L interprétation et la représentation du Moyen Age sous le Second Empire
640 pages
Français

L'interprétation et la représentation du Moyen Age sous le Second Empire , livre ebook

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640 pages
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Description

L'interprétation du Moyen Age sous le Second Empire se réduit-elle aux normes historiques, archéologiques, sociales et philosophiques de l'époque ? L'auteur montre que le Moyen Age loin d'être un simple miroir, façonne les mentalités. Sa représentation littéraire et artistique trouve un écho dans l'imaginaire collectif qui l'investit affectivement. Enfin, sa réception comporte en germe certaines méthodes et concepts historiques du siècle suivant. (CD-Rom à l'intérieur).

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2016
Nombre de lectures 27
EAN13 9782336399980
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

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Extrait

celle-ci le reflète de manière complexe et vivante. Plongé dans les nimbes d’une époque nébuleuse et lointaine, le Moyen Age paraît d’abord aux décennies 1850-
Cette étude qui repose sur un corpus de près de 2000 textes évoquant le Moyen
de ce passé se réduit-elle aux normes historiques, archéologiques, sociales et
décennies 1850 et 1870. Il y fait paradoxalement l’objet d’une mythification et d’une historisation extrême qui le restitue dans ses détails les plus infimes. Mais à chaque œuvre de parler...cette recherche propose ici un voyage dans le temps fictif ; elle revisite des textes peu connus d’auteurs comme Hugo, Verlaine, Baudelaire,
La troisième partie glisse de l’expression littéraire singulière de la période
positivisme et le matérialisme ; il fait miroiter un idéal social, communautaire, spirituel et même scientifique. Cet investissement affectif et intellectuel explique
Chemins de la Mémoire
Laurence Babic
L’interprétation et la représentation du Moyen Age sous le Second Empire
e Série XIX siècle
CDRom à l’intérieur
L'interprétation et la représentation du Moyen Age sous le Second Empire
Chemins de la Mémoire Fondée par Alain Forest, cette collection est consacrée à la publication de travaux de recherche, essentiellement universitaires, dans le domaine de l’histoire en général. Relancée en 2011, elle se décline désormais par séries (chronologiques, thématiques en fonction d’approches disciplinaires spécifiques). Depuis 2013, cette collection centrée sur l’espace européen s’ouvre à d’autres aires géographiques. Derniers titres parus : LAFAGE(Franck),Côme III de Médicis, Grand-duc de Toscane,Un règne dans l’ombre de l’Histoire (1670-1723),2015. PRIJAC (Lukian),Le blocus de Djibouti, Chronique d’une guerre décalée (1935-1943),2015. CHASSARD (Dominique),Vichy et le Saint-Siège, Quatre ans de relations diplomatiques, juillet 1940-août 1944,2015. CHAUX(Marc),Les vice-présidents des États-Unis des origines à nos jours,2015. e ELHAGE (Fadi),Le chevalier de Bellerive, Un pauvre diable au XVIII siècle, 2015. PAUQUET (Alain),L’exil français de Don Carlos, Infant d’Espagne (1839-1846),2015. SARINDAR-FONTAINE(François),Jeanne d’Arc, une mission inachevée,2015. LOUIS (Abel A.),Marchands et négociants de couleur à Saint-Pierre de 1777 à 1830 : milieux socioprofessionnels, fortune et mode de vie, Tome 1 et 2,2014. e PREUX(Bernard),siècle en Franche-Comté,Enfance abandonnée au XVIII 2014. EMMANUELLI(Francois-Xavier),Un village de la basse-provence durancienne : Sénas 1600 – 1960,2014. Ces dix derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent.La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Laurence BABICL'INTERPRETATIONET LA REPRESENTATIONDUMOYENAGESOUS LESECONDEMPIREL’Harmattan
© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-07300-2 EAN : 9782343073002
INTRODUCTION
