L enfant qui voulait devenir président
224 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

L'enfant qui voulait devenir président , livre ebook

-

224 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Dans ce roman, l'auteure nous entraîne dans le pays "d'en dehors", l'Haïti rural de l'Artibonite. A travers les personnages, celle-ci nous fait partager la vie quotidienne du marché et des quartiers de Saint-Michel-de-l'Attalaye. Dans une langue savoureuse traversée par un créole haïtien riche et expressif, Beaudelaine livre la chronique d'un petit bourg sous la dictature de Baby Doc. Le fabuleux destin du héros est hanté par l'histoire haïtienne et le désir du peuple haïtien de bâtir une nation pour tous et pour toutes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 28
EAN13 9782296488335
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’enfant qui voulait devenir président
Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet

Déjà parus

Jacqueline Q. LOUISON, L’ère du serpent, 2012.
Joël ROY, Variations sur un thème détestable , 2011.
Jean-Claude JANVIER-MODESTE, Un fils différent , 2011.
Beaudelaine PIERRE, La Négresse de Saint-Domingue , 2011.
SAST, Le Sang des Volcans , 2011.
Claire Marie GUERRE, Clone d’ange , 2011.
Sabine ANDRIVON-MILTON, Anatole dans la tourmente du Morne Siphon , 2010.
José ROBELOT, Liberté Feuille Banane , 2010.
Yollen LOSSEN, La peau sauvée , 2010.
Sylviane VAYABOURY, La Crique. Roman , 2009.
Camille MOUTOUSSAMY, Princesse Sitā. Aux sources des l’épopée du Rāmāyana , 2009.
Gérard CHENET, Transes vaudou d’Haïti pour Amélie chérie , 2009.
Julia LEX, La saison des papillons , 2009.
Marie-Lou NAZAIRE, Chronique naïve d’Haïti , 2009.
Edmond LAPOMPE-PAIRONNE, La Rivière du Pont-de-Chaînes , 2009.
Hervé JOSEPH, Un Neg’Mawon en terre originelle. Un périple africain , 2008.
Josaphat-Robert LARGE, Partir sur un coursier de nuages , 2008.
Max DIOMAR, 1 bis, rue Schoelcher , 2008.
Gabriel CIBRELIS, La Yole volante , 2008.
Nathalie ISSAC, Sous un soleil froid. Chroniques de vies croisées , 2008.
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie , 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure , 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné , 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère , 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Dumanoir, l’incroyable destinée , 2006.
Beaudelaine PIERRE


L’enfant qui voulait devenir président


Roman
Les personnages de ce roman sont fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, serait donc une pure coïncidence.


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-97003-8
EAN : 9782296970038

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A Louis Saint-Juste Necker Pierre
Et à toute la fratrie : Mariette,
Eslie, Baudelaire, Densie, Marie Carmelle et Kernita.
Pour Murielle Leconte,
Fanm vanvyan devant l’Éternel.


Pour Laurie, Kimara, Naya et Ann-Lyse,
Pour Jones et Maxence
Et tous les enfants de Saint-Michel.
Ma plus profonde gratitude va à mon père et à ma mère ; Et aussi à Redford Joseph, pour m’avoir aidé, grâce à de longues discussions et toutes sortes de documents, à reconstituer dans ce roman un Saint-Michel de l’Attalaye proche de celui des années 70 et 80.


"Depi nan Ginen Nèg renmen Nèg"
Suze Matthieu

« Depuis la Guinée le Nègre aime le Nègre ».
(Traduction, Marie Lily Cérat)
PREMIERE PARTIE Débuts à Saint-Michel
I


Jambes écartées. Mains calées sur les hanches. Ventre pointant vers le bas. Torse relevé et bien bombé. Manjo passa la langue sur ses lèvres sèches, se pinça intérieurement les mâchoires, se racla la gorge et plouf ! Le crachat alla atterrir entre deux puissantes jambes. Jambes énormes et bien dégagées. Le vent doit trouver à loisir son chemin. Sur le sol, le liquide est épais et d’une blancheur effrayante. Manjo fit ensuite le geste de ramasser ses lèvres épaisses et maintenant humides. La deuxième salive n’alla pourtant point à la rencontre du sol. On entendit glòt ! Manjo ingurgita. Puis elle parcourut la place d’un lourd regard. Le marché de Saint-Michel se vidait de son monde.

