L instant d un regard
98 pages
Français

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L'instant d'un regard , livre ebook

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Description

Une ville, Addis-Abeba; et dans cette ville, une ruelle. Dans cette ruelle, une famille et son histoire, que la révolution éthiopienne fissure brusquement un jour de février 1974. Voici le récit de cette famille, de cette révolution à travers le regard de l'enfant puis de la jeune femme, de retour dans cette ruelle pour un dernier adieu à celle qui en était l'âme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 53
EAN13 9782336263311
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Encres Noires
Collection dirigée par Maguy Albel et Emmanuelle Moysan
N°325, Masegabio NZANZU, Le jour de l’éternel, Chants et méditations, 2009.
N°324, Marcel NOUAGO NJEUKAM., Poto-poto phénix, 2009.
N°323, Abdi Ismaïl ABDI, Vents et semelles de sang , 2009.
N°322, Marcel MANGWANDA, Le porte-parole du président , 2009.
N°321, Matondo KUBU Turé, Vous êtes bien de ce pays. Un conte fou , 2009.
N°320, Oumou Cathy BEYE, Dakar des insurgés , 2009.
N°319, Kolyang Dina TAÏWE, Wanré le ressuscité , 2008.
N°318, Auguy MAKEY, Gabao news. Nouvelles , 2008.
N°317, Aurore COSTA, Perles de verre et cauris brisés , 2008.
N°316, Ouaga-Ballé DANAÏ, Pour qui souffle le Moutouki , 2008.
N°315, Rachid HACHI, La couronne de Négus , 2008.
N°314 Daniel MENGARA, Le chant des chimpanzés , 2008.
N°313 Chehem WATTA, Amours nomades. Bruxelles, Brumes et Brouillards , 2008.
N°312 Gabriel DANZI, Le bal des vampires , 2008.
N°311, AHOMF, Les impostures , 2008.
N°310, Issiaka DIAKITE-KABA, Sisyphe... l’Africain , 2008.
N°309, S.-P. MOUSSOUNDA, L’Ombre des tropiques , 2008.
N°308, Loro MAZONO, Massa Djembéfola ou le dictateur et le djembé , 2008.
N°307, Massamba DIADHIOU, Œdipe, le bâtard des deux mondes , 2008.
N°306, Barly LOUBOTA, Le Nid des corbeaux , 2008.
N°305, S.-P. MOUSSOUNDA, Le paradis de la griffure , 2008.
N°304, Bona MANGANGU, Carnets d’ailleurs , 2008.
N°303, Lottin WEKAPE, Chasse à l’étranger , 2008.
N°302, Sémou MaMa Diop, Thalès-le-fou, 2007.
N°301, Abdou Latif Coulibaly, La ressuscitée , 2007.
N°300, Marie Ange EVINDISSI, Les exilés de Douma . Tome 2, 2007.
N°299, LISS, Détonations et Folie , 2007.
N°298, Pierre-Claver ILBOUDO, Madame la ministre et moi , 2007.
N°297, Jean René OVONO, Le savant inutile , 2007.
N°296, Ali ZADA, La marche de l’esclave , 2007.
N°295, Honorine NGOU, Féminin interdit , 2007.
N°294, Bégong-Bodoli BETINA, Ama Africa , 2007.
L'instant d'un regard

