L’ OMBRE DE ROSA
87 pages
Français

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L’ OMBRE DE ROSA , livre ebook

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Description

Cela fait plus de vingt ans que Jak a quitté sa ville natale dans l’espoir de trouver une vie meilleure, loin de son pays plombé par la dictature. Mais le passé le rattrape et il ne parvient pas à oublier le meurtre de Rosa, son premier amour, victime des manifestations.
L’ombre de Rosa raconte cette semaine où Jak revient chez lui pour tuer l’homme qui a ruiné ses espoirs. Une semaine à errer sur les lieux qu’il a souvent hantés avec Rosa et ses amis étudiants, comme le Café Yasmine où resurgissent certaines figures oubliées. Une semaine à se convaincre que son choix est le bon et qu’il n’est pas un assassin, mais un justicier…
Dans une lutte à finir, aux allures kafkaïennes, entre le bien et le mal, se joue le destin d’un homme en colère, déchiré entre son besoin de vengeance et sa lente marche entre hier et demain.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 février 2021
Nombre de lectures 6
EAN13 9782895978008
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’OMBRE DE ROSA


DE LA MÊME AUTRICE
Sans réserve , Tracadie-Sheila, La Grande Marée, 2016.
La tailleuse de clés , Moncton, Perce-Neige, 2012.

F ERNANDE C HOUINARD
L’ombre de Rosa
ROMAN



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre : L’ombre de Rosa / Fernande Chouinard.
Noms : Chouinard, Fernande, 1950- auteur.
Collections : Voix narratives.
Description : Mention de collection : Voix narratives
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20200399225 | Canadiana (livre numérique) 20200399306 |
ISBN 9782895977742 (couverture souple) | ISBN 9782895977995 (PDF) | ISBN 9782895978008 (EPUB)
Classification : LCC PS8605.H 66987 O43 2021 | CDD C843/.6— dc23
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 er trimestre 2021

À la mémoire de Benoît, mon père

Une injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs, car nous sommes tous pris dans un tissu de relations mutuelles.
Martin L UTHER K ING
Tous les hommes ont les mêmes droits… Mais du commun lot, il en est qui ont plus de pouvoirs que d’autres. Là est l’inégalité.
Aimé C ÉSAIRE


