La déraille
177 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

177 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Rebelles, nous pensions pouvoir vivre un corps autre, créateur, une "chair profonde",surgissante; qu'à partir de cette chair se construirait une société alternative, à l'instar de la beat generation, qu'elle enjamberait le vide du siècle finissant, qu'elle nous sortirait de l' "asphyxiante culture". Nous n'avions pas soupçonné la mondialisation, la férocité du libéralisme à venir. Nous avions des modèles, nous revendiquions un rapport nouveau à l'instant, sans se douter que du même coup nous retrouvions l'Orient. Voici ce roman de la contreculture, retour sur une utopie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2011
Nombre de lectures 37
EAN13 9782296460713
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA DERAILLE
 
Roman
 
L’Ecarlate
18 années d’édition
Littérature, érotisme, essais critiques, rock’n’roll
 
 
Déjà parus
 
Dominique Agostini : La petite fille qui cachait les tours
François Audouy : Brighton Rock(s)
François Baschet : Mémoires sonores
Georges Bataille : Dictionnaire critique
Jean-Louis Derenne : Comment veux-tu que je t’embrasse…
Louis Chrétiennot : Le chant des moteurs (du bruit en musique)
Guy Dubois : La conquête de l’Ouest en chansons
Brigitte Fontaine : La limonade bleue
Erwann Gauthier : L’art d’inexister
Pierre Jourde : La voix de Valère Novarina
Akos Kertesz : Le prix de l’honnêteté
Akos Kertesz : Makra
Greg Lamazères : Bluesman
Jacques-André Libioulle : la déraille
Marielle Magliozzi : Art brut, architectures marginales
Alain Marc : Ecrire le cri (Sade, bataille, Maïakovski…)
Claire Mercier : Figures du loup
Claire Mercier : Désir d’un épilogue
Pierre Mikaïloff : Some clichés, une enquête sur la disparition du rock’n’roll
André Németh : La Commune de Paris !
Bernard Noël : L’espace du désir
Ernest Pépin : Jardin de nuit
Maria Pierrakos : La femme du peintre, ou du bon usage du masochisme
Enver Puska : Pierres tombales
Jean-Patrice Roux : Bestiaire énigmatique
Nath Yot : Erotik mental food
Jean Zay : Chroniques du grenier
 
Jacques-André Libioulle
 
 
 
 
LA DERAILLE
 
Roman
 
 
 
 
 
L’Ecarlate / L’Harmattan
 
Du même auteur
 
 
Le joueur, la religieuse et la radio,
pièce radiophonique d'après Ernest Hemingway.
 
Chants de cinabre ,
Poèmes, L'Harmattan.
 
 
L’Ecarlate – Jérôme Martin / Librairie Les Temps Modernes
57, rue N.D. de Recouvrance, 45000 Orléans
ecarlate.jeromemartin@yahoo.fr
 
 
Couverture : Sophie Laporte
 
 
© L'H ARMATTAN, 2011
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
ISBN : 978-2-296-54660-8
EAN : 9782296546608
 
Vivre dans l'instant, c'est vivre une éternité sans passé ni futur. En écrivant ce texte, j'ai été hanté par « La Route des Flandres » (Claude Simon) et anxieux de pouvoir me situer dans cet ici et maintenant où surgit, depuis toujours, l'homme créateur. Pas de discursivité donc, des ruptures de continuité, des hachures du temps, une absence de devenir.
L'instant.
Toutefois, comme j'écrivais à partir d'une chronique, la mémoire faisait obstacle, lançant d'un coup ses giclées d'événements, tous sur le même plan. Il se posait la question de la lisibilité, par « contiguïté dans la conscience », comme chez Claude Simon, ou par interpénétration de l'énergie surgissante des images jetées comme un filet sur le présent. J'avais la crainte d'un éreintement du présent, d'un présent frelaté, chargé d'ombres. Il m'a semblé dès lors ne pouvoir jouir que d'une seule et unique possibilité: suivre la vie, sa déraison, son chaos, accepter donc un présent malmené, molesté par le passé. Ce faisant, ce qui tout à coup s'est présenté est une « défiguration » active, une écriture de la cassure, un présent dans lequel je récupérais une forme de surgissement. J'en suis resté là, pour l'heure.
L'écrivain a toujours le choix: réorganiser ce qui vient, réaliser une œuvre « belle », ou se couler dans ce qui se porte au devant, dans l'aléatoire, l'imprévu. Se laisser écrire. A ses risques et périls.
 
