L irréparable
300 pages
Français

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L'irréparable , livre ebook

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300 pages
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Description

Juillet 1942. Après la rafle du Vel d'Hiv, parents et enfants vont être parqués dans des camps d'internement dans l'attente d'un départ pour Auschwitz. Deux fillettes vont se retrouver, l'une juive, l'autre non, l'une libre, l'autre non. Elles se sont liées d'amitié trois ans plus tôt durant un séjour en colonie de vacances. Elles vont échanger par-delà les barbelés. Mais bientôt, leur destin va basculer. L'horreur, la peine, le chagrin, l'espoir vont se jouer des protagonistes. L'irréparable a été commis et fera naître un secret qui perdurera la guerre passée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 janvier 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782140028182
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Philippe Pintaux







L’irréparable

Pithiviers, sur le chemin d’Auschwitz
Copyright
Du même auteur

Vous reviendrez à Berlin-sur-Meuse,
L’Harmattan, coll. « Romans historiques » – série XX e siècle, 2015


























© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-78054-2
Exergue


« La France, patrie des Lumières, patrie des Droits de l’homme, terre d’accueil, terre d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable ».
Discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995
I
Avez-vous déjà croisé François Fernet ?
Peut-être pas ?
Quel dommage !
Mais pour ce faire, il vous aurait fallu venir jusqu’à Saint Thomé, village d’Ardèche situé à mi-chemin entre Viviers et Aps, sur cette route qui rejoint la vallée du Rhône à la Haute-Loire en passant par Aubenas et le col de la Chavade.
Il y vit avec Léontine son épouse. Non pas aux « Crottes », le hameau situé en contrebas de l’éperon rocheux sur lequel, justement, se dresse la ferme de François Fernet, mais au village même, tout à côté du château médiéval défiant le voyageur arrivant de Viviers et de quelques maisons dont certaines menacent ruine. Ils y vivent à deux pas de l’église qui veille au sommet en égrenant les heures.
Mais, ne pensez pas y trouver des bâtiments agricoles sous lesquels seraient entreposés charrues, chariots, batteuses ni même des écuries, étables et que sais-je encore. Non, rien de tout cela. L’agriculture ici n’est ni extensive, ni intensive, mais tout simplement… paisible.
Au premier, l’habitat en toute rusticité et promiscuité. Les poules et la lapinière au rez-de-chaussée. Un fouloir à raisin au fond d’une cave. Quelques barriques d’un vin dont on cherche encore les qualités, mais qui suffit largement pour une consommation personnelle bien modérée. Une dizaine de chèvres assignées à résidence dans une bâtisse voisine qui fut comptée comme un « feu » dans les recensements de naguère. Quelques arpents de vignes, quelques terres cultivées… De quoi assurer, en ce siècle naissant, XX e du rang, une vie saine et sereine aux quatre membres de la famille Fernet.
Car Léontine et François Fernet eurent deux enfants en tout et pour tout. Deux fils. Auguste, l’aîné, et Léon, le second.
Mais, seul un des frères pourra reprendre la petite exploitation familiale, laquelle ne peut nourrir deux foyers. Mais lequel ? Il va falloir cesser de repousser la décision aux calendes grecques. D’autant que les deux frères sont dorénavant en âge de travailler et que le père se fait vieux.
La vie va se charger de trancher ce dilemme.
En effet, en ce matin de février 1915, Ludovic Bonnefoy, maire de Saint Thomé, monte le chemin caillouteux qui le mène de la mairie vers le château puis au droit de la maison de François et Léontine Fernet. Il s’arrête et ceint son écharpe tricolore. Il grimpe enfin les quelques marches qui le conduisent à la porte d’entrée, avant de frapper au carreau. Le visage est grave. À l’intérieur Léontine s’affaire autour de la vaste cheminée. Elle a entendu le pas du visiteur et, machinalement, s’est retournée au moment même où Ludovic Bonnefoy s’annonçait.
Elle s’est arrêtée net à la vue de l’édile. Elle n’a pas eu besoin de s’interroger longtemps et s’est dirigée vers la porte et a ouvert.
– Bonjour Léontine, es-tu seule ? François…
– Lequel ?
– Je…
– Lequel je te demande ?
– Léon…
– Ne reste pas dehors avec ce mistral, entre…
Un shrapnel allemand à « Fontaine Madame », en Argonne, avait fait son choix le 23 janvier précédent.
Auguste, devenu de fait fils unique, prit donc la suite de son père. Il avait épousé, avant de partir défendre son pays, Lucie Rouve, une Drômoise qui lui donna un seul et unique enfant, mais un fils : Adrien.
