Journal d une vieille folle
116 pages
Français

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Journal d'une vieille folle , livre ebook

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116 pages
Français

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Description

"Je ne suis pas cette femme murée dans un trou, je ne suis pas cette femme qui ne sert à rien, je ne suis pas cette femme gentille qui est à l'écoute des autres, je veux me libérer de la prison de vos rêves. Je veux être au monde pour le changer, pour le transformer. Je veux être une présence au monde. Je veux que tu plonges tes mains, encore endoloris par la foi, dans l'amertume putride..."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296489776
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le journal d’une vieille folle
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96531-7
EAN : 9782296965317

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Umar Timol


Le journal d’une vieille folle


L’Harmattan
Lettres de l’océan Indien
Collection dirigée par Maguy Albet


Dernières parutions

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TURGIS Patrick, Maoré , 2001.
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BALCOU Maryvette, Entrée libre , 1999.
FIDJI Nadine, Case en tôle , 1999.
COMTE Jean-Maurice, Les rizières du bon Dieu , 1998.
DEVI Ananda, L’Arbre-fouet , 1997.
DAMBREVILLE Danielle, L’Ilette-Solitude , 1997.
MUSSARD Firmin, De lave et d’écume , 1997.
TALL Marie-Andrée, La vie en loques , 1996.
BECKETT Carole, Anthologie d’introduction à la poésie comorienne d’expression française , 1995.
DAMBREVILLE Danielle, L’écho du silence , 1995.
Cet ouvrage a bénéficié d’une bourse d’écriture du

Centre National Livre (CNL), qu’ils en soient remerciés.
Ceux qui n’ont pas exigé, un jour au moins, la virginité absolue des êtres et du monde, tremblé de nostalgie et d’impuissance devant son impossibilité, ceux qui, alors, sans cesse renvoyés à leur nostalgie d’absolu, ne se sont pas détruits à essayer d’aimer à mi-hauteur, ceux-là ne peuvent comprendre la réalité de la révolte et sa fureur de destruction.


Albert Camus, L’Homme Révolté


Nous sommes deux esprits infondus en un (seul) corps
Aussi me voir c’est Le voir et Le voir c’est nous voir


Husayn Mansour Hallâj
11 Janvier


Je suis un cliché.
D’abord cliché exotique, car après bien trente années passées à Paris, on me sert encore, avec la régularité d’un métronome, les mêmes questions et les mêmes commentaires. Vous venez donc de là-bas, que ça doit être beau, splendide, pourquoi habiter ici alors que votre île est si belle, moi je rêve d’y aller, me reposer sous le beau soleil des tropiques, permettez-moi, madame, de vous dire que vous avez le charme et la douceur des gens de là-bas. Oui c’est ça, gentille et charmante, c’est ce qu’on retient de moi, je suis l’étrangère, celle qui vient d’ailleurs, alors que je suis comme vous, bien plus que vous ne le croyez, que je suis emplie de cette même merde qui grouille dans les bas-fonds de vos rêves avortés.
Ensuite cliché misérabiliste, qui s’exerce généralement après quelques verres d’alcool, quand on est rouge et penaud et qu’on ne sait plus tout à fait ce qu’on dit ou plutôt si, quand on se laisse aller à dire ce qu’on pense vraiment, que, oui, là-bas, c’est les cocotiers et qu’est-ce qu’ils sont heureux les indigènes, ils s’amusent à tout bout de champ, c’est ça, la fameuse paresse des îles, c’est le temps, le soleil indolent qui vous donne envie de rêver et de dormir, heureusement qu’on est parvenus à les civiliser.
Cliché aussi car je suis dans la moyenne de la moyenne. Je vis dans un appartement miteux dans les faubourgs de la grande capitale. Il n’est pas utile de le décrire. Il suffit de savoir qu’il répand tous les relents de la médiocrité. Je ne suis ni riche, ni pauvre, ni belle, ni laide, ni intelligente, ni bête. Je ne suis rien. Mais ça il faut éviter de le dire. On vit à l’ère du positif. Il faut positiver. Le monde va mal. On dispose d’assez de bombes pour nous renvoyer aux enfers mais il faut positiver. Je positive alors. Je ne suis rien mais je positive.
Cliché car je suis une vieille femme et une vieille est censée savoir se comporter en société. Il faut se tenir, ma chère. Elle ne doit pas se mettre, par exemple, à éructer qu’elle crève de peur à l’idée de la mort. Elle ne doit pas non plus dire qu’elle n’a nullement envie de jouer avec ses petits-enfants. De toute façon je n’en ai pas. Elle doit se faire toute petite, recroquevillée, comme un pot de chambre, mais non pardonnez-moi cette impolitesse, on dira donc comme un vase à fleurs dont on a envie de se débarrasser mais qu’on n’y arrive pas parce qu’on a la nostalgie des vieilleries. Là-bas, dans mon île, on aime bien les vieux, surtout quand ils ont assez de terres pour nourrir plusieurs générations d’héritiers. Ici, puisque c’est la civilisation, on les confie à ce qu’on appelle pudiquement une maison de retraite. Étrange pudibonderie quand on sait qu’on y passe ses journées dans des couches bourrées de pisse et de merde.

