L accident de soi
120 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

L'accident de soi , livre ebook

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120 pages
Français

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Description

Jeanne a 39 ans. Elle va partir pour Venise. Les valises sont pleines de froufrous des courtisanes. Elle a encore le temps de passer une mammographie de routine. Dans le noir et blanc du cliché dort un cancer. Il faut défaire les valises, jeter les froufrous, jeter un sein encore conquérant. Puis Jeanne va mieux. Elle rentre en rémission. Elle reprend sa vie. Mais dans le trou du sein perdu, Jeanne devient double...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 45
EAN13 9782296801219
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jeanne Orient


L’Accident de soi

Roman
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54194-8
EAN : 9782296541948

Fabrication numérique : Socprest, 2012
« Je me suis jeté dans le vide et j’ai rencontré l’abîme. »
René Char


« On ne se console pas des chagrins, on s’en distrait. »
Stendhal
Merci à tous ceux qui ont été me chercher du fond de cet abîme :

Guy A. (qui nous manque)
Franck D.
Corinne G.
Jean-Pierre et Laurence H.
Barthélémy et Muriel L.
Serge et Brigitte G.
Etienne M.
Gérard M.
Claude-Alain P.
Jacques et Anne P.
Yann et Emmanuelle P.
Daniel R.
Sami et Christine T.
Madi V.
Marc V.

Mes amis donneurs de cœur

Ma famille
Prologue
Connaissez-vous ces femmes qui vivent dans la lumière entourées de leurs familles et amis et qui pourtant sont les invisibles d’une autre vie qui est également la leur ?

Connaissez-vous ces silencieuses qui parlent beaucoup mais ne disent plus rien ?

Connaissez-vous ces émancipées arrivées trop tôt ou trop tard sur une aire de jeux interdits ?

Connaissez-vous ces mutantes qui ont transgressé sans s’en douter des barrières ?

Connaissez-vous ces tragédiennes qui continuent à jouer pour les autres des vaudevilles ?

Ces silencieuses sont venues sur des terrains métastasés. Elles ont fracassé tout d’abord leur insouciance, puis cassé leurs miroirs, leur maison, leur famille et pour ceux qui s’en souviendraient, elles se sont cassées elles-mêmes.

Elles y ont toutes laissé leurs éclats de rire, leur voix et parfois leur peau. Mais jamais leur mémoire. Pourtant, elles ne voulaient laisser que leur mémoire.

Elles ont appris à faire du troc. Elles ont toutes troqué des chagrins. Et d’avoir troqué des chagrins contre des dérives, on a oublié leurs chagrins pour ne se souvenir que de leurs dérives.

La mémoire des autres est parfois si dure, si intransigeante, si sélective.


La plus belle de ces silencieuses invisibles est Bérénice . Bérénice est une bourgeoise du 16 ème arrondissement de Paris, 55 ans, très belle femme, riche en apparence et qui a déjà dilapidé toute sa fortune sans que personne ne le sache. Surtout pas sa famille. Surtout pas ses enfants.
Bérénice était un très beau bébé, puis une très jolie petite fille, une magnifique adolescente et enfin une très belle femme. Elle a fait un beau mariage. Tout allait très bien. Trop bien. Elle aimait la lingerie, les robes sexy, les belles choses. Son créneau était la séduction sage. La séduction du mari et des copines qui bavaient d’amitié envieuse. Bérénice avait un grain de beauté. Un jour, ce petit grain, cette beauté se sont transformés en mélanome. Juste à l’orée du décolleté. Là où est la limite du regard de l’autre, la caresse des yeux de l’autre, la promesse de l’ivresse. Il a fallu intervenir. Un peu. Mais cet un peu a transformé le regard de l’autre, a gommé la promesse d’ivresse et a fait de cet endroit, la zone. Depuis toujours, on a peur de la zone. On fuit si l’on peut la zone. Surtout celui qui avait l’habitude de la traverser en conquérant. Le mari modèle l’a quittée pour une jeune fille de vingt-trois ans sans zone interdite. Bérénice n’a pas compris. Ses enfants, pour la consoler, lui ont affirmé haut et fort : « papa est un salaud, mais, ne t’inquiète pas, nous sommes là. Tes petits-enfants t’adorent et seront ravis que tu les promènes, les prennes en vacances, les emmènes au parc du Ranelagh ».

