La démission
172 pages
Français

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La démission , livre ebook

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Description

Voici les flâneries d'une immigrée orientale au chômage à Paris, les mésaventures turbulentes de Maya Lale sur fond de scènes parisiennes entremêlées d'une atmosphère istanbouliote. Elle emmène le lecteur en voyage dans son monde intérieur, de sa petite chambre aux rues de Paris. Elle écrit sur le fait de ne plus pouvoir écrire dans son journal intime. Elle accompagne tous les "étrangers" qui se perdent dans leurs illusions. C'est le roman d'une quête des illusions perdues.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 47
EAN13 9782336271392
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La démission

Zeynep Bayramoğlu
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296101869
EAN : 9782296101869
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 ANNEXE 77 78
in memoriam
Zümrüt Pekin
Innocente Salvoni
Barbarus hic ego sum, quia non intelligor illis 1
Ovide, Tristes
1
Quand j’ai ouvert les yeux, il y avait un mur blanc en face. Puis j’ai remarqué un tas d’appareils bizarres reliés à mon corps, des cordons qui me sortaient de partout. Dieu miséricordieux! C’était bien ça, j’étais à l’hôpital!
Petit à petit les pièces de l’énigme ont commencé à se relier dans ma tête. Cette conversation téléphonique longue et douloureuse... les dernières lignes de mon journal intime que j’avais écrites: «Aussi loin qu’une constellation jamais découverte, aussi seule qu’une schizophrène qui a la tête si dure qu’on ne peut y enfoncer même un clou... Puisque je n’arrive pas à me supporter moi-même, pourquoi devrais-je vous supporter ? »
J’ai souffert sans discontinuer, jusqu’à ce qu’on m’enlève ce drain qui descendait de ma gorge à mon estomac.
Quand j’ai réalisé pour la première fois la présence de ce drain, j’ai paniqué en pensant qu’il m’empêcherait de respirer, comme c’est étrange, tandis que la nuit dernière...
Quand la torture chinoise a pris fin et qu’ils me l’ont finalement retiré, ma première question à l’infirmière a été : « Qui m’a amenée ici ? »
L’infirmière a répondu «le SAMU » et cela m’a étonnée : comment ont-ils pu savoir que j’avais fait une bêtise ? L’infirmière m’a demandé :
- Qu’est-ce que vous avez avalé ?
- Une boîte de Valium ; avant j’avais bu deux bouteilles de vin.
Puis j’ai ajouté, pour rendre la chose plus légère :
- Et Sartre, est-ce qu’il ne s’est pas cru poursuivi par des crabes quand il a pris de la mescaline ?
L’infirmière a pâli :
- Quoi ?! vous prenez aussi de ces trucs-là ?
J’ai ri. À ce moment précis, le médecin est entré dans la chambre avec son équipe. À ma façon, pour leur prouver que j’allais bien, je me suis mise à les taquiner.
- Si nous allions boire un verre à la Closerie des Lilas ? C’est tout près! Je vous invite.
Ils ont répondu d’un ton sérieux :
- Nous ne buvons pas pendant les heures de travail. Mais j’ai insisté, avec une bonne dose de culot :
- Vous n’aurez qu’à prendre un café! J’en ai entendu un qui disait, en sortant de ma chambre :
- Je n’ai jamais vu une fille de si bonne humeur alors qu’elle a failli mourir la veille.
L’après-midi même, j’avais de la visite. L’Archange Saint-Michel et Djévdet. Ils se sont salués, puis l’Archange est sorti discrètement pour nous laisser seuls. Djévdet a parlé avec aplomb.
- J’étais là dix minutes après. On a forcé la porte pour entrer. Tu étais déjà dans le coma. Tu as failli mourir. Ensuite, Ebru est arrivée. Quand elle t’a vue elle est devenue livide. Il a fallu te gifler pour essayer de te faire reprendre conscience. Je crois que tu n’as jamais pris autant de gifles que ce soir-là! Je me suis bagarré avec les médecins qui n’arrivaient pas à enregistrer ton nom. Puis le SAMU t’a emmenée à l’hôpital. Nous y sommes allés de notre côté. Là-bas, nous avons attendu. Quand les médecins nous ont expliqué que tu risquais de dormir dix heures d’affilée et qu’il valait mieux partir, on est partis. Tu t’es réveillée plus vite que prévu. Où as-tu trouvé ce Valium ?
- C’est le vétérinaire qui m’en avait prescrit pour mon chat, pour le voyage, parce que je n’arrivais pas à lui faire avaler des pilules. Pourquoi as-tu appelé Ebru ?
- C’est elle qui avait tes clés!
- Donne-moi une cigarette.