Les derniers clients font la navette autour de ce qui reste de légumes et de viandes fanées. De vivres et de céréales qui n’entendent plus livrer bataille. Les figues bananes ont l’air contrit ; les feuilles de chou attendent la clémence d’un preneur. Dans le poulailler d’occasion qui les garde prisonnières, les poules mannin gloussent d’une rage contenue. Les chèvres abaissent leurs cornes, saluant la venue du crépuscule. Derrière l’étalage de Manjo, une imposante montagne expose à la vue des passants le plus grand monument de Saint-Michel de l’Attalaye. Une réserve qui rassemble tout ce dont vendeurs, clients et passants n’ont que faire. La crasse, les crottes de chien et les excréments ; les eaux boueuses et puantes ; mais surtout les résidus de tout ce qui se vend et se donne au marché communal. Le tout est méticuleusement élevé en une montagne que les habitués appellent arbre de Noël, en raison de sa ressemblance avec le sapin de noël ; forme pyramidale. En raison surtout de la variété des couleurs provenant des déchets de vieux choux en putréfaction ; d’oranges et de papayes pourris dont il ne reste que la sauce jaune à décolorer le trottoir ; de feuilles séchées mises en cendres ; de cerises en lambeaux ; de tomates trop mûres pour être cédées ; d’amas de sauces de mangues dénaturées par la misère du soleil. Tout vendeur au marché communal a son dépotoir derrière l’étalage de Manjo. Haut lieu de déchets que mouches, cafards et rats – rats de la terre et rats des cieux – arrosent généreusement de leur va-et-vient incessant… Les innombrables pelures de bananes gouyak et de bananes bòsgòt éparpillées de part et d’autre de ce dépotoir laissent croire sans aucun doute que le commerce a agréablement fleuri, ce lundi matin d’avril, jour de grand marché dans le bourg.

A l’heure du crépuscule, il n’en restait pourtant que la trace et le vent. Le vent s’installait agréablement et sans grande façon entre les marchandes et leurs étals. Il soulevait la poussière à droite et à gauche ; tantôt la déposait sur le visage de ces femmes à la mine décoiffée ; tantôt l’incrustait sur leur peau aussi stérile que le désert. C’est ainsi qu’il les veut. Il les veut à sa merci. Alors, dans ce marché du bourg, les commères suent, triment et se donnent à longueur de journée, sous la pluie et sous le soleil. Leur vie est un refrain de gestes usés, parce que milles fois répétés, de paroles devenues amères parce que trop entendues. Des êtres charpentés à dessein pour la misère et le travail sans relâche. Leur survie est un défi à la vie. On a mis sur leurs lèvres le serment juré à elles-mêmes, à leurs enfants et à leur Nèg de se battre jusqu’à la dernière goutte.
Dans la forme, ces femmes se ressemblent toutes. De forte corpulence. Visages cuits au noir sous la chaleur du soleil. Yeux plissés en permanence à force de lutter contre le vent et le froid ; contre le soleil et ses rayons. Les yeux sont le prolongement de lèvres étirées, de joues pointues et de menton proéminent. Les traits ainsi réunis leur donnent un visage mòksis. Ces commères, à l’heure du crépuscule ont la face dure et fermée. Comme une fleur qui rassemble ses pétales pour mieux s’offrir à la brise nocturne. L’aube, envers elles, n’a jamais manqué à son devoir.
La plupart d’entre elles portent un moumou. Sorte de tunique d’une pièce qui sert à cacher les lignes du corps. A leurs reins, se repose un tablier dans lequel elles reçoivent leur fortune, petite ou grande, qui provient de la vente de leurs produits. Pour elles toutes, c’est un tablier fait de lin bleu. Un tissu qu’elles appellent gwoble. Une toile dure et revêche, capable de recevoir les crasses, les saletés du métier de la vente et la poussière des vents contraires ; de servir de torchon après le dîner et de recueillir incessamment la sueur du visage. Le tablier gwoble c’est du bleu qui se rapproche, à la longue, du marron, puis du gris, à force de recevoir tour à tour la crasse et le blanchissage. Mais ce n’est pas du noir. Ce n’est jamais du blanc. Ce n’est guère non plus du marron, ni du gris. Cette tendance n’a peut-être pas encore son nom dans la classification des couleurs. La question de la couleur du tablier gwoble n’est pourtant pas un problème pour ces commères du marché communal. Plusieurs d’entre elles ont porté le tablier gwoble depuis leur début dans le commerce et l’ont laissé en héritage à leurs enfants et à leurs petits-enfants. Manjo vous dirait elle-même qu’à sa naissance, on lui a coupé le cordon ombilical avec le tablier gwoble.
Alors commère, belle journée ?
Manjo s’adressait fièrement à sa voisine Man Estenfò du haut de son tablier gwoble. Elles sont entre elles, commère, mennaj , maklòt, sœur, fille et mère à la fois. Ces vendeuses du marché communal tissent entre elles un réseau solide d’amitié et se donnent des tantes, des mères, des cousines et des soeurs qu’elles n’ont pas eues de la nature. Souvent Manjo demande à Man Estenfò, des nouvelles de son

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents