La berge sud
188 pages
Français

La berge sud , livre ebook

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188 pages
Français

Description

Voyageur infatigable qui parcourt le monde à la recherche de son sosie, étudiant en vacances à qui un paysage idyllique montre des visages inattendus, peintre en panne d'inspiration à qui une secousse tellurique indique le chemin, vieille dame que son voisinage confond avec son caniche, mort qui commente ses obsèques sont quelques-uns des personnages qui peuplent le monde de ces neuf nouvelles dont la banalité quotidienne vire progressivement, par des glissements à peine perceptibles, au saugrenu et au fantastique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2014
Nombre de lectures 4
EAN13 9782336348391
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MilanBunjevac
LABERGESUD et aut re s n o uve l l e s
LA BERGE SUD
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-03236-8 EAN : 9782343032368
Milan BUNJEVAC
LA BERGE SUD ET AUTRES NOUVELLES
LA BERGE SUD Ctaprèmon ne va pas à la piscine, lança Enzo en se tournant vers moi pendant quon faisait le pied de grue dans la queue pour le déjeuner. Comment ça ? On a pourtant…Ce nétait pas la peine de monter sur mes grands chevaux, il était clair quil ne mécoutait pas. Il y avait devant nous un groupe dIrlandais hilares mais malgré cela et malgré le brouhaha général, on était déjà à portée de voix des cuisiniers quil avait commencé à héler. A lun deux il faisait des compliments sur le charme rare et lexceptionnelle élégance de sa femme en prenant tous les présents pour témoins malgré eux, ce que celui-ci accueillait avec un sourire plein de fierté soupçonneuse et rétorquait aussitôt après, un tiers en blaguant et deux tiers en menaçant, quelque chose que je nai pas très bien compris mais qui me paraissait assez évident compte tenu de certains gestes brefs exécutés à la hauteur de la gorge avec le long tranchelard quil tenait justement à la main. A un autre, il faisait des reproches de ne pas savoir encore préparer lesmelanzane alla mamma Gina, cest-à-dire les aubergines à la manière dune certaine dame Gina que, apparemment, tout le monde, Dieu sait pourquoi, appelait mamma,qui devait donc posséder une recette très et spéciale pour préparer lesdites aubergines. Avec le troisième, il se disputait laquelle des deux équipes, celle de
LA BERGE SUD ET AUTRES NOUVELLES
Pérouse ou celle de Sienne, était plus forte dans je ne sais plus quel sport, peut-être en basket ou bien en course en traîneau, à moins que ce ne fût en mourre voire en bonneteau manchot, sans toutefois exclure complètement le ping-pong. De toute façon, ces discussions ou, plus exactement, ces joutes verbales pouvaient quelquefois, aux yeux de certains, beaucoup ressembler justement à une virtuose partie de ping-pong. Moi, elles me faisaient plutôt penser à lintrépide Zorro ferraillant avec plusieurs sergents Garcia à la fois, le bruit de la vaisselle faisant office de cliquetis des lames. Ce fut enfin notre tour. Surgirent alors la sempiternelle question des dimensions de sa portion et les incontournables ergoteries afférentes. En règle générale, lapastasciuttaformait dans son assiette un monticule dont la cote était dau moins trois à cinq centimètres plus élevée que celle dans les autres assiettes. Mais, selon un incompréhensible et sacrosaint principe qui, lui, nétait jamais sujet à controverses, cétait totalement insuffisant. Était-ce pour lui une sorte de sport ou, au contraire, était-il vraiment en proie à un appétit inassouvissable qui lobligeait à agir ainsi, cela restera à jamais un impénétrable mystère pour tout le monde et probablement pour lui-même. En tout cas, il ne lâchait jamais prise avant de carotter au moins un peu de rab symbolique malgré la taille déjà imposante de la portion initiale. Les cuisiniers finissaient toujours par faire ses quatre volontés, certains en riant, vite et sans difficultés, dautres en revanche en traînant la louche, en marmonnant, en rouspétant et en cédant seulement sous la pression de ceux qui simpatientaient dans la longue queue derrière. Pourtant, et cest tout le sel de cette histoire, on ne pouvait absolument pas voir sur lui les conséquences logiques de ce régime. Malgré sa boulimie chronique, il était sec et osseux, pareil à un mannequin anorexique sinfligeant en prime le dernier régime à la mode en vue du prochain défilé.
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LA BERGE SUD
Après être sorti de ces escarmouches obligatoirement victorieux, Enzo se paonnait à travers toute la salle à la recherche dune place libre, de préférence du côté opposé. Étant donné le fait que dans tout le restaurant universitaire on pouvait compter sur les doigts dune main ceux quil ne connaissait pas ou, plus exactement, ceux quil ne connaissait pas encore, cette traversée avait quelque chose dune marche triomphale. A condition, évidemment, de considérer les interpellations et les échanges soutenus de vannes piquantes, de piques imparables, de quolibets équivoques, de lazzi désopilants, de pantalonnades salaces, de pasquinades sarcastiques, de toute sorte de plaisanteries de bon goût et de goût moins bon, comme léquivalent dapplaudissements et dacclamations, même si on nexagérerait guère en affirmant que cétait quelquefois en effet de véritables ovations. Cependant, malgré les dimensions respectables de la salle et les arrêts fréquents, cette traversée ne durait quand même pas trop longtemps de peur que les plats ne refroidissent. Je me suis donc armé de patience en attendant quon soit assis lun en face de lautre et quon commence à manger. Cétait lune des rares activités quEnzo prenait au sérieux et pendant laquelle il était parfois possible davoir une conversation à peu près normale et de se faire entendre. Cétait uniquement pendant ce temps que je pouvais compter sinon sur sa pleine attention au moins sur dintermittents silences et même, peut-être, fugitivement, sur des écoutes bienveillantes. En aucun cas je ne devais rater cette occasion-là. Bon, alors, de quoi sagit-il ? Quest-ce qui se passe ? On nétait pas daccord pour aller piquer une tête après la bouffe ? Il lui a fallu un certain temps pour me répondre. Pas parce que ma question aurait été particulièrement
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