L aube assassine
196 pages
Français

L'aube assassine , livre ebook

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196 pages
Français

Description

L'Aube assassine est une histoire vraie, celle d'un jeune étudiant algérien qui, après l'invasion de la Pologne par l'Allemagne,devient un combattant de l'ombre. Son ennemi ? La France colonisatrice ; alors il aide l'Allemagne. Dans la tourmente de ces temps, le combat aboutira à ce matin du 29 janvier 1943. Dans sa lettre d'adieu à ses parents, il écrit "Je ne suis pas mort pour avoir trahi. Je le suis pour une cause, celle de mon pays, l'Algérie".

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 24
EAN13 9782296486362
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’aube assassine
Farid HassenKhodja
L’aube assassine
L’ e x é c u t i o n d ’ u n j e u n e h o m m e u n m a t i n d e 1 9 4 3 à A l g e r
R é c i t l i t t é r a i r e
©L’Harmattan, 2012 57, rue de l’ÉcolePolytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296966093 EAN : 9782296966093
Prologue
A ceux qui pensent que l’âme repose en paix quand elle a quit té le corps, je dis qu’ils se trompent. Elle va, elle vient, elle vogue, parcourant l’immensité qui n’est plus qu’un frêle obs tacle. Le corps l’a lâchée qui la retenait prisonnière. Dans ses errements et jusqu’à la fin des temps, elle se souvient des in dénombrables heures, des innombrables jours, des nombreux mois et des années qu’elle a traversés. J’ai toujours été troublé par la capacité de la mémoire à emmagasiner des souvenirs, par sa fluidité à faire défiler en quelques minutes ce que nous avons mis des mois et des années à construire : notre existence et ce qu’il y a autour. Souvent, il ne suffit que d’un rapide coup d’œil en arrière, d’un battement de paupières ou d’un léger rappel de nos facultés de conservation pour que tout se mette en ordre et nous restitue une réalité de la veille, ou d’il y a dix ou vingt ans, ou plus. Oui, vraiment troublants ces moyens qui nous permettent de relater, de fixer, enjoliver, réduire, en un mot, de reconstruire des événements, des situations qui ont fait notre vie, celle de nos proches ou celle encore plus loin taine de gens à peine entrevus. Quel est ce pouvoir que nous détenons, une fois morts, et qui commande, non plus à notre mémoire puisqu’elle n’est plus, mais d’une manière consub stantielle à elle, à la fonction sans laquelle il ne peut y avoir ni vie, ni mort, ni passé, ni présent, ni vous qui vivez encore, ni moi qui ne suis plus ? Toi, lecteur, prends soin de ne pas m’accabler si les in congruités de temps qui jalonnent mon récit te choquent, la
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situation ayant fait de moi le principal acteur d’une tragédie qui oscille entre passé et présent sans qu’ils parviennent à se fixer. Dans la tourmente de ces temps qui ne se renouvelleront pas, qui bientôt vont se figer pour aboutir à l’ultime instant qui me propulsera vers le néant, vers cette aube du 29 jan vier 1943, c’est presque naturellement que le souvenir de mon père prend la tête de ce cortège d’images et ne le quittera plus. Pourquoi naturellement ? Pourquoi mon père ? Il me reste comme un remords de ne pas avoir pu répondre à ses interro gations quand il me pressait de le faire. En lui avouant ce qui m’avait décidé àm’engager,en lui dévoilant le nom de celui dont il se méfiait et contre lequel il m’avait mis en garde, je craignais qu’il ne se méprît sur mes intentions et mon acte. De tous ceux qui m’entourèrent de près ou de loin de leurs atten tions jusqu’aux derniers instants, il est le seul à qui je me devais le plus. Mais je sais que, malgré une incompréhension appa rente, et pardelà les espaces qui nous séparent, il ne pourra se défaire de l’idée que son fils abien agi. Même si de temps en temps son image se décale, s’éloigne, se brouille, se perd dans la foule de parents ou d’anonymes, sans jamais disparaître, ce n’est jamais que pour ressurgir l’instant d’après. Elle sera tou jours au centre de mesréminiscences, me tenant compagnie tout au long de ce voyage interminable que mon âme, poussée par un élan céleste, entreprend.