Bérénice est passée en quelques instants, en quelques mots, en quelques images, de femme fatale, à femme délaissée, à Mamie gâteau et tout cela sans transition. Elle n’a jamais pensé son mari comme un salaud. Elle disait simplement : « il a eu un éblouissement, l’autre, c’est moi à vingt-trois ans, sans tache ».
Le salaud a voulu se racheter et il lui a tout laissé, il lui a beaucoup donné. La maison de campagne, la chasse de Sologne, l’appartement de Paris, de l’argent…

Bérénice a joué à grand-mère modèle une saison. C’était sa saison en enfer. Elle a prétexté une dépression, un besoin de repos et la voici partie en thalasso. Elle est entrée par hasard au casino. Elle a tout de suite été repérée par un personnel attentionné. Elle a été menée vers une machine « rien que pour essayer ». Elle a même eu droit à des cours particuliers.

Bérénice s’est prise au jeu. Elle y claque des sommes folles chaque week-end. Le casino lui offre le gîte et le couvert comme pour tous les bons clients. Bérénice va toujours se reposer en fin de semaine hors de Paris. Elle promène ses petits-enfants en semaine, prend le thé avec ses amies, continue de s’habiller, d’aller au théâtre, au concert. Tout cela pour ne pas se faire repérer par ses enfants qui trouvent qu’elle accuse bien le coup et que : « c’était normal, elle a toujours été un peu égoïste ». Elle s’est même spécialisée dans la contrefaçon. Pour ne pas alerter son entourage, elle achète des vestes et des jupes de boutiques accessibles et change l’étiquette avec un de ses vêtements de marque. Un jour sa fille lui a même dit « tu sais maman, j’ai vu une fille quelconque qui avait la même veste que toi. C’est terrible, la contrefaçon est partout ». Bérénice nous a raconté cette histoire. Elle riait d’être à sa façon faussaire. Elle a même continué à se faire refaire. Mais pour ne pas trop dépenser, elle se fait gonfler chez un charlatan. Aujourd’hui sa bouche est si mal refaite que les lèvres font la moue. Bérénice s’en fout. La famille trouve qu’elle est ratée et elle, elle peut continuer de jouer.

Depuis son premier casino, elle a vendu ce qu’elle pouvait vendre sans que les autres ne sachent et a hypothéqué tout le reste. Elle a vendu en premier les beaux miroirs anciens. Ils ont été remplacés par des imitations.

Ses complices sont un vendeur d’objets d’art, Ma Tante et son banquier. Bérénice sourit en disant que lorsque ses enfants sauront ils vont la maudire, mais qu’elle sera déjà morte et que cela n’aura aucune importance. Ses enfants continuent à l’inviter, à lui confier les petits-enfants, à lui dire que peut-être elle devrait songer à vendre pour s’installer dans du plus petit, dans du plus pratique et à un peu les aider. Elle laisse dire, elle continue silencieusement à en rire. Bérénice est addicte ? Pas seulement. Bérénice est très ruinée mais elle continue de jouer en clandestine de son entourage. La banque continue de rapter en lui donnant les pouvoirs financiers, le marchand d’art continue à vendre des bricoles. Le beau est déjà parti. Le casino continue de lui offrir le gîte et le couvert.

Bérénice suit un cours intensif de poker. Son soutien poker est un jeune étudiant qui gagne mieux sa vie depuis qu’il a choisi entre poker et grammaire.

Bérénice continue sa dérive avec le chagrin en bandoulière. En silence.


Il y aussi Marie. Marie si timide. Marie est venue avec sa sœur pendant des années au casino. Elles suivaient en vieilles filles accompagnatrices le père retraité. Un homme dur, joueur mais pas flambeur et qui les faisait asseoir des soirées durant sans jamais les laisser jouer. Le père est mort riche. Elles ont hérité de tout. La sœur de Marie a trouvé un mari et elle est partie s’installer à Paris. Marie est restée sur place. Elle soignait un cancer dilettante. Seule pour la première fois de sa vie. Seule et libre pour la première fois à quarante-huit ans. Elle a osé venir seule au casino. Tout le monde la connaissait. Tout le monde lui a présenté ses condoléances, on lui a offert le gite et le couvert bien qu’habitant à deux pas du casino, mais ce pansement lui a fait plaisir. Un peu de douceur luxueuse après une vie difficile avec un père rude. Elle savait jouer par observation. Elle ne savait plus s’arrêter. Elle a joué tout l’héritage. Pendant trois ans. De l’ouverture à la clôture, elle était là. Elle jouait sur la même machine. Douce, pudique, silencieuse. Pu

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