La mandarinade ou l histoire comique du mandrinat de M. l abbé de Saint-Martin
170 pages
Français

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La mandarinade ou l'histoire comique du mandrinat de M. l'abbé de Saint-Martin , livre ebook

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170 pages
Français

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Description

Affreux, bête, méchant, toqué de gloire et d'honneurs, l'abbé de Saint-Martin était une victime de choix pour les étudiants de Caen qui profitèrent de la venue en France des ambassadeurs siamois en 1686 pour le convaincre que le roi de Siam l'avait nommé premier mandarin de son royaume. La cérémonie grotesque qu'ils organisèrent à cette occasion fut digne de celle qui avait élevé M. Jourdain au rang de Mamamouchi. Cette farce truculente et authentique a été racontée avec humour et finesse par Charles-Gabriel Porée dans un livre resté inédit depuis 1769.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 16
EAN13 9782296479975
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA MANDARINADE


OU L’HISTOIRE COMIQUE DU MANDARINAT
DE M . L’ABBÉ DE S AINT- M ARTIN,
MARQUIS DE M ISKOU, DOCTEUR EN THÉOLOGIE,
PROTONOTAIRE DU S AINT- S IÈGE APOSTOLIQUE,
RECTEUR EN L’UNIVERSITÉ DE C AEN, ETC..
Chemins de la mémoire
nouvelle série


Cette nouvelle série d’une collection qui fut créée par Alain Forest est consacrée aux travaux concernant le domaine historique des origines à nos jours.


Déjà paru

Julien Cain, un humaniste en guerre , tome 1 : « lettres 1914-1917 ». Introduction, notes et postface par Pierre-André Meyer, série : « XXème siècle », 468 pages.
C HARLES- G ABRIEL P ORÉE
(1685-1770)


LA MANDARINADE


OU L’HISTOIRE COMIQUE DU MANDARINAT
DE M . L’ABBÉ DE S AINT- M ARTIN,
MARQUIS DE M ISKOU, DOCTEUR EN THÉOLOGIE,
PROTONOTAIRE DU S AINT- S IÈGE APOSTOLIQUE,
RECTEUR EN L’UNIVERSITÉ DE C AEN, ETC..


P RÉSENTÉE ET ANNOTÉE PAR B ERNARD S UISSE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55809-0
EAN : 9782296558090

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A VANT-PROPOS
Hénaurme ! aurait jubilé Flaubert en lisant la Mandarinade , tant il est vrai que ce formidable canular de potaches monté aux dépens d’un imbécile aussi enflé de lui-même que la grenouille de la fable a tout pour réjouir les pourfendeurs de la bêtise et les adeptes des dîners de cons. Aussi invraisemblable que la turquerie du Bourgeois Gentilhomme, dont elle s’inspire manifestement, sans doute rapportée, répétée, amplifiée, exagérée et déformée dans les salons bourgeois et les boudoirs aristocratiques de la ville de Caen, magnifiée en haut fait d’armes lors des beuveries des escholiers de l’université, cette farce bouffonne a donné à Charles-Gabriel Porée le sujet d’un livre plaisant qui n’a jamais été réédité depuis 1769.
Le 18 juin 1686, de retour d’une prestigieuse ambassade au royaume de Siam, les deux navires du chevalier de Chaumont mouillaient en rade de Brest. Ils amenaient en France trois ambassadeurs dépêchés par le souverain siamois, accompagnés de leur suite et chargés d’une impressionnante cargaison de présents destinés à Louis XIV. La curiosité et l’engouement suscités par l’évènement furent considérables. Tout le monde connut très vite les trois mandarins Ratchatut, Uppathut et Trithut {1} . Pendant les six mois que les exotiques diplomates demeurèrent en France (et même bien après), la mode fut véritablement au siamois et à ce que nous appellerions aujourd’hui les produits dérivés. Des milliers d’images et d’estampes furent imprimées, célébrant l’amitié des deux monarques et montrant les trois dignitaires dans leurs habits d’apparat, le bonnet pointu sur la tête et le poignard à la ceinture. On frappa des médailles, on édita des almanachs. Des dizaines de relations plus ou moins fantaisistes furent publiées et nombre de gazettes, dont le très populaire Mercure Galant de Donneau de Visé, informèrent le public, semaine après semaine, des moindres faits et gestes des émissaires, rapportant leurs déplacements, leurs visites, leurs bons mots et jusqu’au menu de leurs repas {2} . Les dames de qualité portaient des déshabillés en étoffe siamoise et l’on vendait des bonnets siamois à la foire Saint-Germain {3} .
C’est dans ce contexte que des étudiants de l’université de Caen, avec la complicité des notables de la ville, imaginèrent de mystifier un vieux loufoque imbécile et vaniteux en lui faisant croire, au cours d’une cérémonie burlesque digne de celle qui avait élevé M. Jourdain au rang de Mamamouchi, que le roi de Siam, ébloui par ses mérites, voulait le nommer premier mandarin de son royaume et le prendre à son service {4} . La farce marcha au-delà des espérances et le barbon, jusqu’à sa mort, demeura persuadé de posséder le titre de haut dignitaire du royaume de Siam. L’anecdote, quoique amusante, serait mince – mais après tout, semblable histoire a inspiré un chef-d’œuvre au grand Molière – si l’étonnante personnalité de la victime n’offrait un intérêt certain.

