Un homme s’élança dans le cercle, hurla, déchira ses habits, les lança en l’air et se mit à rouler comme un canari. Trois adeptes du dieu surgirent et se jetèrent à sa poursuite. Ils eurent assez de mal à le maîtriser. Il les traîna d’un bout à l’autre de la grande place. Incessants va-et-vient. Moqueurs va-et-vient. Ils l’étreignirent. Il semblait avoir plus de force qu’eux. Ils parvinrent à le contenir. Redevenu calme, le possédé redressa la tête. Le colonel ! Il venait d’être choisit par la danseuse. Le fétiche avait fait de lui son pur-sang. Pouvait-il refuser ? D’ailleurs, n’était-ce pas là une bonne façon de se repentir ? Se mettre au service de la justice après des décennies d’injustices, des siècles de viols, des millénaires de meurtres…Les adeptes l’entraînèrent vers le couvent. Le colonel y séjourna six mois. Il apprendra la vie. Il apprendra le respect de la dignité des autres. Il apprendra les lois de la nature. Il apprendra les valeurs. Et un soir, sous le gros iroko de la place Sato, on le verra se contorsionner, paré de couleurs et de vie, sous les youyous qui fuseront de toutes parts.
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Extrait
La danseuse Sakpata
Sirénou rythmait ses pas au son des tambours Les frères Guèdèhounguè
e soir-là, le froid était descendu. Un froid de C décembre. Un harmattan à nul autre pareil. Un froid à faire grelotter l’astre du jour. Cossi nous offrit une brûlante bouillie de mil pour nous triturer les intes-tins. Une fois les calebasses vidées, chacun raconta sa plus émouvante histoire vécue, ainsi que l’avait décidé l’assistance. Sèvi s’engagea. Son puîné le relaya. Selon l’ordre, Sè-nou était le troisième conteur. Mais il proposa, et nous le lui accordâmes volontiers, de parler en dernier. Je racontai mon amourette avec Assiba alors que j’avais douze ans, véritable blanc-bec, et qu’elle autre voyait déjà allumées à quelques pas d’elle, la vingtaine de bou-gies. — Écoutez maintenant mon histoire à moi, coupa Sènou. Je l’ai sélectionnée parmi cinq aventures plus belles, plus délirantes les unes que les autres. Sènou. Avec quoi allait-il encore nourrir nos oreilles ? En tout cas, on le savait très foisonnant en souvenirs. Chacun s’accrocha à son fauteuil pour l’odyssée à la-quelle nous convia l’aîné.
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La danseuse Sakpata
* Mille neuf cent… J’enseignais la littérature française dans un lycée au Sénégal. Malgré mon âge avancé et mon aisance matérielle, j’étais toujours sans femme. Sans la moindre trace de femme dans ma vie. Je me couchais seul. Je me réveillais seul. Je man-geais seul. La beauté et le charme d’aucune demoiselle n’étaient aussi ns, aussi classiques, aussi exquis, pour attenter à la quiétude d’un cœur vieux de trente-deux saisons sèches. Ah, qu’on est exigeant quand on a trente-deux ans ! On fouille tout. On farfouille tout. Et la terre, et le ciel, et l’enfer, et le paradis, et tout autre espace, si grand ou si inme soit-il. Rien que pour rechercher l’idéal. Je regrette d’avoir quitté cet âge... Adieu mes trente-deux ans. Mes yeux ne s’arrêtaient, disais-je, sur aucune fem-me. Or voici qu’un jour, je crus entendre mon cœur sonner du glas. Le glas ? Oui. Celui de sa solitude. Rien à faire. J’étais amou-reux. Follement amoureux d’une collègue professeur d’histoire égyptienne. La belle venait d’être recrutée avant-hier seule-