Moyen Âge et Second Empire deux périodes que plus de quatre siècles séparent ; outre les difficultés historiographiques liées à l’éloignement de ces deux époques, combien de systèmes esthétiques, politiques, philosophiques, combien de révolutions intellectuelles ont brisé tout rapport apparent entre ces deux pôles historiques ! Retranchée dans une nuit épaisse, l’ère médiévale parvient à la conscience du Second Empire, de façon lacunaire et incomplète. Comme un corps qui aurait subi les outrages du temps et l’usure de la vie, ce passé âgé de plusieurs siècles est « mutilé »,brisé et corrompu. Il ne peut être approché que par les artifices de l’imagination. Modelé par des esthétiques disparates et des représentations idéologiques variées, le Moyen Âge n’existe pas en dehors d’elles, de même qu’il n’a aucune valeur en dehors des enjeux qu’il incarne pour les décennies 1850-1870. Les dictionnaires, loin de le caractériser précisément, l’ignorent, comme le Dictionnaire de l’Académie françaisepublié en 1862 ou le définissent de façon laconique comme le Littré qui se limite à une périodisation chronologique. En revanche, les métaphores picturales qui permettent de le saisir, abondent. Évoqué tantôt comme un « chaos »,tantôt comme un « labyrinthe »,tantôt comme un « vaste champ de ruines inextricables, une plage aride et jonchée des 1 débris de la civilisation romaine »,« une steppe inféconde, un désert bordé 2 3 4 d’oasis »,parfois « hideux »ou encorecomme une « mer »et enfin comme « une lande ingrate »,il devient une entité spatiale immense et incongrue. Celui qui tente de l’approcher, accomplit un trajet dont il pourrait peut-être ne jamais trouver l’issue. Les ornières tracées par ces temps si vieux, menacent d’égarer à tout instant les instigateurs de ce passé. Une pâle lueur illumine, seule, le Moyen Âge :
1 P.C. Labitte,Œuvres de Dante Alighieri, La Divine Comédie, 1866. 2  V.P. LaurensVictor,Le Tyrtée du Moyen Âge ou histoire de Bertrand de Born,Gedalde jeune, Paris, 1863. 3 Comte Agénor de Gasparin,Le Christianisme au Moyen Âge : Innocent III, Séances historiques données à Genève,Paris, Meyrueis et compagnie libraire, 1858. 4  Cette métaphore se trouve dans « Les Notes et éclaircissements » deLa Sorcièrede Michelet, 1862, p. 289.La mer évoque avant tout ce qui ne peut être figé et qui est mouvement perpétuel. Le Moyen Âge est donc, symboliquement inaccessible. Nous nous référerons tout au long de la thèse à la collection Garnier-Flammarion et à l’édition de 1866.
« Mais au-delà, mais à travers ces temps nébuleux incertains où la tradition, ce fanal si souvent trompeur, laisse à peine entrevoir quelques jalons douteux, comment ne pas craindre de s’égarer, comment éviter ces fondrières perfides qui creusent à qui 5 mieux les imaginations et les systèmes . »
Ainsi, celui qui le « visite » comme un monde étranger à ses normes, ne peut se l’approprier qu’en se transformant symboliquement lui-même et en pénétrant au cœur de la matière du passé :
« Pendant des mois, pendant des années entières, j’ai appartenu à mes colonges, je 6 me suis assis à leurs tables, j’ai assisté à leurs plaids, j’ai signé leurs arrêts . »
Sous le Second Empire donc, l’investigateur du Moyen Âge doit posséder le privilège de l’ubiquité qui lui permet d’assister en secret à l’existence de ses ancêtres. Son imagination le transporte hors de son époque et lui fait oublier quelques instants son statut d’homme critique. Il ne modifie en rien les éléments du passé, mais ôte simplement le voile qui les recouvre depuis des siècles. Une parole suffit parfois pour faire ce voyage dans le temps. L’éveil des sens provoque une disponibilité incommensurable face aux bribes du Moyen Âge. Plongeant dans l’intimité des hommes d’antan, on saisit comme par magie leur existence, leur pensée en gestation. « Usons de notre privilège […], entrons 7 dans la chambre du poète. Écoutons-le parler, et voyons-le écrire . » Le Moyen Âge tout entier finit même parfois par s’animer et par devenir le compagnon ou l’ami de l’historien qui ne le quitte qu’à contrecœur.
« Ô cher Moyen Âge ! Voilà plus de six ans que j’ai été conduit à étudier les secrets de ton histoire, de ta littérature et de tes arts. Depuis ce jour, je n’ai pu un seul instant me séparer de ta chère étude, à laquelle j’ai pour ainsi dire attaché ma vie. L’étude de l’Antiquité m’est devenue fade, depuis que j’ai goûté la douceur de 8 tes saints, le miel de tes écrivains et la suavité de tes églises . »
Cette pénétration du passé exige une longue, mais féconde solitude. Le critique parcourt le monde immatériel des ombres et quitte son époque pour accomplir un voyage fantastique vers un univers empli de charme :
« Ici, c’était le grand historien poëte du Moyen Âge, le magicien dont la baguette a 9 tiré de la poussière tant d’ombres évanouies, l’ingénieux et fantastique Michelet . »Pourtant l’investigateur de la période médiévale parvient rarement à ressusciter ce monde de ténèbres d’un coup de baguette. Tout se passe, en effet, comme si l’audacieux voyageur qui visite le Moyen Âge ne pouvait revivre et vibrer d’une vie authentique qu’à travers un véritable « rituel » initiatique. Celui-ci est non seulement indispensable au poète et à la créature sensible, mais aussi 5  Ludovic, Chapplain,Les Mystères de l’histoire révélés par le somnambulisme lucide. Histoire de Nantes depuis son origine. Ères celtiques, gallo-romaine et Moyen Âge,Nantes, Vve Mellinet, 1853. 6 L’Abbé Hanaouer,Les Paysans de l’Alsace au Moyen Âge,Paris, A. Durand, 1865. 7 Léon Gautier,Les Épopées françaises,tome premier, Paris, Victor Palmé, 1865, p. 285. 8  Léon Gautier,Comment faut-il juger le Moyen Âge ?Chapitre VI, « Résumé et conclusion », Paris, Victor Palmé, 1858, p. 112. 9 M.C. Lenient,La Satire en France au Moyen Âge.Préface de la première édition, Paris, L. Hachette, 1860, p. 11.
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à l’historien et à l’économiste qui s’attachent pourtant aux aspects les plus 10 objectifs de la période médiévale. Élu et supérieur à l’humanité , « l’explo-rateur » du passé plonge en lui, se sépare de sa carapace d’homme moderne pour pénétrer au cœur de la substance fragile des vieux siècles. De cet âpre travail sur soi, peut jaillir seulement un miracle, une communion exceptionnelle avec le Moyen Âge.Mais cette intimité partagée avec des créatures si lointaines ne dure le plus souvent que l’espace d’un instant fugitif, avant de sombrer dans le pétrifiant silence des siècles. Face à cette quête démiurgique des fuyantes et 11 ondoyantes lignes du passé , l’homme du Second Empire devient un simple instrument destiné à faire vibrer de toutes ses cordes et de toute la gamme de ses nuances cette ère intarissable. Plus insaisissable que jamais, le Moyen Âge offre si peu de prise à celui qui veut l’approcher « physiquement » ou « matériellement » qu’il échappe au réel et se transforme en une vision fantastique, drapée d’impénétrables brumes. L’imagination du critique a alors comme ultime but de suppléer à l’insuffisance de la réalité et des traces matérielles laissées par cette époque augurale. Léon Gautier souligne le parcours nécessaire de la pensée dans les limbes du rêve :
« Son imagination reconstruit vivement toutes ces beautés disparues, que ses yeux 12 ont contemplées un instant et qu’il veut immortellement fixer dans sa mémoire . »
« Fixer »,graver dans la mémoire et figer à jamais une zone d’ombre, tels sont les fantasmes les plus vivaces au cœur du Second Empire. Pourtant l’opacité de ces temps reculés les rend fragiles et fuyants, empêchant l’historien et le littérateur modernes de pénétrer dans leur réalité consubstantielle. Ténus et facilement altérables, ils s’évanouissent dans la nuit des temps en restant muets sur l’époque qui les a pourtant engendrés. Léon Gautier évoque les épopées en ces termes :
« Les savants y démêlent bien la notion de quelques événements véritablement historiques, mais avec quelle difficulté ! Et autour de ces faits réels, les poètes ont entassé tant de mythes ! Ce sont comme autant de voiles à travers lesquels la vérité ne peut lancer que de petits rayons ; nos yeux soupçonnent ces lueurs plutôt qu’ils 13 ne les voient . »
Les métaphores toutes matérielles de l’espace sont les plus récurrentes à cette époque. Ce flottement est si caractéristique pour évoquer le Moyen Âge, qu’il entraîne une imagerie stéréotypée. Les légers clochetons, les innombrables
10 « Il n’est pas donné à tous de percer le voile du passé. » D. Rossi,Étude archéologique sur le Moyen Âge ou l’église de Solliès-Ville,Toulon, Monge, 1858. 11  Pour certains auteurs, le retour vers le passé opéré par des historiens et des critiques fait de ceux-ci de véritables dieux, heureux artisans de la résurrection du Moyen Âge. Albert Lecoy de la Marche voue ainsi une admiration proche de celle que l’on accorde aux êtres sacrés aux chroniqueurs de son siècle. Grâce à leur immense labeur, les documents de cette lointaine époque prennent vie : « Ils ressemblent à des photographies qui seraient exhumées, au bout de six cents e ans, dans toute leur fraîcheur. »,siècle,La Chaire française au Moyen Âge, spécialement au XIII  Paris, Didier, 1868. 12 Léon Gautier,Les Épopées françaises,tome premier,op. cit.,1865. 13 Ibid.,p. 7.
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