L astéroïde B613
211 pages
Français

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L'astéroïde B613 , livre ebook

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Français

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Description

Max est enfermé depuis son plus jeune âge dans une institution. Il grandit dans un monde carcéral et médicalisé. Ne prenant connaissance du monde extérieur qu'au travers des livres de sa bibliothèque, il se pose des questions sur son existence, sur sa maladie, sur sa différence. S'appropriant l'histoire du petit Prince de Saint Exupéry, il se construit un passé et, par-delà, un avenir acceptable : puisqu'il se sent différent, puisqu'il est seul, c'est qu'il vient d'ailleurs. Obstiné, il s'échappe pour remonter dans son astéroïde, l'astéroïde B613 où l'attend sa famille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 332
EAN13 9782296934818
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’astéroïde B613
Christelle CANTEREAU


L’astéroïde B613

Roman


L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, me de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-12001-3
EAN : 9782296120013

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À quoi bon cette bataille ? Naître, vivre, mourir ? Vivre ? Vivre ?
Pourquoi ? Pourquoi ?
Ce n’est pas toi qui répondras, ni moi non plus.
Mais , sans espoir de réponse, si tu ne cries pas la question,
alors tu n’es qu’un os…

René Barjavel. La faim du tigre.
1
Elle a dit que j’étais : « Un abruti, un moins que rien, une espèce qui ne devrait même pas exister », suivi d’autres mots peu aimables dont je ne me souviens plus, puis ils m’ont jeté sur le lit et ont fermé la porte avec la clé.
Mon estomac remonté dans ma bouche m’empêchait de respirer, le grésillement du néon et la blancheur aveuglante des murs me donnaient la nausée. J’aurais voulu qu’ils viennent éteindre la lumière. Je disparaissais, ouvrais péniblement les yeux et m’enfonçais de nouveau.

