouvelle émergence des pays asiatiques, PUF, coll. « Major », 1999. Japon, Éternelle renaissance ? ,PUF, 2002. Adaptation deJapon, Éternelle renaissanceune édition en pour japonais, à Tokyo, publié en mars 2005.
Roman Monte Cassino, édition In Folio, 2009
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Prologue
5
Dans une vente à l’hôtel Drouot un bureau à pente m’attira. Simple, réunissant divers bois clairs, cerisier, orme et autres, il m’a semblé de bonne et ancienne facture tout en étant sérieusement abimé. Je l’achetais et le confiais pour restauration à un ébénisteme le qui rendit renouvelé tout en restant patiné par environ deux siècles d’usage. Je pourrais encore rêver à tous ceux et celles qui m’avaientprécédée pour écrire, classer, ranger dans ce meuble! L’artisan, un sourire en coin, me montra en jouant avec l’ouverture des tiroirs une cachette, classique dans ce type de bureau. Il y avait trouvé un lot de feuilles de papier qu’il me laissa. Je les oubliais dans un dossier.
Plusieurs semaines après, je retrouvais ces papiers, certains froissés, d’autres déchirés. Ils n’étaient pas numérotés, nidatés. L’ensemble, une trentaine de pages, ressemblait à des fragments de journal. Aucun nom, seules apparaissaient quelques initiales.
Ces pages semblaient écrites par la même personne à différents moments de sa vie. Classées, elles montraient un parcours, progressantdes notes naïves d’une gamine solitaire à cellespassionnées d’une femmediscrète.Je m’amusais àles compléter et à remplir les vides entre les divers épisodes relatés.
Se présentent ainsi, en alternance, un journal et le récit de la vie de l’entourage de cette femme. Cela donne des histoires croisées d’elle et des autres, au temps du présent mêlées au temps du passé. L’ensemble devint «Le journal d’É. ». Les feuillets de ma découverte commençant toujours par un « je » innommé, à moi d’attribuer des prénoms, et aussi des fonctions, des occupations pour les acteurs de la suite d’unehistoire devenue au fil des pages entièrement imaginée.
Édith
7
J’ai décidé de commencer un journal, non pas vraiment un journal.Jamais, je n’aurai la patience d’écrire tous les jours. Et d’ailleurs écrire quoi? Ma vie necomporte pas suffisamment d’épisodes, de rencontres à retracer aussi fréquemment. Alors un « mensal»? Le mot n’existe même pas. Disons simplement que je ferai le point de temps en temps pour fixer mes sentiments, mes pensées dans un écrit, un document qui me prouve mon existence. Il restera secret ; ce sera «le journal d’É. »pas seulement du papier, je le regarderaicomme mon ami, je n'en ai pas d'autre. J’ai déjà jeté quelques notes sur des feuilles éparses, sans ordre au fur et à mesure de mes émotions de quasi-gamine en classe de troisième, de seconde, avant le bac.
Mon école n’est pas agréable: dans chaque classe une vingtaine de filles en perpétuelles intrigues, chuchotant, jacassant, ricanant. Je m’y sens très seule, n’ayant aucune amie. Et pourtant il y a tellement de filles qui m’attirent, Elizabeth par exemple. Elle a de beaux cheveux bruns, brillants, épais, des yeux noirs et des cils si longs qu’ils semblent faux, mais elle ne m’accorde aucune attention. Pourtant j’aimerais avoir une grande amie, je vais essayer d’inviter Anna à un goûter à la maison au prétexte de fêter mon anniversaire. Elle s’est métamorphosée au cours de l’été, elle a quinze ans et de jolies courbes séduisantes. Je rêve de porter des pantalons aussi collants que les siens avec une large ceinture. Je demanderai à deux ou trois autres filles de venir pour faire un petit cercle autourd’elle.