Ce texte n'est pas un roman au sens strict : il n'y a pas de personnages donnés, formant une trame de départ. Des faits, certes, des acteurs, des événements bruts, un vécu. Le vécu ne peut devenir créateur que s'il porte en lui une charge forte d'imaginaire. C'est celui-ci qui m'intéresse. Je me suis efforcé d'entrer dans cet imaginaire potentiel, de le déporter, l'extrapoler, l'amener à fiction.
Est donc « roman », pour moi, le déploiement même qui enjambe le fait et le jette dans la fiction par le biais de son imaginaire propre. Les séquences relatives à mon père, ou les épisodes avec l'Algérienne, me paraissent y parvenir. Beaucoup moins, en revanche, Roland Barthes. L'homme demeure dans les bras de l'imaginaire puissant qui se dégage de lui.
Je n'en rajoute pas.
L'écrivain est un mâcheur de mots, mais son ruminement se heurte souvent à des limites. Les respecter renforce, paradoxalement, de mon point de vue, l'imaginaire.
I
 
 
Je suis tombé dans un mal terrible. Un trou. C'est venu comme une tenaille, qui serre, écrase, toujours plus jour après jour. C'est d'abord le sommeil qui a disparu. Complètement. La nuit, mon crâne était pris dans une vipère, un poison, un poing serré à sang, un caillou. Le caillou irradiait, au centre de ma tête, des lueurs noires. Yeux fermés, il se fixait au centre de moi. Yeux ouverts, il se faisait plus dur encore. Les médecins m'ont filé leurs saloperies habituelles. Aucun effet. Le poing s'acharnait. On meurt de ne pas dormir. Et ça ne traîne pas. Le jour, mon mal de poing, l'impression de chavirer sous son poids, cette tentacule douloureuse atteignaient des sommets. Je vivais plié sur moi-même, la tête bandée dans les mains, incapable d'autre chose, priant, insultant, vitupérant. Les médecins, de leur rire jaune, disaient que c'était impossible, ce mal, que je n'avais pas l'air fatigué. Et puis, je ne sautais pas, je ne courais pas, ne me fatiguais pas tant et plus avant de glisser dans le lit. Le lit, j'en avais peur. Une phobie. J'essayais de parler au caillou, de l'amadouer. Il s'en foutait. Les médecins ont prétendu que je dormais sans le savoir. Le corps dormait. La tête, à cause de mes idées, non. Aucune drogue n'était assez puissante. Je me levais mort d'épuisement. Les journées passaient. « Va te distraire ! » me serinait ma femme.
 
Et si c'était la folie ! Absurde, vengeresse, procédant par pressage inexorable du citron, décidant de me tronquer le monde. Pourquoi moi ? Il tombait un noir silence. Je ne parlais plus. J'ai pensé à Nietzsche, sa chute soudaine dans un grand cri, puis la mort irrémédiable de la parole, la mort de l'écrit. Vivant, mais mort. Les jours se sont empilés devant la fenêtre fermée de ma chambre, avec les vieux dans la cour de l'immeuble. Stupeur morbide devant leur manière ralentie. On pousse un pas, puis l'autre. On s'arrête. On repousse. On regarde ses pieds. On reprend. Vers nulle part. J'ai eu peur de sortir, et peur de cette peur. Sortir où ? Se lever, se laver, s'habiller, enfiler des chaussures, c'était une montagne.
J'ai pensé que c'était ça, la mort qui venait.
Le psychiatre m'a dit : « Essayez d'avoir des projets ! » Mon projet, impensable, c'était d'éviter la nuit avec son poing dressé, dément. Il a été question de m'envoyer à l'hôpital psychiatrique. Finir mes jours dans une cour d'hôpital, avec des murs suintants, des platanes mornes, des gens qui hurlent, crachent ! Qui vous regardent avec dégoût ! « C'est terrible ! » j'ai dit. Et j'ai pleuré. « Oui, c'est terrible » a fait le psychiatre. Il ne m'a plus regardé. J'étais déjà dans l'autre monde, l'en-bas, celui des aliénés.
On en ressort. Je vous raconterai. La vie vous a joué un tour, c'est tout. Elle a pris soin de vous, à sa façon. A vous de comprendre. J'avais tout de même perdu l'imagination. J'errais la tête vide. Comme si le poing, maintenant disparu, avait laissé un immense cratère. Tête creuse maintenant, ouverte à tous vents. Ma femme a recommencé à s'affoler. « Je ne veux pas vivre ave

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents