La limite des "grands maîtres"
75 pages
Français

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La limite des "grands maîtres" , livre ebook

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75 pages
Français

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Description

Les "grands maîtres" ont aussi leurs limites. Samba est un ancien maître du fétiche, fraîchement converti à l'islam. Moussa est un maître coranique qui arrive dans le village de Samba. Les deux hommes se lient d'amitié. Et Moussa finit par devenir l'imam du village. Fidèle à l'amitié, Samba peine à dénoncer les turpitudes de son ami, au grand dam de Sériba, son autre ami de longue date, et grand maître chasseur. Les trois maîtres connaissent une fin peu enviable que l'auteur nous invite à découvrir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 54
EAN13 9782296693562
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L A LIMITE DES « GRANDS MAÎTRES »
Bréhima TOURÉ


L A LIMITE DES « GRANDS MAÎTRES »


L’H ARMATTAN M ALI
© L’H ARMATTAN, 2009
5-7, rue de l ’ École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11070-0
EAN : 9782296110700

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Remerciements
Je dois des remerciements aux personnes suivantes pour leur contribution à la réalisation de cet ouvrage
− M. Salif Berthé, Doyen de la FLASH
− M. N’Dji Idriss Mariko, Professeur à la FLASH
− M. Gaoussou Drabo, Ambassadeur du Mali à Rome
− Paul Poudiougo, Directeur de L’Harmattan-Mali
− Tidiane Dia, AMAP
− Hady Hanne, AMAP
− Badian Coulibaly, AMAP
Dédicace
Je dédie ce livre à toutes les personnes
qui me sont proches

