La petite fille de Mostaganem
200 pages
Français

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La petite fille de Mostaganem , livre ebook

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200 pages
Français

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Description

Une petite photo déchiquetée : Oran 1959. Un légionnaire en uniforme pose à côté d'une fillette en bonnet blanc : Isabelle Vaha. Mars 2002, son histoire vient la rattraper : celle d'un père tortionnaire en Algérie, dont elle découvre, gamine, la réalité dans une boîte à chaussures : des photos de scènes de tortures auxquelles il a activement participé. Une vie réduite à un "misérable tas de secrets" pour reprendre l'expression de Malraux où, dans sa famille, les mots sont aussi tranchants que les lames : "L'Algérie serait si belle sans les arabes!"

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 487
EAN13 9782336274065
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296033665
Sommaire
Page de Copyright Page de titre DU MÊME AUTEUR Dedicace Préface 1 . 2. 3 . 4. 5. 6 . 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. Remerciements
La petite fille de Mostaganem

Isabelle Vaha
DU MÊME AUTEUR
Le Nuage Torride , Editions Le Petit Véhicule L’Etincelle de Manioc, Editions Case de Déméter/Nouvelles du Sud Un temps pour elles, Edition Enitram Tréab, ouvrage collectif Ange , Editions Part en Thèses Les Cyprès de velours , Editions Part en Thèses Quand l’Allier rencontre les ailes d’une libellule , Editions Le Vert Galant Montpeyroux, pierres et sortilèges , Editions Le Vert Galant Le foulard ardent , Editions le Vert Galant
Ecrits poétiques dans les revues L’Heure-Tard Poésie Oblique Ffwl
Le Bonheur, Le Chemin, Le désert du Nouvel Athanor
A toutes les filles, A tous les fils de soldats qui ont servi dans l’armée française lors de la Guerre d’Algérie,
A toutes les filles A tous les fils de harkis,
A toutes celles, A tous ceux qui souhaitent que les oliviers et les chênes devisent ensemble en toute sérénité,
A Marie Cailletet, sans qui je n’aurais jamais pu dire...
Préface
Une plage écrasée de soleil dans l’Algérie d’hier. C’est là qu’ils se sont vus pour la première fois sans réellement faire connaissance, sans échanger un mot, sans savoir que cette rencontre qui n’en était pas une signerait le début d’une ardente passion qui s’épanouirait bien plus tard et qui marquerait leur vie pour toujours.
Elle, la petite fille de Mostaganem, dont le père, légionnaire, et la mère, classique « femme d’officier », tous deux pétris de préjugés et des ignorances de la colonie à l’égard de ces êtres différents, mystérieux et menaçants qui les entouraient et qu’il convenait de traiter sans ménagement car « ils ne comprennent que la force » comme on disait dans son milieu. Lui, un adolescent, un « indigène » justement qui, chaque fois qu’il passait sur la plage, la cherchait des yeux, admirait sa grâce et s’émerveillait de sa blondeur enfantine mais à qui il ne pouvait adresser la parole car le mur qui les séparait était infranchissable. Ils se retrouveront pourtant longtemps après l’indépendance pour s’aimer et découvrir ensemble aussi l’horreur d’un passé proche qui les avait maintenus étrangers, faisant des uns des tortionnaires et des bourreaux et des autres des héros et des martyrs.
On pourrait lire ces pages vibrantes d’émotion et de vérité comme celles d’un roman sous le charme duquel on succombe et dont on regrette seulement qu’il se termine si vite. Isabelle Vaha nous offre encore plus que cela. Son livre attachant qui se lit d’un trait nous invite à la réflexion sur l’oppression et la guerre, sur la haine, la sauvagerie et tout ce qui faisait le quotidien du système colonial. Et c’est pourquoi il apporte aussi une si belle contribution à la naissance d’un monde enfin humain.
Henri Alleg
1 .
I l en était sûr !
Il l’avait retrouvée, la fillette de Mostaganem, cette enfant aux cheveux dorés qui courait sur le sable blond de la plage des Sablettes avec son loulou de Poméranie. Il s’appelait Kazan, c’est du moins le souvenir qu’il en avait gardé. En effet, l’enfant criait ce nom étonnant pour un animal chaque fois que le chien espiègle allait se cacher entre les barques échouées sur la grève.
Il la voyait, chaque fin d’après-midi, avec son seau bleu, bâtir d’extravagantes murailles taillées dans le sable doux de la plage. Parfois, Kazan apportait sa contribution anarchique, démolissant ainsi ces œuvres éphémères d’un coup de patte ou de queue maladroit. La fillette n’avait guère le temps d’exprimer son mécontentement, l’animal ayant tôt fait de l’amadouer avec ses jappements tendres. Elle riait, amusée par les facéties de cette petite boule blanche qui ne la quittait guère, ni lors de ses promenades, ni lors de ses siestes qu’elle partageait avec un ours gris dont la tête bonhomme lui servait d’oreiller. La petite s’endormait avec lui, tandis qu’il gardait les pattes relevées à l’équerre vers le ciel et toujours à l’envers sur son lit.
Il se souvenait d’elle, de son chapeau de paille aux allures de couvre-chef chinois et de son maillot de bain jaune à fleurs claires. Il se rappelait son rire si vivant et les longues pluies de sable qu’elle faisait tomber lentement sur l’immense anneau de caoutchouc noir qui lui servait de bouée. En ce temps-là, les chambres à air offraient aux adultes et aux enfants l’opportunité heureuse de se divertir en toute sécurité dans une mer, en apparence, éternellement en vacances.
En ce temps-là, aussi, celle-ci ne semblait guère se soucier des déflagrations qui faisaient sursauter oueds et djebels. Et dans l’Oranais, les oranges étaient d’ambre mais souvent baptisées dans le sang, noyant ainsi tant de martyrs dans le sable du désert qu’on avait délibérément rendu muet !
Les argousiers aux épines acérées bordaient les chemins muletiers dont la poussière argentée cachait au fond de ses seins d’abominables mines bondissantes et, dans l’ azra (plateau rocheux), tous les charognards faisaient d’abondantes ripailles.

