La jeune fille et la guerre
188 pages
Français

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La jeune fille et la guerre , livre ebook

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188 pages
Français

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Description

Enfant du régime socialiste née dans une province du Nord Vietnam, marquée par la guerre américaine et une éducation traditionnelle liée au confucianisme, Ha An abandonne tout pour que son père, colonel de l'Armée populaire du Vietnam, puisse honorer la "pureté" du Parti communiste. Trente ans plus tard, retrouvant ses amis de l'Université, elle est bouleversée par la vie de certains camarades orientés vers l'argent. Ce roman trace un tableau de la société vietnamienne dans les années soixante et soixante-dix.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2007
Nombre de lectures 315
EAN13 9782296174047
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La jeune fille et la guerre

Tran Thi Hao
Illustration de couverture : Jeune femme de Hôi An en ao-baba blanc, Marcelino Truong, gouache, 2002, coll. Particulière.
© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296033757
EAN : 9782296033757
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace REMERCIEMENTS I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV XVI XVII XVIII XIX XX XXI XXII XXIII XXIV XXV
À la mémoire de mes parents
REMERCIEMENTS
Qu’il me soit permis de remercier mes amis pour leur aide et leurs suggestions précieuses dans la lecture de tout ou d’une partie du roman :
Yveline FÉRAY, Marie-Madeleine BERTHELOT, Henri COPIN, Michel EGGER, NGUYEN Dinh Thi, NGUYEN Thien Dao.
La guerre...
Cette nuit-là de profond sommeil, plongée dans un rêve, je jouais à cache-cache au clair de lune avec mes amis dans la cour de la coopérative agricole. Tantôt je me cachais derrière un grand poteau de paille, tantôt je grimpais à l’arbre centenaire, ravie de ne pas être découverte et riant à l’idée d’avoir gagné.
... Quand, tout à coup, l’alerte me réveilla. Un avion de reconnaissance rôdait dans les parages, cherchant une proie. En un clin d’oeil, le ciel s’illumina d’un jour de fin du monde. C’étaient les fusées éclairantes qui annonçaient un bombardement prochain de la région tirée de la nuit. Ma mère était en mission. Seule, je n’avais pas assez de temps pour courir jusqu’à l’abri. Dès que j’entendis l’alerte, instinctivement, je sautai dans le trou creusé entre notre chambre-chambre où nous habitions, ma mère et moi, et celle de Mme Liem-patronne de notre famille d’accueil. Mais je ne trouvai pas le couvercle habituel. Ayant trop peur de ne pas être couverte, je courus jusqu’au lit, pris la couverture ouatée et revins au trou individuel.
Quelqu’un était déjà là. Qui était-ce donc ? Je m’apprêtais à courir vers l’abri quand une main me retint. Je tressaillis. — Ha An, n’aie pas peur, c’est Lam, dit une voix. — Mais pourquoi n’es-tu pas avec ta grand-mère ? — Je sais que tu es seule aujourd’hui et je suis venu pour te protéger, dit Lam.
Lam était le petit-fils de Mme Liem. Il habitait avec ses parents dans la province de Thai Nguyen (au Nord-Vietnam) et rendait visite à sa grand-mère pendant les vacances d’été.
Je me blottis dans un coin du trou. Mon dos était contre celui de Lam. J’étais à l’âge où une jeune fille commence à se sentir honteuse d’être tout à côté d’un garçon. Je ne disais rien et ne bougeais pas. Alors, j’aperçus un grand crapaud au bord du trou. Il ouvrit grand ses yeux pour me regarder. Je tremblais de tout mon corps. Les bruits des avions à réaction, en général, me faisaient peur. Mais le regard et les cris du crapaud étaient encore plus terribles. Lorsqu’il sauta dans notre trou individuel, ne pouvant plus me dominer, je voulus fuir.
— Ha An, reste là, c’est trop dangereux dehors ! cria Lam.
Il prit tout de suite le crapaud et le jeta loin, très loin. Je fermai les yeux, hantée encore par la peau rugueuse et les yeux de cet animal. Je considérais le geste de Lam comme celui d’un héros. L’admiration et la peur étaient si grandes que j’oubliai la honte. Je passai instinctivement mes bras autour de son cou pour chercher le courage, la consolation et un appui...
La crainte des crapauds me poursuit encore jusqu’à maintenant.
Lam m’enlaça. Ma poitrine touchait la sienne. Je tremblai quelques instants puis me laissai faire. J’acceptai ses caresses dans la peur des explosions des bombes mais aussi dans un bonheur étrange. J’oubliais le crapaud, nous oubliions le rugissement de l’avion au-dessus de nos têtes...
A peine avait-il posé un baiser sur mes lèvres qu’un morceau de roquette fit une brèche dans le mur de notre chambre. Les morceaux du mur tombaient à qui mieux-mieux. La poussière était partout...
Quand le bombardement cessa, Lam et moi sortîmes du trou. La honte se lisait sur mon visage. Comment avais-je pu laisser Lam m’embrasser et me serrer fort dans ses bras ? A dix ans, je jouais souvent avec les garçons et les filles mais j’avais déjà honte quand mes amis voulaient m’accoupler à un garçon. J’étais, comme les fillettes de cette époque, très réservée.
Plus tard, chaque fois que je vis un crapaud, je pensai à Lam, aux sentiments qu’il m’avait fait éprouver mais je n’eus plus d’occasion de le revoir. Je gardai de bons souvenirs de cet ami d’enfance.
... A la sortie du trou individuel, j’eus le cœur serré en voyant le spectacle de notre chambre. La table où travaillions ma mère et moi était renversée. Les verres étaient tombés par terre, cassés. Des livres, des cahiers, bien rangés sur l’étagère, étaient éparpillés sur le plancher. Le lit était jonché de débris et de paille, etc...
La guerre continua... Par hasard, sept ans après cette nuit effrayante, je retrouvai Lam dans la même promotion à l’Université de Hanoï. Nous nous sommes souvenus de la scène où nous étions ensemble dans le trou individuel. Nous vécûmes les beaux jours de la vie d’étudiant. C’étaient des années où nous vivions dans la sincérité, la pureté et la naïveté. Lam se montrait galant et parfois malin....