Chapitre 1
Mon père
Depuis ma plus lointaine enfance, je l’ai toujours connu cadi. Je me suis demandé quelquefois s’il n’était pas né en sachant qu’il allait l’être. Il l’illustrait si bien que je ne me figurais pas qu’il pût y avoir une autre représentation de l’autorité de ma gistrat musulman que la sienne. Je ne l’imaginais pas non plus dans d’autres fonctions que celleci. Le cadi ou qãdi en est une qui n’est pas nouvelle. Son origine remonte aux Omeyyades, cette dynastie musulmane qui régna presque un siècle entre 660 et 750. C’est un magistrat de droit musulman, fonction naire de haut rang, seul juge, qui rend la justice dès lors que les parties décident de s’en remettre aux préceptes du Coran dans les affaires de divorce, d’héritage, de toutes choses relevant du droit sacré, du droit coranique. Il n’est pas un homme poli tique, n’est pas le représentant d’une fratrie, d’une confrérie, d’une tribu. Diplômé de l’école franco musulmane, universi té de droit musulman à tendance laïque, il jouit de par ses fonctions, de plein droit, d’un statut particulier. Il est, en Algé rie, le représentant civil de l’administration française dans les domaines judiciaire et religieux. Rattaché à l’administration des tribunaux, il opère selon le rite musulman, sa justice ne s’appliquant qu’aux musulmans, Français musulmans. Pour cerner sa personnalité, je ne peux concevoir d’autre qualificatif que celui d’intègre. Rendre la justice n’est pas pour lui une simple et ordinaire obligation. Ce n’est pas non plus
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une espèce de privilège sanctionné par un diplôme qui con fère un statut. C’est la responsabilité la plus lourde qu’il ait eu à assumer après celle d’avoir eu à partager avec ma mère l’éducation de cinq filles et deux garçons. Il y a en chacun de ses enfants, moi compris lorsque j’étais parmi eux, quelque chose de son regard bleu horizon qui, au gré des circons tances, s’alarme ou s’éclaircit, s’allume, s’enlumine ou se fâche, devient mélancolique et s’éteint. Grand, robuste, je lui ai tou jours vu le pas assuré, l’allure altière. Insensible à la flatterie, c’était un esprit doté de droiture et d’équité auquel les justi ciables, audelà de leurs chicayas (querelles), se soumettaient presque naturellement. Il ne se laissait aller ni aux arguties, tendance née d’un lointain héritage byzantin, ni à l’attendris sement coutumier en ces régions du bassin méditerranéen, encore moins à la corruption, ce qui aurait eu pour effet de voir les plaignants tentés par la chose jetés à la porte comme des malpropres et ainsi s’en retourner tels des apostats, vers des terres infidèles où seul le diable aurait eu pitié de leur âme. Apprécié et craint, il était le bras inaliénable et séculier de la justice. Je ne suis jamais retourné à l’endroit qui m’a vu naître : BordjBouArréridj. Mon père y fit ses classes de magistrat débutant. Telle est la règle qui s’applique du reste à un bon nombre de professions. Les jeunes fonctionnaires promus sont appelés à exercer leurs talents ailleurs que dans les grandes villes pour espérer, consécration de leur carrière, s’y installer un jour. Bordj, ainsi appelé, est une cuvette qui fut pendant des siècles l’un des sièges de la Berbérie. C’est une petite ville située à 200 kilomètres à l’est de la capitale, au pied des Bibans, chaîne montagneuse et aride de la petite Kabylie. Dès les premières années du siècle, à Bordj et dans de nom breuses petites villes de l’intérieur, se côtoient populations françaises de la métropole, européennes venues du bassin mé diterranéen, juives, et bien sûrindigènes, arabes et kabyles, un
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