- Je n’en ai pas sur moi. Elles sont dehors, dans la poche de mon manteau. Tu as bonne mine, tu as l’air d’aller bien.
Le médecin est entré pour signaler que le temps de visite était terminé et Djévdet s’est éclipsé rapidement. Je lui ai demandé de m’apporter du lait pour le lendemain. Bien sûr, il n’est pas revenu et il ne m’a pas apporté de lait. En fait, il n’était pas venu pour me voir mais pour se rassurer, s’assurer que j’allais bien, se donner bonne conscience.
Après les visites, le téléphone s’est mis à sonner. C’était ma propriétaire :
- J’espère que vous allez vous rétablir vite. Comment avez-vous pu faire une chose pareille ?
- C’est que je suis une foutue idiote... Juste après, ma mère, complètement bouleversée :
- J’arrive tout de suite.
- Oh! maman, ce n’est pas la peine, je me suis tirée d’affaire, je m’en sors bien.
- Tu parles, comme tu t’en sors! Que tu le veuilles ou non, tu m’auras sur le dos dès demain!
De nouveau je me suis retrouvée seule avec les murs blancs. Colette se trompait. Ce n’est pas vrai qu’en France les murs des hôpitaux sont verdâtres. Ils sont blancs.
2
Aujourd’hui j’aime ma chambre. Ma voisine qui écoutait de la techno toute la journée a déménagé et je suis aux anges! Ce bruit, quelle torture! J’avais même acheté des boules Quiès à la pharmacie pour ne plus entendre ce grincement métallique insupportable. En vain! Maintenant tout va bien, c’est du passé.
Les deux cyclamens roses qui sont restés de ma visite au cimetière donnent à mon refuge une atmosphère chaleureuse et agréable. L’un est juste devant moi sur mon bureau, l’autre est sur la table à manger dans une bouteille bleu marine. Pour pouvoir écrire, j’ai absolument besoin de silence, de sérénité, de solitude. « Une chambre à soi », comme dirait l’autre...
Ce matin j’ai fait des courses au marché Edgar Quinet. En passant devant le clochard assis par terre dans son coin habituel, à l’angle de la rue de la Gaîté, je lui ai donné dix francs et j’ai dit :
- J’en ai marre de vous voir ici depuis cinq ans!
- J’ai vais bientôt avoir le RMI, vous serez débarrassée de moi.
Sa réponse m’a réjouie.
J’ai marché jusqu’au café de la rue Daguerre, un de mes endroits préférés, je m’y suis assise et j’ai entrepris la lecture de L’ Ami véritable de Plutarque. À la table d’à côté il y avait deux jeunes filles, une Française et une Chinoise. J’ai tendu l’oreille à leur conversation. Quand la Chinoise s’est mise à lire tout haut un passage du livre qu’elle avait entre les mains, j’ai pensé que c’était un extrait de L’Invité et j’ai penché la tête pour essayer de voir le titre. La Chinoise a remarqué mes contorsions et m’a montré la couverture en souriant : La Force de l’âge de Simone de Beauvoir.
J’ai appris par la suite qu’elle faisait un doctorat de littérature à l’École Normale ; quant à la Française, elle était peintre. C’étaient des personnes charmantes. La Chinoise, qui avait l’intelligence vive, nous a fait un discours sur les mérites comparés de la logique cartésienne occidentale et du mysticisme de l’Orient.
Quand je les ai quittées, influencée par ma lecture d’un article du Monde des Livres , j’ai acheté La Femme de trente ans de Balzac. J’ai aussi acheté des roses pour les amis qui reposent au cimetière Montparnasse, et je suis entrée au bar à vin de la rue Daguerre, me souvenant que l’Archange Saint Michel m’avait dit que c’était « un endroit de Roland ».
À part le type derrière le bar, il y avait une seule cliente.
- On ferme, a dit le barman.
J’ai insisté :
- Je suis une amie de Topor, je veux juste prendre un verre avant de lui rendre visite, vous ne pouvez pas me mettre à la porte.
Le barman m’a dévisagée :
- Alors, dis-moi, il buvait quoi, Topor ?
Je suis restée bouche bée et il a ajouté :
- Tu vois, tu n’es pas une amie de Topor!
J’ai poursuivi en bégayant :
- À vrai dire, je n’ai pas eu l’occasion de le connaître très bien, disons que je suis l’amie de son ami.
Le barman m’a rétorqué sans ménagement :
- Allez! Dis-moi ce que tu veux boire et tais-toi! Je n’aime pas les gens qui parlent trop.
Cette espèce de pédant n’avait même pas de Bordeaux, je me suis donc rabattue sur un Morgon.
Plongée dans Plutarque, un verre de vin devant moi, j’ai prêté l’oreille pour écouter leur conversation, bien en

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