Il regardait la fillette, occupée à jouer en contrebas. Pourquoi avait-elle réussi à capter son attention? C’était une pisseuse, une morveuse, cette petite Française! Quel âge ? Trois ans, quatre ans ? Peut-être un peu plus, un peu moins? Il n’était pas fortiche en chiffres. Son instituteur se désespérait de pouvoir l’initier aux arcanes solennels des mathématiques. Pourtant, c’était bien ici, au cœur de cette Méditerranée, qu’étaient nés les plus grands magiciens des chiffres ! Qu’avait-il donc fait pour ne point être digne de cet héritage si souvent convoité ?
Et qu’avait-elle de plus, cette gamine au ventre trop rond? On eût dit qu’elle avait bu un hectolitre de jus d’oranges ! Il était incapable de répondre. Il se défendait bien de lui accorder la moindre importance. Cependant, il se surprenait à la guetter et à l’attendre du haut du parapet de ferraille qui surplombait la plage. Presque chaque soir, lorsque le soleil commençait à faiblir, il courait vers le bas de la ville et s’asseyait sur l’arête brûlante d’un éperon de pierre pour l’observer.
Personne ne pouvait soupçonner la raison de ses fugues quotidiennes, ni sa mère et encore moins ses frères qui n’auraient pas manqué de se moquer de lui. Cependant, il était là, presque chaque fin d’après-midi, contemplant l’enfant avec une sorte de fascination mêlée à de l’agacement. Du haut de son adolescence, il avait assurément mieux à faire que d’assister aux jeux insignifiants d’une fillette, d’un bébé presque, et français de surcroît.
Un simoun léger balayait l’horizon. Il soulevait des nuages de poussière gracieux qui blanchissaient ses boucles brunes. Il se laissait alors bercer, pendant quelques instants, par les soubresauts tièdes de l’air occupés à courir dans tous les sens. C’était une charmante cacophonie aérienne dont il ne pouvait se lasser.
Ah, le vent de Mostaganem !
On raconte qu’il est porteur de bénédictions. Autrefois, lorsqu’il soufflait de la ville, les parents des cités avoisinantes grimpaient sur les montagnes et offraient le visage de leur progéniture aux effleurements de l’air. Ainsi, tous les enfants profitaient de la science et de la vertu de cette ville magnifiée. C’est à Mostaganem aussi que tant d’artistes et de penseurs s’étaient retrouvés autour des murmures calmes des fontaines de la Zaouia, égéries délicates toutes dévouées à leur art.
Pour le moment, il était là, envers et contre tout, ignorant le sable qui crissait sous son short déjà un peu trop petit. Lui, c’était presque un homme ! Il en avait conscience depuis que les anciens semblaient lui accorder un peu plus d’attention qu’à l’habitude. L’autre jour, ne lui avait-on pas confié la responsabilité de tenir, quelque temps, la caisse du café de l’avenue de la Salamandre? Mieux encore, son oncle lui avait même donné la pièce pour qu’il aille porter à l’Hôtel de France un courrier important. L’homme de la réception, ravi de la diligence du garçon, y avait également ajouté un pourboire généreux.
Alors que faisait-il, lui, Ha

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