L exil dans la vapeur
192 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

L'exil dans la vapeur , livre ebook

-

192 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

La vapeur aveugle les yeux de Siham, jeune femme immigrée qui, un jour prend le large, toutes voiles au vent pour naviguer vers son Amérique. Elle échoue au coeur du hammam et elle s'oublie progressivement dans le quotidien, entraînée par le bruissement de l'eau et le vacarme des baigneuses...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 47
EAN13 9782336265599
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo .fr
9782296131231
EAN : 9782296131231
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Chapitre I - La rencontre Chapitre II - Siham, tayaba de hammam Chapitre III - L’exil dans la vapeur Chapitre IV - Un corps en détresse, un corps pour servir Chapitre V - Les traditions pour survivre Chapitre VI - Hammam, liberté d’action Écritures
L'exil dans la vapeur
Roman

Habiba Benhayoune
Chapitre I
La rencontre
P aris. Samedi soir. La salle Pleyel. Sur scène, l’orchestre national de l’Ile de France continue de jouer crescendo Abendblättervalzer , une suite de valse pour orchestre de Jacques Offenbach. Six minutes de cette mélodie suffisent à éveiller en moi une vive et profonde émotion. La sensation provoquée par tous les instruments de musique réunis m’emporte auprès de Siham. J’aimerais tellement partager ce moment avec elle. Ce moment si délicieux et envoûtant qu’elle ne connaît pas. Siham qui vit dans l’enfer du hammam. Elle m’accompagne partout, dans ma vie privée, dans mes loisirs. Elle est toujours présente. Elle ne quitte plus mon esprit. Je ne peux pas l’oublier depuis notre première rencontre... J’aspire non seulement à explorer son environnement de travail mais à découvrir cette jeune femme si chaleureuse et débordante d’attention.
Mardi, plusieurs mois auparavant, mon jour de congé. Je décide d’aller au hammam situé dans une rue animée de la capitale et que m’a recommandé une amie. Je vais enfin renouer avec ce lieu de bien-être que je n’ai pas fréquenté depuis de nombreuses années. Depuis l’enfance. Je vais profiter de cette occasion pour préparer ma peau au soleil de l’été qui approche. Cependant, j’appréhende cette première visite.
Je me présente à la réception du hammam pour m’acquitter du forfait choisi. Il s’agit du droit d’entrée, d’un gommage et d’un massage. Pour une première fois, ce sera suffisant. La réception est séparée du salon de thé par un paravent en Moucharabieh en bois finement ciselé. Il me semble entrapercevoir un visage derrière ce panneau. Un visage de femme dépasse d’une tête cette petite cloison pour regarder dans ma direction. Une jolie jeune femme en blouse blanche fait son apparition.
— Je parie que vous venez pour la première fois, dit cette charmante employée. Si je peux vous être utile pendant votre séance, n’hésitez pas à me faire signe, je m’appelle Siham.
Agréablement surprise par l’accueil de cette jeune femme, je lui réponds :
— Je vous remercie. Je suis Myriam. J’avoue que je me sens un peu perdue dans ce lieu.
Ce premier contact me semble facile, l’accueil étant chaleureux comme avec une vieille connaissance.
Je ressens, toutefois, une impression ambiguë d’attirance et de répulsion pour cet univers particulier, mystérieux et confiné. Peu ordinaire pour quelqu’un comme moi qui ai baigné, enfant dans de tels lieux.
Siham m’indique l’accès de la première salle qui est, à la fois, la salle de déshabillage, de repos et de détente, el guelsa 1 avec des banquettes en dur surélevées, sculptées de mosaïques, recouvertes de nattes de joncs, une hsira 2 . Quelques coussins en velours aux couleurs chatoyantes agrémentent ces nattes. Cette salle me fait penser aux cours intérieures fermées des Riad. Riad bordés d’une galerie d’accès aux différentes habitations. Riad accueillants, aux logements simples et confortables supportés par des colonnades.