La succession d’Auguste semble donc assurée.
Seulement, la passion d’Adrien pour les travaux agricoles et la terre n’est que très limitée. Et voilà que son instituteur a décelé chez lui des capacités dignes d’être mises en valeur. Le garçon éprouve un intérêt tout particulier lorsqu’en arithmétique, les factures sont abordées. « Vous êtes commerçant au Teil et une cliente vous achète 3 mètres de tissu à 18 francs le mètre, 6 boutons en nacre à 1,50 franc pièce ainsi qu’une paire de ciseaux à 10 francs. Présentez la facture et dites combien la cliente devra régler »
Le bougre s’applique. Il ne se trompe pas. Il présente sur son cahier, et de sa plus belle écriture, s’il vous plaît, le document sollicité. Elle a de la gueule, sa facture. Assurément il a de l’avenir ! Il faut qu’il passe son certificat d’études et poursuive dans la comptabilité. Il ne peut pas s’arrêter en si bon chemin. C’est aussi le rôle des hussards noirs de la République, de dénicher les prédispositions qui se déclineront plus tard en compétences, en talents. Et non de les noyer dans un océan de médiocrité duquel personne ne sortira grandi.
Et ce n’est pas un comptable pour rien, l’Adrien. Un cartésien. Un vrai ! Un pur et dur même. Passionné des chemins de fer de surcroît. Il retrouve dans ce moyen de transport l’exactitude des choses et des chiffres.
– Avec la conscience professionnelle des cheminots, les trains sont à l’heure, se plaît-il à dire. Ils passeront à cet endroit précis et à l’heure dite. Et cela quelles que soient les intempéries. Que le brouillard s’invite dans le défilé de Donzère ! Qu’à cela ne tienne ! Les Pacific 231 le traverseront en pleine vitesse ignorant avec dédain, pareille contrainte. Le chemin de fer c’est aussi une confiance aveugle dans la signalisation qui saura arrêter, ralentir le convoi si besoin est. Une confiance qui naît d’une organisation précise et d’une discipline à l’image de celles que s’imposent les comptables.
Sa vie durant, il fera sienne cette maxime de ses professeurs qui l’ont convaincu qu’une différence d’un centime entre la colonne débit et la colonne crédit d’une balance comptable peut cacher une erreur d’un million et un centime au débit et une erreur d’un million au crédit. Passer sous silence cette différence, il ne le pourra jamais et des nuits durant, il recherchera ce centime qui persiste à se fondre parmi les centaines de chiffres devenus les complices du fugitif.
Adrien sera hanté toute sa vie durant par cette éventualité. Mais, en définitive, il ne la rencontrera jamais !
Et son tempérament sera forgé par cette rigidité, parfois même psychorigidité, comme nous dirions de nos jours. À moins que son tempérament ne se soit lové dans une profession n’acceptant pas le compromis, et encore moins « l’à-peu-près ».
Et comme un malheur n’arrive jamais sans un autre , voici qu’Adrien a rencontré au cours de son service militaire une… Normande de Coutances, sous-préfecture de la Manche. Et, me croirez-vous lorsque je vous dirai que son nom de famille est Lenormand ? Alice Lenormand, de Coutances, en Normandie !
Voici donc l’Adrien, ses parents, Léontine et François, ses grands-parents, tassés dans un compartiment de troisième classe de la compagnie PLM, en ce début septembre 1929. Direction la Normandie pour justement célébrer le mariage d’Adrien et de cette Alice, laquelle, à n’en pas douter, appartient à cette horde de femmes qui viennent jusque dans nos bras arracher nos fils de nos campagnes !
Et la Lucie qui ne décolère toujours pas.
– Comment as-tu pu nous faire cela ? Épouser une fille à l’autre bout du monde. Alors que, sans même aller au Teil ou à Viviers, il y avait à Saint Thomé, Valvignères ou même Alba, tant de beaux partis. Comment as-tu pu nous faire cela ?
– Mais, la mère, papa n’a-t-il pas été jusque dans le Diois pour te chercher ?
– Mais, Saint-Dizier-en-Diois est à un peu plus de cent kilomètres de Saint-Thomé alors que la Normandie…
Lucie asséna sa vérité en l’accompagnant d’un tournoiement de la main laissant présager un flou qui n’avait rien d’artistique. Ce qui déplut au disciple de Descartes.
– Maman, nous sommes partis ce matin de Saint Thomé à 6h35 précises et nous arriverons à Coutances à 18h44. Dis-moi un peu, si nous avions pris la direction de Saint-Dizier-en-Diois, à quelle heure nous serions arrivés ? Sans compter que nous n’aurions pas eu la certitude d’être véhiculés entre la gare de Luc-en-Diois et Saint-Dizier. Vingt-sept

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