1
Les têtes se sont retournées d’un bloc au moment où Jak a poussé la porte du Café Yasmine, les regards se sont figés, son allure suspecte a attiré l’attention, sa tête d’évadé, ses yeux creux, la cicatrice qui lui fendait le sourcil gauche et sa barbe hirsute ont imposé la plus grande prudence. On l’a regardé comme s’il était ceinturé d’explosifs.
Il a tout de suite fait tache dans le décor.
Un silence de tombe a mis fin aux bavardages des quelques clients attablés.
Jak s’est senti blêmir et s’est hâté de prendre place.
À huit heures du matin, il était déjà aux aguets, un homme devait venir le chercher ce jour-là, ou le lendemain, un rendez-vous auquel il ne pouvait se permettre d’être en retard. Une vieille Peugeot bleue devait se garer à quelques mètres du café pour ne pas éveiller les soupçons, il devait se tenir prêt, consulter sa montre, patienter deux minutes, boire lentement la dernière gorgée de son thé comme si de rien n’était, marcher à pas lents, rejoindre l’inconnu assis derrière le volant. En attendant, le mieux était de faire profil bas, de rester discret, de ne pas renifler bruyamment, de ne pas se moucher dans ses doigts comme il le faisait à la carrière de pierres, de ne montrer aucun signe d’impatience. Attendre, attendre, attendre… Lui seul savait qu’il était de retour dans sa ville natale, lui seul savait ce qu’il était venu y faire.
Demain, toute cette affaire serait réglée.
C’était du moins ce que Jak espérait.
Tourmenté par la décision qu’il avait prise et tendu par l’œil soupçonneux des clients qui n’avaient pas caché leur méfiance à son égard, il répétait mentalement les consignes qu’on lui avait données afin de ne rien oublier, de faire le bon geste au bon moment, de la manière la plus naturelle qui soit. Il avait la gorge sèche. Le jour et l’heure du rendez-vous étaient restés flous, un à-peu-près qui le rendait aussi nerveux que les aiguilles affolées d’une boussole. Il a pressé sa main sur sa poitrine pour calmer les palpitations de son cœur. Le regard tourné vers la rue, il s’est attelé à sa tâche du moment : guetter le bruit d’un moteur diesel qui n’arrivait pas. « L’attente n’est qu’un mauvais moment à passer », s’est-il dit.
« Pourvu que l’homme vienne, pourvu qu’il ne tarde pas. »
Par les grandes fenêtres, Jak observait les scènes de la vie quotidienne qui se déroulaient dans la rue. Des couples marchaient en tenant leurs enfants par la main, un homme vêtu d’un cafetan avançait dans la direction du café, plusieurs en costume-cravate se déplaçaient vers un édifice en pierres brunes, un ancien immeuble à logements converti en bureaux administratifs, de vieilles voitures allaient et venaient, un autobus repartait aux trois quarts vide. Autour de lui, les quelques clients attablés le surveillaient, observaient à la dérobée ses faits et gestes, cherchaient à se donner un semblant de naturel à peine dissimulé derrière de grands gestes de la main. Leur œil oblique se promenait d’une table à l’autre, de leur table à celle de Jak, et de nouveau d’une table à l’autre, révélant la dimension de leur espace de vie : les quatre murs du Café Yasmine. Silence dense, gênant, goût âpre de la méfiance qui tentait de ne rien laisser paraître, plaie vive. Jak faisait tous les efforts pour ne pas réagir, pour se fondre dans l’atmosphère particulière de ce lieu sombre qui sentait les graines de sésame grillées, l’huile d’olive, l’ail et quelques relents de ranci. Il attendait son heure, c’est-à-dire l’heure de savoir, l’heure d’en finir.
« Pourvu qu’elle arrive aujourd’hui, cette sacrée Peugeot ! »
L’ambiance oppressante le mettait si mal à l’aise que les doutes et les hésitations auraient pu lui brouiller l’esprit, mais, ce matin-là, il était si près du but qu’aucune panique ne pouvait s’emparer de lui, il se sentait capable de tuer de sang-froid, sans regret, sans douleur au ventre, sans pincement à l’estomac, sans miette d’humanité dans le cœur. À la place, une certitude que le motif de son voyage était justifié par le cours des choses. Son détachement avait quelque chose de sublime, il lui procurait un sentiment d’impunité, une euphorie difficile à expliquer en raison de sa hâte d’en finir, il ne se demandait pas si l’affaire pouvait se régler autrement, si l’homme qui allait appuyer sur la détente était celui qu’il voulait être. Son visage s’animait en regardant par la fenêtre, il souriait de dégoût. Jak, qu’est-ce qui te prend de sourire ? Tu as perdu la tête ? Tes faits et gestes sont épiés. Imbécile, tu veux attirer l’attention ?
Le voyage de retour avait été long et pénible, des milliers de kilomètres d’ouest en est du continent africain, quatre mois de route, peut-être plus. Jak n’avait pas compté les jours de cette longue odyssée où la notion du temps s’était déformée dans le prisme des vallées entourées de montagnes, dans les plaines arides, les bidonvilles, les enfilades sans fin de champs moissonnés ou abandonnés. Un bateau, un train, des autobus qui tressautaient, soupiraient, puaient le mazout et le cambouis, des marches épuisantes, un trajet à dos de mulet pendant des jours avec en tête, obstinément, une destination précise, un sol connu à reconnaître et à fouler : la ville de son enfance et le Café Yasmine. Certains jours, le tonnerre avait grondé, les éclairs avaient fendu le crépuscule ; d’autres jours, le ciel était étoilé ou sans lune, gris, moutonneux ou d’une pureté qui tranchait avec les eaux stagnantes, levain de diarrhées et d’infections, où les égouts à ciel ouvert empestaient l’air. Il avait traversé des villes où mendiaient des enfants crasseux, au ventre gonflé, qui restaient debout la main tendue, des clochards qui déambulaient avec un carton dans une main et des sacs en plastique dans l’autre, des ivrognes chancelants ou assis sur le trottoir la tête baissée, trop faibles ou trop ivres pour lever les yeux et remercier ceux qui laissaient tomber une pièce dans leur tasse. Seul le bruit métallique rappelait qu’il y avait quelqu’un, là, dans l’ouverture d’une porte, dans le recoin d’un bâtiment en béton. D’autres villes présentaient des ressemblances à s’y méprendre, les mêmes enfants crasseux, les mêmes clochards assis par terre la tête entre les genoux, les mêmes ivrognes. Un lieu de misère ressemble à un autre, un miséreux à un autre miséreux. D’autres villes encore où la vie paraissait plus facile, des quartiers huppés aux rues bordées de boutiques chics, de gratte-ciel éclairés par des néons qui clignotaient la nuit, une succession de tableaux en mouvement comme dans une

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