…..Mon goûter, ça n’a rien donné; Anna s’est occupée de Violaine, lui prenantde ses mains les épaules, la taille. Les filles se sont moquées un peu de moi, disant que mon sobriquet à l’école «Grincheuse» s’expliquait en constatant la tristessede la baraque où j’habitais.C’est vrai, je le sentais, la maison est triste avec ses murs peints tout défraîchis, ses plafonds cisaillés de fissures. Des hauteurs tombent les tentures lourdes, sombres, usées. Les meubles de grand prix -selon mon père-portent des marqueteries éclatées et des bronzes ternis. Ils n’ont jamais été ème ème restaurés depuis le 17 ou le 18 siècle. Des réparations leur ôteraient de
8 la valeur, toujours selon mon père. Objets et tableaux se répartissent selon un ordre qui ne m’estpas connu, sans grâce ni harmonie. Finalement ce goûter est un échec. J’ai envié furieusement Violaine d’avoir suscité l’amitié de celle que j’avais choisie. J’ai soif d’amour. Ces derniers temps, ma vie n’est qu'amertume et jalousie. L’amitié, ce sera peut-être pour une autre fois. ………Je suis très malheureuse. Je crois que je ne ferai rien de ma vie. Mon père pense que je suis bête parce que je ne comprends rien aux mathématiques. Grand financier, il jongle avec les chiffres et les traduit en valeurs immobilières,mobilières. Il n’acquiert pas un objet, un meuble, un tableau pour sa beauté, son élégance, sa signification mais pour son prix. ……Cette nuit,j’ai rêvé de Maman. Je l'embrassais.Elle m’a dit «Il ne faut pas pleurer ». Parfois elle restait assise pendant une demi-heure sans rien faire. Ses joues étaient plus pâles, ses yeux se ternissaient, ses cheveux se poudraient de gris. Elle me semblait belle,d’une beauté de plus en plus étrange. De temps en temps, elle me regardait mais pensait à autre chose. Je sentais Maman s’éloigner de moi toujours davantage. J’ai eu peur pour elle.Parfois, la nuit je pleure parceque je n’ai plus de maman, je voudrais en avoir une. J’aimerais que cette maman me console, sèche mes larmes. J’aimerais redevenir petite. Je suis grande et seule.J’ai besoin d’aimer. J’admire beaucoup Mme Maury, elle est sublime, tellement sublime qu’elle happe votre regard. Sa façon gracieusede s’asseoir devant le pupitre, sa manière de parler à la fois prenante et nonchalante me charme. Avec elle la littérature devient matière vivante dans ses auteurs, dans leur environnement. Jeune encore, elle rayonne d’une beauté un peu subtile. Je la révère, j’aimerais la serrer dans mes bras bien qu’elle n’ait pas toujours été gentille avec moi, me reprochant un égocentrisme lisible dans mes dissertations trop personnelles et aussi visible dans mes relations heurtées avec mes camarades. Ces remontrances étaient sans doute méritées ; elles ont mis une distance entre elle etmoi. Depuis, j’ai voulu devenir une élève très ordinaire, sans importance. Je suis un peu amoureuse de François. C’est le premier garçon qui s’approche de moi: il est le frère aîné d’une de mes camarades. Il est possible que je m’imagine être amoureuse. Je suis joyeuse quand je pense à lui. Il y a deux Édith en moi, l’une se racontantqu'elle est enfin amoureuse,l’autre se rendant compte que toutes ces rêveries sont des niaiseries. ……Je relis les notes que j’ai écrites. Finalement, je ne sais pas si j’aime François. J’aimerais aimer quelqu’un d’autre que lui, quelqu’un de plus beau.Mais
9 n’étant pas jolie, je ne peux espérer attirer celui qui me plairait. Mardi dernier, une fille avait annoncé à la cantonade une réunion improvisée chez elle. Je m’y suis faufilée parmi d’autres camarades. Il y avait des garçons. On a commencé à danser. J’ai vu les regards des cavaliers glisser sur moi, indifférents, négligents, dédaigneux. J’avais l’impression de fondre ; il ne me restait qu’à m’éclipser. L’un d’euxme remarqua enfin. C’était le plus laid, le visage plein d’acné, des cheveux gominés. Il y a pire que de ne pas être invitée à danser : être demandée par le plus moche. -Non merci, je ne sais pas danser ai-je répondu et je dois m’en aller.Anna en tournoyant m’avait jeté un regard en coin et gloussa quelque moquerie à mon sujet dans l’oreille de son cavalier. En les regardant danser j’ai compris comment un corps pouvait en épouser un autre. Je me suis enfuie, plongeant dans la rue comme si je souhaitais disparaître dans la foule qui se pressait sur le trottoir. En fait, je ne sais pas du tout quoi écrire, ne voulant plus parler de mes états d’âme… Je n’ai pas le droit de perdre mon temps à me raconter des histoires à propos des uns et des autres, filles ou garçons. Ça ne va pas. Tellement mieuxm’attend. J’ai une masse de travail en perspective. Il faudrait ne faire que lire, lire, apprendre et écrire. Je pense souvent que cette vie est brève : ceux que je croise auront disparu dans un certain temps ; leurs corps se décomposeront dans le tombeau. On ne sait pas ce qu’est la mort tant qu’on ne l’a pas sentie. Je n’arrive pas à croire que Maman soitmorte. Il faut que je demande à Maman. J’ai besoin qu’elle m’explique ce que je ne comprends pas. Elle doit m’entendre. Maman n’est pas morte. Ce n’est pas vrai. Il n’est pas possible de partir comme ça. Sur une autre rive. Où ? On ne sent plus rien. Terminé, elle est partie il y a déjà presque quatreans. J’en prends conscience quand je suis seule. Dans ces moments-là, elle me manque beaucoup. Maman, le cri venant spontanément aux lèvres lorsqu’on souffre! C’est terrible de ne pas avoir de mère quand on est jeune. Que faire quand je suis triste ? Vers qui me tourner ? Vers Grand-Mère, la mère de Maman? Je l’aime mais c’est une vieille dame. Elle mourra aussi peut-être bientôt. La mort est partout. On ne peut pas se défendre, on meurt et l’on ne sait plus rien de soi. C’est une question qui m’angoisse, cette différence entre l’actuel et le passé, le passage du passé au présent, la mort au bout. Il y a trop de choses dont on ne peut pas parler. Vers mon Père ? Je ne veux pasparler de lui. Il voyage beaucoup. Lorsqu’il est à Paris, il s’enfouit pendant les déjeuners ou dîners à la maison dans ses journaux de finance. Il ne me voit même pas. Parfois, il pose la question « Ça va l’école? ». Ma grand-mère, qui signe mes bulletins scolaires, répond « oui, ta fille travaille très bien». Je fuis l’injustice de cetteet, indifférence
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