Après la visite des lieux pour me mettre à l’aise, mon guide m’indique les vestiaires et me souhaite la bienvenue au hammam. Elle s’éloigne discrètement sans que je m’en aperçoive, me laissant là, devant des femmes qui s’apprêtent à entrer au bain. J’ouvre un casier avec la clé retenue par un bracelet en élastique remise par la réceptionniste, en sors un peignoir, une serviette de bain. A la place, je dépose mes affaires personnelles. Je referme le casier et entoure le bracelet autour de mon poignet. Je reviens sur mes pas et me trouve de nouveau dans la salle de détente. Dans cette pièce, une fontaine centrale en marbre décorative attire ma curiosité. Parsemée de pétales de roses flottant à la surface, elle se dresse majestueusement. Une eau paisible s’en écoule continuellement. La mosaïque au fond du petit bassin semble danser grâce au remous provoqué par la chute de l’eau. La fontaine chantonne. Mon regard s’attarde si longuement sur le spectacle splendide qui s’offre à mes yeux que j’en oublie le temps et la raison de ma visite.
Jusqu’à ce moment-là, je n’ai pas l’impression d’être au hammam. Je ne vois plus les corps des baigneuses : la fontaine accapare, à elle seule, toute mon attention. Elle me procure de la fraîcheur par le bruissement de l’écoulement de son eau.
Siham s’approche du chef d’œuvre. Elle me jette un regard furtif. Tout en effleurant l’eau de ses doigts, elle provoque de petits remous. Elle semble s’amuser.
— La fontaine apporte un peu de fraîcheur à cet endroit. Parfois, dans cet établissement, en écoutant l’eau ruisselante de cette fontaine, je me sens transportée dans un Riad au milieu d’un patio ensoleillé. L’écoulement de l’eau apaise la fatigue. Vous savez, Myriam, si vous vous rapprochez d’elle avec une écoute attentive, elle vous murmure un hymne à la vie, me dit-elle.
Sur le moment, je ne comprends pas le message qu’elle m’adresse. Je suis fascinée par le décor. Les murs sont tapissés de zellij 3 multicolores que la lumière tamisée embellit.
Face à la fontaine, sur la droite, je remarque au fond de la pièce un fauteuil rouge. Je m’empresse de lui demander à qui il est destiné.
— Il est réservé à la future mariée la veille de ses noces, lorsqu’elle est prise en mains par nos soins, me répond la jeune femme.
Dans quelques heures, cette salle sera parfumée par des effluves d’eucalyptus mélangés à l’odeur du thé à la menthe que les clientes languides consomment après le bain. Ce breuvage chaud, que la gommeuse va chercher à la réception, est préparé à l’ancienne avec du thé vert, du sucre et de la menthe, un peu d’eau de fleur d’oranger dans des théières en argent. Il est servi sur commande, accompagné de délicieuses pâtisseries aux amandes et miel.
Cette pièce donne accès directement à la première salle tiède avec un bassin d’eau fraîche sur la droite. Sur la gauche, sont alignées les cabines de massage. Vient ensuite une salle très chaude avec soufflerie à l’eucalyptus dont deux portes permettent d’accéder à l’espace de gommage qui est le cœur-même du hammam. Au milieu de la salle la plus chaude, s’étale une imposante dalle en marbre brillant, poli par l’eau et l’usage. Cette dalle permet aux femmes de s’y allonger pour le gommage.
Toujours au stade du rêve, très vite, l’atmosphère qui se dégage de cet espace me transporte à l’époque où j’accompagnais ma mère au hammam avant que nous ne quittions le Maroc pour venir vivre en France. Cet endroit était réservé à ma mère tout comme le café l’était à mon père, un lieu de bavardages et d’échanges. J’avais perdu la notion de ces moments jusqu’à ce mardi où je franchis le seuil d’un hammam à Paris. La tiédeur et la vapeur de ses pièces font ressurgir des souvenirs vieux de quarante ans. Le hammam. Bain chaud. Bain maure. Synonyme de beauté, de splendeur, il a, de tous temps, hanté de fantasmes les imaginaires. Cet endroit aux décors exotiques, lieu de plaisir et de détente où les soins du corps sont une institution, est uniquement réservé aux femmes. Je trouve son décor et son architecture intérieure plutôt beaux. Cependant, il est différent des hammams classiques anciens des quartiers du Maghreb dont les sols étaient construits autrefois avec un dallage qui recouvrait une couche de gros sel pour maintenir la chaleur. Les plafonds en forme d’arc permettent à la vapeur de bien circuler.
C’est presque un lieu de rêve me dis-je à haute voix ! Siham, qui entrepose les serviettes blanches humides dans un bac à roulettes pour le lavage, se tourne vers moi et dit :
— Dans quelques heures je vais entendre dans un brouhaha de discussions, les clientes occidentales comparer le hammam au harem. Encore une fois.
Pour la femme oc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents