L enfant de l eau
134 pages
Français

L'enfant de l'eau , livre ebook

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134 pages
Français

Description

Ayant subi dans sa petite enfance la fascination de l'eau, une jeune femme trouve sa voie comme prédestinée dans le commerce de "l'eau-de-feu", qui n'est rien d'autre que la gamme de produits pétroliers. Battante, de très forte personnalité, elle n'hésite pas à dire leurs quatre vérités à son mari, aux administrateurs publics ou aux hauts fonctionnaires de sa compagnie, à proposer des "révolutions", aussi bien dans le domaine culturel de son territoire natal que dans son domaine professionnel.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2013
Nombre de lectures 11
EAN13 9782336320113
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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L’enfant de l’eau
14ISBN : 978-2-343-01197-4
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Gabriel Kuitche Fonkou
L’enfant de l’eau
L’enfant de l’eau
Voix & Sources
L’enfant de l’eau
Voix et sources
Collection créée et dirigée par Clément Dili Palaï
Cette collection s’intéresse à tous les domaines de la littérature, de la culture et des sciences sociales en Afrique. Y sont publiés des textes ayant pour socle la parole, source créatrice et détentrice de savoirs : généalogies, biographies, chroniques historiques, poésies, recueils de textes et résultats de recherches en rapport avec l’oralité africaine, etc. Déjà parus Daouda PARA,Accord perdu, 2013. Dahirou YAYA,La force de la foi, 2011. Gabriel KUITCHE FONKOU,Voix de femmes, 2010.
Gabriel Kuitche Fonkou
L’enfant de l’eau
Roman
Du même auteur Moi taximan(roman), Paris, L’Harmattan, 2001 Shynthúm/Chants du cœur(poésie), Yaoundé, SIL, 2003 Les Vins Aigres(nouvelles), Yaoundé, CLE, 2008 Voix de femmes(poésie), Paris, L’Harmattan, 2010 Au pays de(s) intégré(s)(roman), Yaoundé, CLE, 2010 © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01197-4 EAN : 97823430011974
À
M T M
1.
An de grâce mil neuf cent… Matin pluvieux, probablement sur toute la zone Kà, peut-être même sur tout le village Ngoum, en tout cas aussi loin que pouvait porter le regard. Sans cette colère du ciel, l’animation diurne aurait dû déjà à cette heure, prendre la relève de la torpeur nocturne. Mais l’ange régulateur des éléments liquides avait ouvert toutes grandes les vannes du firmament et se tenait tout à côté, pour que personne d’autre ne les refermât avant le moment fixé par lui. Matin pluvieux. Dans l’une des cases d’en haut de la modeste concession du père Nteu’mpo, une femme était en travail depuis le chant de la perdrix. Bientôt, précédé par les eaux fœtales dont il avait absorbé une quantité suffisamment importante pour qu’il s’évanouisse, le bébé fit son entrée dans le monde. Le visage couvert de sueur froide et inquiète, l’accoucheuse s’activait à le ranimer. On avait eu le temps de voir qu’il s’agissait d’une fille, la première de ce ménage qui n’avait eu, jusque-là, que des garçons. Cela redoublait l’ardeur de la prière silencieuse de chaque personne présente, pour que le bébé revienne vite à lui et pousse le cri libérateur. On pensait dans la région que si avoir tous ses enfants du même sexe n’était pas mauvais, les avoir des deux sexes était meilleur. Aussi, dans les bénédictions des filles qui allaient en mariage, passait-on toujours à Dieu et aux ancêtres la commande de garçons et de filles.
L’accoucheuse s’activait à ranimer le bébé. Sur son front, une sueur froide et inquiète. Le dehors était triste. La pluie tombait à gouttes épaisses et serrées. La volaille s’était sagement serrée dans un coin de la case, tous les poussins
profondément enfouis sous les ailes des mères poules. On percevait de temps en temps leur gazouillis de contentement. De temps en temps aussi, on entendait les cris plus graves d’une poule, arraché par le coup de bec de quelque coq hargneux. Il faisait froid. L’on fit tomber des braises de la grosse bûche du foyer, l’on plaça dessus des brindilles et l’on souffla. Le feu prit. On entassa au foyer beaucoup de bois solide. Celui-ci brûla en crépitant, dégageant une chaleur qui bientôt se répandit dans toute la case. Le dehors était toujours triste. La pluie continuait à tomber à gouttes épaisses et serrées. Ainsi, quand l’enfant reprit connaissance, c’est la musique de l’eau de pluie qu’elle entendit en tout premier lieu ; et c’est sur l’eau de pluie que s’ouvrirent un peu plus tard ses yeux qui ne pouvaient encore rien distinguer.
Dans l’immédiat, de toutes ses premières énergies, sa minuscule bouche lâcha le strident cri que tout le monde attendait, le cri craintif de tous les venants-au-monde, expression du désarroi, du désappointement de se retrouver hors du nid douillet du ventre de la mère, dans ce cadre ouvert et amer. Eclata aussitôt la joie de la petite assistance, obnubilée par la seule interprétation sociale et séculaire du cri : le bébé vivait, de plus plein d’énergie, de vitalité. L’enfant perdit ainsi, par jurisprudence, son premier procès intenté contre le monde. Toutefois, moins pour lui donner satisfaction que pour la conserver à la propre satisfaction de son entourage, on s’empressa de l’emmailloter. En même temps, des voix rendaient grâce à Dieu, tandis que d’autres établissaient déjà des points de ressemblance entre l’enfant et sa mère.
Elle avait eu de la chance, la petite fille ! Être ranimée en plein village ! Autrefois, on l’eût tout simplement considérée comme mort-née. Mais depuis que les accoucheuses traditionnelles suivaient une formation dans les maternités modernes, elles opéraient de temps en temps le genre de
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miracle qui venait de se produire. Les accoucheuses en devenaient plus craintes, plus respectées. L’accoucheuse porta elle-même la bonne nouvelle à la case d’en bas. Il s’agissait en fait tout simplement de la confirmer et préciser. Rires et cris de joie avaient déjà prévenu le père Nteu’mpo de l’essentiel : la naissance d’un enfant viable. L’accoucheuse prononça peu de mots : - Une grosse fille. Une tcheutchoua.
Le père Nteu’mpo s’était mis debout. Il avait esquissé quelques pas de danse. Puis il avait débité ces paroles : - Merci, mère. Dieu est roi. Merci, mère. Je tire un coup de fusil en ton honneur.
Il parlait ainsi tout en serrant fortement les mains de l’accoucheuse entre les siennes, en lui massant les bras et les pieds, des gestes qui, dans d’autres contextes culturels, auraient pu être suspectés de lubricité, mais qui ici, constituaient la haute expression de la gratitude la plus déférente. Le père Nteu’mpo avait ensuite sorti d’un sombre recoin de sa case une calebasse de taille moyenne, pleine d’huile de palme. Il avait sorti d’une boîte placée à même le sol près de son chevet, un petit paquet en pelure desséchée d’épi de maïs ficelé serré avec une fibre de moelle de bambou. Il en avait retiré tout le contenu, quelques pièces de monnaie grises, qu’il avait déposées à côté de la calebasse d’huile, non loin de la plus grosse pierre du foyer. Il avait pris sur la claie accrochée au-dessus du foyer un gigot de porc cuit à point. Avec un couteau à double tranchant arraché à la liane de la cloison en bambou qui délimitait d’une part le recoin sombre et d’autre part l’emplacement du lit côté chevet, il avait taillé dans la viande sans graisse une grosse tranche qui avait échu à l’accoucheuse, immédiatement suivie de l’huile et de l’argent.
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