Le bal et la grand bande , à savoir , deux musettes ,
Et parfois Fagotin et les marionnettes …

Dorine le disait, les distractions sont rares en province. Aussi, quelle aubaine lorsqu’un original à la cervelle un peu fêlée s’ingénie – bien malgré lui – à divertir la ville par ses extravagances et ses excentricités ! Et sur le chapitre des excentricités, l’abbé Michel de Saint-Martin, écuyer, seigneur de la Mare des Déserts, marquis de Miskou en Nouvelle-France, docteur en théologie, protonotaire du Saint-Siège apostolique, recteur de l’université de Caen et mandarin du premier ordre du royaume de Siam, n’était jamais à court d’idées, que sa fortune lui permettait de réaliser. Car bien qu’avare, il était riche, l’animal ! Riche d’environ six mille livres de rente, d’après Tallemant des Réaux {5} . Son père lui avait laissé des biens considérables dont il dilapida, nous dit Vigneul-Marville, cinquante mille écus en des festins , des libéralités et des ouvrages publics {6} , au grand dam de ses héritiers qui lui intentèrent un procès et voulurent le faire mettre sous curatelle. Chez les gueux, l’extravagance est souvent pitoyable et tragique. Mais lorsqu’elle s’affiche au son des écus sonnants et trébuchants, elle fait rire, d’un petit rire grinçant, souvent méchant, où percent bien des rancœurs et des jalousies. Sans doute, M. de Saint-Martin n’était qu’un mauvais barbouilleur de papier, mais il avait les moyens de faire imprimer à compte d’auteur d’innombrables livres et mémoires qu’il distribuait généreusement autour de lui. Ces écrits amphigouriques et pontifiants, hérissés de grec et de latin, finissaient généralement au cabinet, comme le sonnet d’Oronte. Mais au moins le nom de l’auteur s’étalait-il en lettres d’or sur la tranche des ouvrages ou au bas des adresses, des mémoires et des libelles. M. de Saint-Martin avait les moyens de faire édifier aux quatre coins de la ville de Caen des statues, des monuments, des embellissements qui, célébrant la religion, offraient aux passants le témoignage éclatant des libéralités de leur généreux donateur. Il ne manquait jamais d’y faire graver son nom et ses armes. M. de Saint-Martin était un piètre musicien, il chantait comme une seringue, mais il avait les moyens de créer des prix de musique et de financer des concerts publics.
Les recueils d’anecdotes, de souvenirs et de bons mots, les compilations de ragots d’antichambre, les Menagiana , Furetieriana et autres ana qui fleurissaient à l’époque ont largement évoqué son lit, édifié sur un four de brique que ses valets emplissaient chaque soir de braise pour le maintenir à bonne température, les neuf bonnets gras et les neuf paires de bas dont il s’affublait par crainte des vents coulis, et la vinaigrette , cette petite chaise à porteurs à deux roues tirée par un homme, dont il se prétendait l’inventeur. Quel crédit faut-il leur accorder ? Parmi nous combien de livres ne sont fondés que sur des bruits de ville ? demandait Voltaire. Au demeurant, vraies ou fausses, ou tout simplement exagérées, ces anecdotes ne rapportaient que les bizarreries d’un pittoresque original. Mais l’originalité n’est pas un crime. Il fallait pourtant bien qu’il y eût un crime quelque part, ou au moins un vice grave et offensant, quelque infâme transgression des règles sociales pour justifier cette hostilité, tant il est frappant de constater, en lisant la Mandarinade , que toute une ville semble s’être faite complice de cette mystification un peu cruelle. Paris garde encore le souvenir reconnaissant de Richard Wallace qui fit installer à ses frais des fontaines publiques pour désaltérer la population. Caen n’eut aucune reconnaissance pour le philanthrope qui ne ménageait pas ses deniers pour le bien de sa ville adoptive. Il est vrai que Michel de Saint-Martin n’avait pas la discrétion du riche anglais, et que l’intérêt commun n’était qu’un prétexte pour faire reluire son auréole. L’abbé de Saint-Martin n’avait pas d’amis, sinon pour le gruger et le railler

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