L’Auteur
Des voix étranges… !
Samba se réveilla en sursaut et constata que sa femme Soundjè était absente. Il se leva dans un concert de grincements de son lit. Pris de vertige, il s’assit à même le sol, les coudes sur les genoux repliés, le menton dans la paume des mains, le regard dans le vide. Son attention fut attirée par le reflet d’un rayon du soleil sur le mur de sa chambre. Il réalisa alors que le soleil avait largement entamé son parcours. Lui, le pieux musulman s’était levé en retard et avait raté la prière du petit matin. Quand il se décida à se lever, ses rhumatismes lui arrachèrent des gémissements. Il enfila un grand boubou teint à l’indigo, mit un bonnet et enroula un turban de la même couleur autour de son cou. Il ouvrit la porte et sortit. La cour de la concession était vide. « Soundjè doit être à son champ de gombo, les enfants à la rizière », se dit-il, oubliant que lundi était jour de repos. Sur ces entrefaites, il entendit la voix de sa bru Kadia qui discutait bruyamment avec une femme de la concession voisine. C’est en ce moment qu’il se rendit compte qu’il Ne s’était pas débarbouillé. Il se précipita dans sa chambre et s’empara de la bouilloire qu’il trouva vide. Un immense découragement l’assaillit. Il reposa la bouilloire et voulut s’asseoir mais son postérieur rata le bord du lit. Le bout pointu d’une traverse écorcha son dos. La douleur vive ne le fit pas changer de position pour autant.
Assis, les jambes repliées, la tête entre les deux mains, les péripéties du cauchemar qui avait agité sa nuit lui vinrent en mémoire. Samba avait en effet passé une nuit fort mouvementée. Quand l’eau des jarres dormait, quand les trois maîtres des ténèbres – le sorcier, le voleur et le fornicateur-vaquaient allègrement à leurs occupations, par un cri strident, il avait coupé le sommeil à son épouse Soundjè.
Pris de violents spasmes, bavant et roulant sur lui-même, il tomba du lit. Il pleurait comme un enfant et psalmodiait des mots inintelligibles.
Soundjè fut prise de panique dans un premier temps. Pendant un long moment, elle resta assise au bord du lit, observant son mari allongé par terre, ne sachant que faire. En un moment donné, elle pensa faire appel à son fils aîné Chaka. Elle écarta cette idée, se disant que le fils ne devait pas voir son père dans un tel état. Elle alluma sa vieille lampe tempête qui éclaira faiblement la chambre, laissant échapper une colonne de fumée noire et une odeur âcre de gaz oil.
Non sans peine, elle réussit à hisser Samba sur le lit. Elle tournait comme une toupie à la recherche d’une solution. Soudain, son regard se porta sur un vieux sac en peau de chèvre accroché au mur. Elle le décrocha mais n’osant pas y mettre la main, elle l’apporta à son mari qui avait, un tout petit peu, retrouvé ses esprits. Samba se dressa sur son séant, plongea la main dans le sac et en sortit une longue corne noire de bélier. Soundjè apporta de la cuisine des braises dans un tesson de canaris. Samba y jeta une pincée d’une poudre noirâtre. La tête recouverte d’une couverture, il aspira longuement la fumée qui s’élevait. Puis, bercé par l’éventail de sa femme, il s’endormit. Au bout de quelque temps, Soundjè était sur le point de tomber dans les bras de Morphée quand elle entendit son époux délirer. « Oui, je donne ma parole. Je vais rompre avec Moussa. Cet homme m’a fait trop de mal », disait-il à des interlocuteurs invisibles. Sourd aux questions que son épouse lui posait, atterrée, Samba poursuivait son monologue. Soundjè vit son inquiétude décuplée en entendant un bruit étrange d’un coin de la chambre. Elle se rappela les confidences que son maître de maison lui avait faites il y a deux jours. Samba s’était ouvert à sa femme de sa tourmente du fait des voix étranges qui parvenaient à ses oreilles dès qu’il se mettait sur une peau de prière.
Il avait remarqué que les voix se faisaient particulièrement pressantes pendant les prières du crépuscule. Le premier jour, il avait crié : « laissez-moi en paix » en pleine séance de prière à la mosquée, plongeant tous les fidèles dans l’émoi.
Le silence se fit dans la chambre ; Samba dormait à poings fermés. Soundjè, elle, ne ferma pas la paupière de la nuit. Elle prit la résolution, qu’au lever du jour, elle irait solliciter l’aide de Sériba, ami de longue date de Samba. Dès que les coqs, dans leurs tout premiers chants, demandèrent qui voudrait se lever tôt le matin, elle se leva, se débarbouilla sommairement et prit la route en évitant de réveiller les autres membres de la famille. Sériba vivait dans le village de Séribabougou, distant de sept kilomètres de MBouna, le village de Samba. Les premiers rayons du soleil n’avaient pas encore défait le manteau noir de la nuit. Des oiseaux nocturnes, dans leurs dernières rondes, voletaient et lançaient des cris lugubres. Mais il en fallait plus pour effrayer Soundjè qui hâta le pas dès sa sortie du village.
Une brise froide soufflait, asséchant les gouttelettes de sueur qui perlaient de temps à autre sur son visage. À peine eut-elle parcouru la moitié du trajet qu’elle sentit ses jambes s’alourdir. Soundjè comprit qu’elle n’avait plus ses vingt ans. Ses jambes n’avaient plus l’agilité du temps où elle parcourait au pas de charge une dizaine de kilomètres au milieu d’un groupe de jeunes filles de son âge, allant poitrine au vent et portant en équilibre sur la tête deux grandes calebasses superposées et pleines à ras bord de noix de karité. Épuisée, elle dut s’asseoir à plusieurs reprises au bord de la route pour reprendre ses forces.
Soundjè arriva devant la concession de Sériba. Le soleil, déjà haut dans le ciel, disparaissait de temps en temps derrière de gros nuages filant vers l’est, portés par le vent. Ces nuages faisaient naître l’espoir des pluies qui se faisaient attendre depuis des dizaines de jours.
En plein hivernage, le sol était sec et poussiéreux comme en saison sèche. Le vestibule était bondé de pileuses de mil. Soundjè salua ; le brouhaha des conversations et des bruits des pilons frappant le mil dans les mortiers fit place au silence. Massitan, la première épouse de Sériba, la reconnut et vint aussitôt à sa rencontre. Massitan ne cacha pas son étonnement :
Quel oiseau t’a mangé pendant la nuit pour venir déféquer ici ce matin ?, questionna-t-elle en invitant Soundjè à pénétrer dans le vestibule.
Un oiseau de malheur, répondit celle-ci en gardant une mine sombre. Je suis venue voir notre mari.
En cours de route, tu as peut-être posé le pied sur une pierre porte-malheur. Tu as manqué de chance. Il est parti en brousse depuis les premiers chants des coqs.
Nous sommes lundi aujourd’hui, nul ne travaille au champ, releva Soundjè.
J’ai dit qu’il est allé en brousse, pas au champ. Ces derniers temps, ses ruches sont vidées de leur miel pendant la nuit. Il est parti pour essayer de surprendre le voleur. Viens t’asseoir en attendant son retour ; il ne devrait pas tarder à arriver.
Les deux femmes traversèrent le vestibule par un étroit passage laissé par les pileuses qui avaient fait déplacer des mortiers, des pilons, des calebasses. Soundjè dut s’attarder dans le vestibule pour répondre aux salutations des femmes qui demandaient les nouvelles de leurs parents et connaissances vivant à M’Bouna. Sous le hangar, Massitan invita son hôte à prendre place sur une natte qu’elle avait fait étaler par une petite fille qui apporta de l’eau. Soundjè en but quelques gorgées, se racla la gorge et dit :
Qui ose toucher au miel de notre mari ? Ce voleur ne manque pas de culot.
Le maître de maison connaît bien le voleur. Il n’a pas le courage de l’accuser ouvertement de peur de subir les foudres de sa femme B

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