Cliché car je suis une femme prévisible dans un corps prévisible, dans un lieu prévisible, dans une société aseptisée, qui a évacué la violence, qui vend des rêves préfabriqués aux masses, qui croit tromper la mort avec ses frénésies de consommation. Nous vivons à l’ère de la banalité. La prospérité nous a rendus mièvres. Je suis une femme prévisible dans une société du prévisible.
Je suis un cliché car évidemment je déteste mon mari. Le contraire aurait sans doute étonné. Est-il possible d’aimer encore son conjoint après plus de trente années de vie en couple ? La question mérite d’être posée. Et dire que c’est à cause de cet imbécile que j’ai abandonné la merveilleuse île exotique et mes parents pour venir habiter ici, mais à l’époque, pour être tout à fait franche, j’y croyais, aller là-bas, au pays de la culture, se réinventer, devenir autre et j’y ai cru, à son baratin, à ses discours, j’y ai cru avec la ferveur du nouveau converti, avant, inévitablement, de perdre la foi et de me réconcilier avec la médiocrité infinie de, et là encore je suis polie, de mon cher, très cher mari. Il ne faut jamais sous-estimer la ferveur des croyants qui se convertissent à l’athéisme.
Je suis donc un cliché mais j’ai décidé, ultime combat d’une pseudo-guerrière, de m’exercer à partir d’aujourd’hui, jour à marquer d’une pierre noire, à écrire un journal. Je vous préviens que je n’ai pas déniché cette idée dans on ne sait quel magazine féminin, qui déverse ses effluves stupides sur du papier glacé, mais en lisant un ouvrage d’un grand écrivain, dont je ne me souviens plus du nom. Il faut préciser que je suis une intellectuelle. Je vais donc disséquer, analyser, décortiquer ma petite vie minable, non pour en faire une œuvre d’art car je ne sais pas écrire, ni parce que je rêve d’une quelconque postérité, est-ce que les clichés ont droit à la postérité, la question mérite d’être posée, mais, tout simplement parce que je vais tenter de me comprendre, oui, moi, la vieille folle, pénétrer dans les méandres de mon âme pourrie, comme c’est bien dit, on croirait entendre une poétesse, et surtout pour une raison beaucoup plus prosaïque qui est celle-ci, me défouler, oui j’ai envie de me défouler, de m’éclater.
On verra bien ce qu’il en adviendra. Cliché ou pas.


13 Janvier


Il est tard. Je n’arrive pas à dormir. Là-bas, dans le lit, mon mari, celui dont le mariage sanctifie la présence. Mon cher, très cher mari. Son gros ventre expire un souffle fétide. Je ne peux m’empêcher de le détester. C’est au-delà de mes forces.

Mais l’observer quand même. Ne pas arrêter de t’observer. Corps gras qui subit les aléas du temps. Corps distendu qui se dénouera bientôt dans un tombeau. À quoi rêve un homme de soixante ans ? Aux enfants qu’on n’a pas eus ? À des pétasses désormais inaccessibles ? À la défaite qui s’annonce ? À quoi rêves-tu ? À moi ? M’aimes-tu encore ? Est-ce que tu me trouves désirable, bandante ? Ou est-ce que tes rê

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