La rivière de pierre
185 pages
Français

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La rivière de pierre , livre ebook

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Description

"Karim est mon ami... Bien que nous nous comprenions difficilement, moi, avec mon arabe fragmentaire et bancal et lui, avec son français de bazar, il est mon ami. "En sept nouvelles sont illustrées les ambiguïtés, les limites mais aussi les richesses de la rencontre entre monde arabe et Occident. Cette série de portraits nous rappelle que nous sommes nus. Et nous devons l'assumer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2008
Nombre de lectures 40
EAN13 9782336267678
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296063099
EAN : 9782296063099
La rivière de pierre

Jean-François Lopez
Écritures
Collection fondée par Maguy Albet Directeur : Daniel Cohen
Dernières parutions
Dominique LEMAIRE, Saltimbanques , 2008.
Bernard FELIX, Fiona , 2008.
Marcel BARAFFE, Comme une vague inquiétude , 2008.
Ray COSPEREC, L’artiste inconnue , 2008.
Gianfranco STROPPINI DE FOCARA, Farahmönde, 2008.
Noël GUILLARD, Sur la route de Kiev , 2008.
Alain DULOT, Les remparts de Dubrovnik , 2008.
Jean PERDIJON, La solitude du cosmologiste, 2008.
Daniel BERNARD, Les Magayantes, 2008.
Hüseyin LATIF, La mort bleue , 2008.
AICHETOU, Cette légendaire année verte , 2007.
Mireille KLEMENTZ, Le maître allemand, 2007.
Anne-Marie LARA, Les bellezêveries , 2007.
Antoine de VIAL, Prendre corps ou l’envers des mots , 2007.
Antoine de VIAL, NY 9/11 911. Édition bilingue, 2007.
Urbano TAVARES RODRIGUES, La fleur d’utopie A flor da
utopia. Nouvelles traduites du portugais par João Carlos Vitorino Pereira. Edition bilingue, 2007.
Collectif (concours de la nouvelle George Sand), Dernières nouvelles du Berry, 2007.
Jaunay CLAN, Milosz ou L’idiot magnifique, 2007.
Jean BENSIMON, Récits de l’autre rive , 2007.
Anne MOUNIC, Jusqu’à l’excès , 2007.
Manuel GARRIDO PALACIOS, L’Abandonnoir, 2007.
Pierre MARTIN, La beauté de Ghephra , 2007.
François AUGE, Lumière cachée, 2007.
Derri BERKANI, Le retourné , 2007.
Alain LORE, À travers les orties , 2007.
Nicole Victoire TRIVIDIC, Pleure , 2007.
Liliane ATLAN, Même les oiseaux ne peuvent pas toujours planer , 2007.
Liliane ATLAN, La bête aux cheveux blancs , 2007.
« Il en est parmi vous qui recherchent les bavards de peur d’être seuls. Le silence de la solitude révèle à leurs yeux leur moi dans sa nudité et ils voudraient s’enfuir. »
Khalil Gibran Le prophète.
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Écritures - Collection fondée par Maguy Albet Directeur : Daniel Cohen Epigraphe Coopération - Yémen du Nord, 197... L’index Karim, le pêcheur L’enterrement d’un Arabe La fin d’un rêve La rivière de pierre Le mulet
Coopération
Yémen du Nord, 197...
J’ étais allé visiter, il y a des années de cela, un cousin éloigné qui travaillait alors comme pharmacien à l’hôpital de Taïz, la capitale des massifs du Sud. C’est un garçon curieux de tout, et surtout des hommes, que sa clairvoyance et sa liberté de pensée n’ont jamais fait verser dans cette forme de cynisme désabusé qui caractérise trop souvent les travailleurs expatriés. C’est aussi une tête bien faite qui abrite un esprit malicieux. Bref, nous sommes compères depuis toujours : une invitation de sa part ne pouvait qu’être intéressante.
Quelques jours après mon arrivée, nous étions installés dans le petit jardin qui sépare le mur d’enceinte de l’hôpital de sa maison. Comme à chacune de nos rencontres, il me racontait avec émerveillement la beauté stupéfiante de ce pays méconnu. Nous devisions, l’âme en paix, dans l’ombre fraîche d’un grenadier, assis autour d’une table basse en marqueterie de bois sombre d’où s’élevait l’odeur du thé qui infusait. La soirée était calme. La rumeur de la ville montait jusqu’à nous, assourdie par les hauts murs qui nous entouraient et d’où retombaient des brassées de jasmin odorant.
Quelqu’un frappa à la porte du jardin : mon cousin se leva et alla tourner un robuste loquet de fer, témoin d’une époque où la serrurerie servait autant à embellir les portes qu’à les cadenasser. Puis il tira le panneau de bois sculpté et s’effaça devant un jeune homme passablement excité dont on distinguait mal la physionomie dans l’obscurité.
