La machine à rêves
137 pages
Français

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La machine à rêves , livre ebook

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Description

Le professeur Ferrand a disparu. Dans son appartement, sa pièce unique et dérisoire, il ne reste que la machine fantastique où il a copié sa mémoire et ses rêves. Son jeune voisin entre par hasard ; lui rêve son amour et sa vie...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2008
Nombre de lectures 143
EAN13 9782336277813
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Roman
Le bébé, le chat et la calopsitte, Editions Bénévent, Nice, 2003.
La machine à rêves

Michel Labonne
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296067868
EAN : 9782296067868
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Écritures - Collection fondée par Maguy Albet Directeur : Daniel Cohen
Chapitre 1
J ’attends une lettre qui n’arrivera sans doute jamais. Chaque jour, inconsciemment, je passe sur le papier machine et les timbres imprimés. Je cherche le rouge et le blanc, l’enveloppe et l’encre, un noir d’écriture, ses lignes manuscrites. Cela fait si longtemps déjà, qu’elle a dû déchirer mes mots, perdre mon adresse. Mais peu importe... On attend toujours pour quelque chose ; et si souvent en vain.
Je ne saurai donc d’elle que son visage ; et la souffrance qu’il m’a laissée. Je garde aussi ses regards longs de mansuétude, des temps entiers qu’elle me consacrait en silence, pour me dire je ne sais quoi... Peut-être pour me rappeler mes moufles, mon bégaiement d’amour, ma maladresse et ma bêtise. Peut-être pour me consoler un peu.
Elle n’est pas un bon souvenir. Elle n’est pas non plus la froideur ou le mépris. Un visage parmi d’autres, que j’ai cru reconnaître et qui ne m’a jamais quitté. Un morceau de lune, un ciment d’âme, dont j’ai calqué les traits.
J’aurais tellement aimé lui parler plus longuement. Hier... Ou encore aujourd’hui. Les quelques mots simples et tous les méandres de mon amour accumulé. C’est une chose en suspens, un rêve de côté. J’ai d’autres rêves en attente, comme des espérances bout à bout. La plupart, je sais, ne se réaliseront jamais.
Alors je me suis arrêté ; un temps, pour reprendre le souffle de ma vie. J’ai rêvé sans oser. J’ai attendu sans chercher. Et je suis venu vivre ici... Dans ce quartier de pavés et de pierres anciennes, où l’âme des bâtisses est sinueuse et profonde, où le jour naissant emprunte parfois sa magie à la nuit noire.
C’est mieux pour mon travail. Plus proche du lycée où j’enseigne l’histoire et la géographie. C’est un autre coin de ville... Je souhaitais à la fois partir et rester, sans vraiment oublier ma vie d’étudiant. Ce sont d’autres habitudes... Mais le matin, une même boîte à ouvrir.

L’immeuble est tranquille. Trop peut-être... Je m’en suis aperçu en côtoyant ma pendule. Son tic tac me suppliciait. Je l’ai changée de place et de mur, mise dans un tiroir, derrière les livres, en quarantaine sous mon lit, dans une malle sous les draps. Finalement, je l’ai jetée à la poubelle. Puisqu’on jette tout... Puis j’ai rouvert la poubelle et j’ai enlevé la pile. J’ai tassé le reste « à mort » avec le pied...

Aujourd’hui, ce remue-ménage inhabituel est pour mon voisin, qui a disparu. Je savais à peine qui il était... Je n’ai pas eu le temps de mieux le connaître. Nous nous sommes souri deux fois, sans trouver un moment pour nous parler. La première : j’avais pris d’assaut l’escalier avec un portemanteau et une pile de chaussettes. La seconde : dans le même escalier mais en sens inverse, je cavalais derrière une orange...

Une autre fois il n’a pas souri. Il est passé la tête ailleurs, préoccupé... Je me souviens d’ailleurs à peine de son visage : une peau sèche et ridée... Peut-être ? Des cheveux blancs pour des yeux noirs... Sa démarche surtout : raide et torse, avec un pli de mécanisme, sûrement une prothèse déjà ancienne.