Lorsque la boule au fond de ma gorge m’asséchait la bouche au point de la faire craqueler en surface, je filais dehors, et l’air que je respirais à nouveau était comme un verre d’eau fraîche qui hydrate le corps et l’esprit. Je le suivais au fond du couloir, un trombone en guise de clé, je farfouillais la serrure avec rage jusqu’à ce qu’elle cède.
« On doit faire vite, ils nous surveillent, ils ont l’habitude. »
Une fois, la porte me résistant, j’ai cassé le carreau du poing mais ce n’était pas une bonne idée : ils n’ont eu qu’à suivre mes traces rougies dans la neige, nous étions en plein hiver. Les chiens ont le goût du sang et quelques kilomètres plus loin ils m’ont rattrapé et ramené manu militari au bercail. J’ai eu droit à la camisole chimique pour quinze jours.
Peu m’importe, courir dans le bois était à lui seul un sentiment de renaissance qui valait tous les sacrifices. Je recommençais plus tard, je ne pouvais plus faire autrement. Remplir mes poumons de l’air frais qui brûle et courir, courir toujours plus loin. Bien sûr il ne pouvait pas comprendre. Lui, il rentrait et il sortait, une minute il était là, la suivante il disparaissait. La seule chose qui me hantait, était qu’il refusait de me dire ce qu’il y avait au fond des arbres, au-delà du parc.
Les médicaments, je n’avais rien contre, eux aussi permettent de s’échapper, seules les lanières qui m’entouraient les poignets et les chevilles étaient une contrainte physique. Je regardais la tache de moisi sur le plafond, me projetant au bord d’un lac, en haut d’une falaise et je tombais sans douleur au fond du précipice. Le réveil était plus douloureux, j’avais mal aux dents, ma bouche était pâteuse et la soif plus forte que jamais. S’ensuivait immanquablement une période de protection rapprochée où je ne pouvais plus m’évader. Dans le bureau de la directrice, j’observais la peinture écaillée sur le pied de son bureau. Ne jamais les regarder dans les yeux était l’une des premières choses que l’on nous enseignait et j’avais vu au fil du temps le bois prendre l’avantage. J’écoutais avec discipline son sermon et j’étais de nouveau prêt à m’échapper de cet enfer.
Cet enfer n’en paraissait pas un, c’était un lieu plutôt charmant vu de l’extérieur : une grande maison, un beau jardin où s’épanouissaient des arbres centenaires. À y regarder de plus près, les planchers étaient vermoulus et les arbres pourrissaient de l’intérieur.
J’étais arrivé là tout petit, enfin c’est ce qu’on m’avait raconté car je n’en avais pas le souvenir. Au début, je ne me posais pas de questions, j’y étais plutôt bien, ils étaient plus gentils avec ceux qui acceptaient. Par la suite, au travers des livres que je regardais dans la bibliothèque, j’ai vu le décalage qu’il y avait entre les histoires et moi. Je me suis demandé certaines choses : pourquoi les enfants des livres avaient des parents et pas nous, pourquoi ils vivaient ensembles dans de jolies maisons et d’autres choses assez simples en somme.
J’ai demandé à Antoine. Il m’a répondu qu’il n’était pas en mesure de répondre à ce genre de questions. Parfois, je ne pouvais pas m’empêcher de le détester tellement il m’exaspérait ce monsieur Je-sais-tout qui refuse de raconter. Mais je ne disais rien, je me contenais sans l’aide de leurs médicaments parce je savais qu’il était ce que j’avais de plus important, c’était mon meilleur copain, il était comme mon frère. Oh bien sûr, si vous nous placiez côte à côte, vous étiez en droit d’en douter tellement nous étions différents mais nous n’avions pas besoin des liens du sang. Lui, c’était le genre de garçon qui existait dans les livres d’images, le genre qui vivait des aventures extraordinaires avec son chien, qui habitait dans une grande maison lumineuse avec un papa et une maman qui lui ressemblaient et parfois il avait une petite sœur blonde comme lui mais en miniature. Moi je ne suis pas de ce type-là, il n’existe pas de gens différents comme moi dans les histoires et c’est pour cette raison que j’habite ici, sans papa ni maman ni sœur ni animal de compagnie. C’est ce qu’ils avaient dit.
Si je devais décrire Antoine avec un seul mot, je dirais qu’il est transparent, ses cheveux sont plus clairs que les blés, ses yeux hésitent entre le vert et le bleu et il n’y a aucune trace de soleil sur sa peau. La mienne devient brune lorsque la chaleur arrive et mes yeux ne sont jamais autres choses que la couleur de la terre sans herbe.
Il m’a rendu visite la première fois je devais avoir dans les sept ou huit ans. Je venais de voler un livre. C’était la première fois que je violais le règlement qui dit que les livres ne doivent pas quitter les étagères de la bibliothèque. Je n’étais pas à l’aise mais le livre s’était glissé tout seul sous mon T-shirt, je l’avais laissé faire. Il devait en avoir assez d’être toujours au même endroit sans personne pour le toucher – peu d’entre nous s’y intéressaient. Je comprenais mieux que quiconque ses envies de promenade.
C’était un soir d’été lorsque la nuit tarde à tomber, j’ai sorti le livre, il avait laissé une trace sur mon ventre, sa couverture ayant fini par coller sur ma peau. Le jeune garçon me regardait, j’avais envie de lui demander son nom et aussi ce qu’il faisait tout seul sur sa grosse boule. Comme les livres ne savent pas parler, il ne risquait pas de me répondre qu’il s’agissait d’une planète. Je me concentrais sur le titre en plissant les yeux très fort et j’ai entendu la petite voix dans ma tête. Au début elle ne parlait pas très fort et je ne comprenais pas tous les mots et puis petit à petit j’ai écouté l’histoire. « Lorsque j’avais six ans… » Je pensais avoir le même âge, c’était notre chose en commun. L’amitié, c’est comme ça qu’elle naît.
Elle a continué, j’ai compris l’histoire du boa ouvert et du boa fermé, j’ai découvert que des grandes personnes pouvaient attendre des enfants des explications et je continue de penser que je ne trouverais pas cela fatiguant. Il était seul dans le désert après son accident d’avion et quand la petite voix l’a réveillé pour lui demander de lui dessiner un mouton, dans ma chambre il s’est assis au bout de mon lit et a dit :
Bonjour. Je m’appelle Antoine et je sais dessiner les boas ouverts et fermés.
Il m’a semblé bien sûr de lui alors un peu sèchement je lui ai répondu :
Tu as de la chance, moi je ne sais pas dessiner.
Je sais.
Je m’appelle Max.
Je le sais aussi.
Tu sais tout alors et moi je ne sais rien !
Comme je ne voulais pas l’effrayer avec toutes les questions qui me bousculaient, j’ai attendu qu’il termine son histoire mais j’ai fini par m’endormir et lorsque le matin je me suis retrouvé seul, je me suis senti un peu perdu. J’ai passé une drôle de journée à le chercher dans les recoins de la maison sans succès. Il est revenu le soir même l’air de rien. Il va et il vi

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