— « Sidi, Sidi! Salam aleïkoum !
— Aleïkoum salam, Ahmed ! Que se passe-t-il ?
— Il y a un malade qui vient d’arriver ! Il va très mal, Sidi. Très mal !
— Oui. Et alors?
— C’est un parent, Sidi! Il est de ma tribu !
— Aïwa ! Je vois. Et alors ? » m’entendis-je répondre sentant que la conversation commençait à se préciser.
— « C’est le docteur Hô qui travaille ce soir ! Le docteur Hô ! Tu comprends ? Je veux pas que le docteur Hô l’opère. Pas lui ! »
Ahmed était un jeune préparateur en pharmacie que sa gentillesse spontanée et sa diligence de tous les instants, avaient promu au rang d’homme de confiance de mon cousin. Quant au docteur Hô, je l’appris rapidement, c’était un chirurgien chinois à la mine figée et aux doigts boudinés, que les hasards de la coopération internationale avaient jeté parmi ces montagnards dont il ignorait tout, et sur lesquels il déversait une froide arrogance, peu compatible avec leur fierté naturelle. C’est peu dire que leurs relations étaient exécrables.
Pour le malheur de tous, le docteur Hô était neurochirurgien et n’entendait rien à tout ce qui ne touchait pas directement à son domaine. Or, dans un hôpital provincial de cette catégorie, il ne pouvait prétendre exercer sa spécialité ce qui, ajouté à son expatriation forcée, était vécu comme une humiliante régression professionnelle. Il en éprouvait donc un terrible ressentiment car comme chacun sait : « Le plus grand bien de ce monde est l’amour de son état ». À condition de pouvoir le choisir, bien entendu !
Quant à ses patients, pourtant peu exigeants, ils subissaient les tragiques conséquences de son impéritie et avaient rapidement associé à ce patronyme exotique, une réputation peu glorieuse qui en faisait la terreur de la ville et des environs.
— « J’ai compris, Ahmed. J’ai compris. Mais pourquoi tu viens me voir ?
— Ton cousin, Sidi, ton cousin qui vient d’arriver, demande-lui de s’en occuper ! S’il te plaît ! Demande-lui ! »
Il est des supplications qui portent en elles tant de foi et d’espérance que l’on ne saurait les écarter d’un revers de main, pour peu qu’on soit un rien attentif à la valeur des hommes c’est-à-dire à la profondeur de la vie. Celles d’Ahmed étaient de celles-ci : il fallut bien s’exécuter. Sous réserve de jouer finement, cependant, car le docteur Hô était connu pour être fort susceptible et capable des pires colères.
On partit donc à sa recherche pour le trouver au fond d’un couloir de l’hôpital, en train d’examiner le parent d’Ahmed qui se tordait de douleurs sur un mauvais brancard. Le docteur Hô était tel qu’on me l’avait décrit : la suffisance transsudait de toute sa personne et primait sur toute autre considération. Mon cousin fit les présentations. L’autre se plia en deux cérémonieusement et me souhaita la bienvenue dans un anglais incompréhensible, aussi impassible qu’une poupée de cire.
— « Wilcome, Doctor ! Wilcome ! »
Puis, après quelques banalités de bon aloi, mon parent rajouta en se tournant vers moi, mais en anglais cette fois pour être bien certain que l’autre comprenne :
— « Tu devrais accompagner le docteur Hô en salle d’intervention, cousin. Ce pourrait être intéressant, n’est-ce pas ? »
Avant même qu’il ait finit sa phrase, le docteur Hô, qui avait été plus circonspect jusque-là, l’interrompit :
— « Excellent idea, Sir, excellent idea! Please ! Come ! »
J’acquiesçai, évidemment, en le remerciant et nous nous retrouvâmes au bloc opératoire où, pendant que les infirmiers s’affairaient, j’eus le loisir de détailler notre malade.
D’emblée, le contact s’établit. Entre deux grimaces de douleur, le sourire de cet homme simple respirait la franchise et la confiance. Il me séduisit : je me laissai faire.
C’était un homme âgé, très âgé : du moins, en avait-il l’air. Ce qui est sûr, c’est qu’il avait plus d’années sur les épaules que de dents au fond de la bouche et qu’il n’était pas nécessaire d’être très instruit pour pouvoir les compter toutes. Ses mains étaient crevassées, ses art

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