Le vieil homme ne devait pas recevoir grand monde, mais aujourd’hui l’escalier est plein de haut en bas. La famille, les types de l’agence, un adjoint municipal, la police : en uniforme et en civil.
Moi, décidément, je ne sais rien. Je n’ai pas remarqué grand-chose que l’on ne sache déjà. « J’arrive tellement », que je n’ai qu’une chaise pour les faire asseoir, aucun verre et la moitié des pieds du lit, je dors en pente...
Hélène Ferrand, la fille du vieil homme, est en pleurs. Elle donne des ordres à son mari et à la police. Elle voudrait même botter les fesses de l’adjoint. Nous avons parlé longuement de tout ce que j’ai déjà dit à l’inspecteur : de chaque bruit, de chaque détail, de chaque rencontre. Comme elle ne peut rester sur place et que je suis maintenant le seul dans l’immeuble, elle m’a confié la clef. Elle a été trouvée à l’intérieur de la pièce, il ne l’a pas emportée.
J’ai donc pour mission, de guetter l’éventuel retour du disparu ; de reconnaître sa démarche dans l’escalier, pour simplement l’accueillir chez lui. Je m’en acquitte du mieux possible, en ouvrant de temps en temps ma porte pour mieux me rendre compte.
Je trouve mon rôle ridicule ! J’imagine le vieux en costume ou chemise à fleurs, quelque part sur la Côte d’Azur, en train de redistribuer sa retraite au Casino ou à la marina... Il a peut-être fugué pour aller voir les étoiles ou la mer ? Peut-être avec une poule de son âge ? J’en ris d’avance et j’en suis bien content... C’est que depuis peu, je me suis inventé un voisin espiègle et philosophe, le genre qui rêve encore et qui s’évade... Pour de vrai...

Parfois elle m’appelle, en soirée ; et me prie de descendre pour vérifier deux ou trois choses. Je prends alors la clef et le téléphone, puis je descends d’un étage. J’ouvre un tiroir pour en décrire son contenu... Je remue des dossiers ou lui relis une lettre. Je vais d’un coin à l’autre, je regarde dans une boîte en allant chercher une enveloppe. Je fais le tour d’un meuble... Elle s’excuse, se met à pleurer; et moi je ne peux rien lui dire d’autre que de faire confiance à la police.

Ce soir, par curiosité, je suis resté un peu chez le vieil homme. C’est une pièce basse et froide, aux peintures passées, aux tapisseries désuètes. Elle n’est éclairée que par une ampoule qui pend seule, toute simple, à un fil de poussière. Cette faible lumière éclaire au mur un seul tableau : quelques personnages bien vivants, attablés à la terrasse d’un café. Certains mangent, d’autres parlent, d’autres encore jouent de la musique. Le style est naïf, l’ensemble est sensible. J’essaie tant bien que mal de déchiffrer la signature sans y parvenir « No »... « No... Quelque chose »... Noce, Nole, Nocle, ou plus simplement le prénom Noël.

La table est restée encombrée à l’extrême d’un chantier minutieux et surprenant. Un ordinateur, du plus récent modèle, trône en son centre, auquel sont reliés plusieurs périphériques : une imprimante, un scanner, mais aussi deux autres unités, plus massives, montées en série ; et dont j’ignore totalement la fonction. Ailleurs, autour, jusque sur les bibelots et les chaises, tout n’est que fatras, pagaille électronique : des boîtes de pièces, imposantes ou miniatures, des outils de haute précision, des cosses, des fils, des composants sur plaquettes, ôtés par bandes, ou attendant encore d’être soudés.
Ce tout semble être la réelle passion du vieil homme. Et on peut deviner qu’elle lui prend un temps infini. Infini, comme la quantité de branchements qui semblent sortir du ventre de cette machine. Je n’ai, en tout cas, jamais rien vu de semblable dans le commerce et l’industrie ; et même au cinéma ou à la télévision, tant elle semble hors normes.
Cet ordinateur, me rappelle plutôt le matériel informatique de pointe, utilisé en médecine et dans les laboratoires. Il ressemble à une pieuvre géante jetée sur une table d’opération. Une bête qui emporte avec elle, dans ses tentacules de câbles, tout un ensemble de boîtes à mémoire et de sachets vides.
Les livres sont partout : sur les flancs de la bête et ailleurs dans la pièce ; jetés pêle-mêle sur le bricolage, ouverts à une page marquée. Sur les murs aussi : en rangs irréguliers,

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