Myriam Tadessé
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.hannattan@wanadoo.fr harmattanl1@wanadoo.fr
9782296084452
EAN : 9782296084452
Sommaire
Encres Noires - Collection dirigée par Maguy Albel et Emmanuelle Moysan Page de titre Page de Copyright Dedicace Epigraphe
À Belaynesh, ma grand-mère.
À mes filles, Iféyiwa et Malaïka.
Enfant, si tu arrêtes de pleurer, tu verras...
SEROTE MONGANE
Vous êtes assises dans l’herbe d’un petit coin de campagne. Au loin, des montagnes aux courbes douces, à l’arrière-plan, un acacia, quelques toukoules dont le toit de chaume se confond avec les hautes herbes alentour, des brassées de buissons à l’abri desquels ondulent les plants de tef . Derrière vous, couchés dans l’herbe, deux grands verres à eau, un torchon à carreaux, des couverts en argent soigneusement rassemblés, un châle aux pieds de l’une, un foulard négligemment jeté sur l’herbe, à côté de l’autre. L’une de vous est assise de profil et nous regarde offerte, appuyée sur son bras avec une grâce mêlée de coquetterie un peu mutine, un sourire flottant sur ses lèvres, une boucle brillant à son oreille. L’autre est à moitié allongée, les jambes repliées et les coudes reposant sur un coussin à fleurs, le corps enveloppé dans un manteau clair. Un fichu imprimé enserre ses cheveux et une pierre précieuse scintille à son annulaire. Elle est de profil, la main gauche épousant sa bouche, le regard songeur, perdu dans une réflexion entre tristesse et souci. Un épineux au tronc crevassé délimite le cadre.
Vous êtes belles, élégantes, comme surprises dans cet instant de grâce et de féminité.
Toi que l’on surnommait petite tante, en raison de ta taille sans doute, et toi grand-mère, ma mère d’Éthiopic. Toi que je ne vis jamais que dans une verticalité fière et entêtée en dépit des bourrasques de l’existence.
Deux sœurs alanguies, là, un jour de mai 1956, dans l’insouciance d’un déjeuner sur l’herbe.
Une secrète inquiétude rôde cependant sur vos visages.
Est-ce la solitude de ton trop jeune veuvage grand-mère et des amours contrariées de ta sœur ? Ce voile de mélancolie qui enveloppe les habitants des hauts plateaux ?
Ou déjà, la prescience de ce qui vous déchirera, dix-huit ans plus tard ?
Addis-Abeba, ville à la lumière bleutée, emmitouflée de hautes montagnes, amoureusement couvée par un ciel de lapis-lazuli où s’ébattent, graciles et frisottés, des nuages d’un blanc immaculé. Embrumée et frileuse à son réveil, somptueusement parée d’ocres rouges à son coucher, Addis-Abeba s’étirait le long du jour, nonchalante et rêveuse dans ses senteurs d’eucalyptus, aspirant à une ombre où se lover.
En juillet, Addis se parfumait de terre mouillée et buvait goulûment les pluies torrentielles qui s’abattaient sur ses cambrures. Ivre et grelottante, elle s’ébrouait quelques instants, l’après-midi, le temps de pisser son trop-plein d’eau et de retrouver un soleil vainqueur de ses nuages. Mais la rencontre tournait invariablement à l’orage, et le soleil, évincé, n’avait plus qu’à pleurer jusqu’à la joute suivante. Au mois de septembre, la saison des pluies se retirait dans l’apothéose d’un étincelant manteau de fleurs jaune d’or, les fleurs de la maskal, qui annonçait les fêtes de la Croix.
On raconte que l’impératrice Taitu, épouse du grand roi Ménélik II, tomba amoureuse de ce manteau de fleurs du haut de ses montagnes d’Entotto. Elle rêva d’y faire éclore une ville : Addis - Abeba , « nouvelle fleur ».

« Addis chérie, dit la chanson, tes femmes ont la beauté de la terre d’ocre,
Toi qui naquis du désir d’une reine pour une fleur sauvage
Toi qui fondis mon cœur dans la croix jaune des pétales de la maskal
Laisse-moi recueillir la sève de tes légendes
Vois comme elle scintille dans mes paumes
Vois comme elle pare d’or mes énigmes.
Addis chérie, ouvre-moi le chemin des secrets.
Toute gloire est vaine pour qui n’a su voir dans une goutte de rosée la promesse d’un monde.
Addis chérie, perle de pluie
Accepte l’offrande de mon chant
Je dois partir sans revenir... »

Addis-Abeba...
Spirale qui dévalait les collines d’Entotto, entraînant autour d’elle palais, toukoules, demeures en bois, huttes en tôle ondulée, églises rondes, églises octogonales, troupeaux de moutons, de chèvres, de zébus efflanqués broutant les herbes folles et traversant nonchalamment les majestueuses avenues où se côtoyaient princes et mendiants.
C’étaient les vieilles femmes qui descendaient par centaine les flancs de la montagne Entotto — courbées sous le poids des fagots d’eucalyptus attachés à leur poitrine —, croisant le braiment des ânes, toujours battus, maltraités, aux charges de céréales ou de bois souvent trop lourdes. Le halètement des chiens errants, les rires des enfants aux pieds nus qui faisaient rouler des cerceaux en fer ou des pneus entre les passants drapés de chamas blancs, les fichus colorés entourant la tête des femmes, les marchandes trônant sur un bout de trottoir, couronnant leur pyramide de fruits d’une bouteille de vernis à ongles. Le ballet des mouches grésillant autour des quartiers de viande que les nombreuses échoppes de bouchers arboraient fièrement, tels des trophées de chasse ; les minuscules boutiques en tôle ondulée où s’entassaient pêle-mêle les menus besoins du jour : de la pile à la boîte de concentré de tomate, des épices aux allumettes, du lacet de chaussure à une ampoule. Les hordes d’écoliers en uniforme — un unique et précieux cahier contre leur cœur — se formant ou s’égaillant comme une nuée d’oiseaux migrateurs ; les éclopés de la vie, pour de vrai ou pour de faux selon les quartiers et les circonstances ; les lumières rouges des bordels, les bouteilles mordorées fichées sur des pieux signalant l’entrée de bars plus ou moins clandestins.
Ville mosaïque qui ne cachait ni ses fous ni ses princes ni ses infirmes mais où tous s’esquivaient derrière les doubles sens de la langue amharique.
C’était, battant comme un gigantesque cœur, le mercato , entrelacs vertigineux d’avenues, rues et ruelles réparties en autant de corporations que de textures sonores, visuelles et olfactives. Dédales feutrés en terre battue où, sous la lumière tamisée des toits en paille, les marchandes de kebé emmaillotaient les mottes de beurre clarifié dans la fraîcheur des feuilles de bana

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