Trente ans à peu près ont passé. Lors de nos retrouvailles, je revois mes anciens amis avec qui j’ai vécu et étudié pendant quatre ans à l’université. En m’apercevant, Lam a couru vers moi. Je suis heureuse de le retrouver bien qu’il soit devenu un autre Lam. Il n’est plus mon cher Lam, mon ami d’enfance. Il n’est plus mon ami de classe à l’université où nous avons partagé chaque joie, chaque tristesse. En dehors de son air ouvert et très souriant comme avant, Lam est devenu maintenant ventru, imposant, vieux par rapport à son âge et plus malin...
Maintenant, me trouvant devant la belle villa de Lam dont les murs de la façade ont été recouverts de marbre, les pauvres murs en torchis de ma chambre d’autrefois percés par les roquettes américaines, me reviennent clairement en mémoire. « Qu’a bien pu faire Lam pour devenir riche en si peu de temps ? ».
Depuis trente ans, je vis et travaille à Lam Dông, une des nouvelles zones d’économie du pays créées après la guerre américaine. J’enseigne le français dans le lycée Nguyen Viet Xuan et mon mari les maths. Je n’ai plus envie de déménager en ville où les difficultés sont moindres. Je pense que ma vie est là, dans cette région montagneuse et ne veux plus me souvenir de mon premier amour qui est mort. Je préfère enfouir cette douleur pour ne pas souffrir davantage, pour ne pas attrister mes proches. Je me demande à quoi bon raviver une souffrance, une blessure qui ne demande qu’à s’apaiser, par le silence précisément.
Pourtant, je regrette une époque, un moment où je n’ai pas pu surmonter les obstacles. Je regrette de ne pas avoir été assez courageuse, assez patiente pour convaincre ceux qui m’ont empêchée de choisir mon chemin. Peut-être étais-je trop jeune à cette époque, soumise comme une fille qui respectait les règles du confucianisme. Suis-je maintenant heureuse ? Je ne sais plus si je vis dans un bonheur familial ou si je ne vis que pour réaliser ma tâche de femme pour son mari et de mère pour ses enfants, d’enseignante pour ses élèves. Parfois, je me dis : « Mon mari est un homme sincère, honnête et gentil. Il m’aime beaucoup. Il veut me rendre heureuse. Mais le bonheur, c’est quoi ? A mon âge, je n’arrive pas à le définir. Je le trouve très loin, un peu indccessible. Avec mon mari, nous vivons ensemble depuis une vingtaine d’années. Nos deux enfants sont grands. L ‘ aîné prépare son bac cette année et le deuxième est en classe de cinquième. Ils ne posent pas de problème et travaillent bien à l’école. Je ne dois pas m’inquiéter pour eux. Pourtant, je me sens parfois très solitaire. Plus je vis avec mon mari, plus je me pose des questions sur la vie de couple. Ce n’est pas seulement la question de continuer à se plaire physiquement mais tellement d’autres choses très délicates. Quelque chose me manque... Il y a des fois où je me sens très seule même au moment où je m ’ allonge à ses côtés, au moment où nous venons de faire l’amour. Quelquefois, je me demande si une harmonie d’âme pourrait rendre la vie du couple plus heureuse ?
Quant à Lam, après ses études supérieures, il est devenu professeur de français dans une école supérieure. Il a connu des difficultés économiques comme la plupart des Vietnamiens à cette époque - une époque où l’on utilisait des cartes de rationnement. Marié, ayant deux enfants &#

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