La scupidité
234 pages
Français

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Description

Pour que votre téléphone portable fonctionne des hommes et des femmes, souvent mal payés, travaillent dans le silence et la souffrance.
Le téléphone portable quand il marche rapporte des millions d’Euros à quelques privilégiés.
Et tout le monde semble s’en satisfaire. Tout le monde ? Vraiment ?
Et si quelques individus parvenaient à rendre plus humain notre époque cruelle.
Vous-même, que feriez-vous pour changer ce monde ? Jusqu’où iriez-vous pour être respectés et considérés par les opérateurs de radiotéléphonie ? Par votre employeur ?
Iriez-vous aussi loin que les acteurs de ce livre ?

Informations

Publié par
Date de parution 04 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312006697
Langue Français

Extrait

La scupidité

Fancelo Mornein
La scupidité












LES ÉDITIONS DU NET 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
Avec tous mes remerciements à Franck pour avoir trouvé puis prêté ce néologisme. Je te le rends.
Un grand merci à Benoît pour la relecture.
À tous deux pour l’amitié indéfectible.
Et à toi, ma douce, pour ta confiance, ton courage, notre amour, nos enfants et tout ce qui fait qu’avec toi la vie est tout sauf scupide.










© Les Éditions du Net, 2012 ISBN : 978-2-312-00669-7
Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l’air d’être vivants et pourtant il leur manque la vie de l’être en chair et en os.

Mohandas Karamchand G ANDHI

Scupidité :
Nom sans genre bien qu’à tendance masculine.
Variable dans les actions au fil des siècles mais invariable dans le but.
Contraction de Stupidité et Cupidité, la scupidité qualifie les comportements humains irrationnels, égoïstes exclusivement guidés par l’appât du gain et le profit immédiat.

Partie I Esclaves, bourreaux, la litanie des siècles

Chapitre 1 L’ère des travailleurs pauvres
En France, en 2008, 13 % de la population, vit sous le seuil de pauvreté à savoir avec moins de 950 € net par mois. En 2009, ce taux était de 13,5 %.
La France est la 5 e puissance économique mondiale.
Source INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques)
Le ciel bas comprime ses épaules déjà endolories. Le brouillard semble peser. Pas encore levé, le soleil ne parviendra sans doute pas à briser de ses rayons cette mélasse d’eau glacée, de gouttes moelleuses et des flocons grêleux, tous voltigeant dans une marée de vents aux courants aléatoires. Le givre surfe sur chaque bourrasque et s’insinue là où même la vie, sans y parvenir, cherche à se réchauffer.
Grelottant, la cigarette, consumée jusqu’au filtre, calée sous sa lèvre supérieure, les doigts engourdis malgré les gants fourrés dont il dispose, il retrousse la manche de son manteau polaire et penche la tête afin que la lampe frontale de son casque de chantier lui permette de lire les chiffres du cadran, rayé, de sa montre. Martial soupire. Déjà presque deux heures qu’il œuvre, seul au sommet de ce pylône, et encore tout autant avant que la nuit ne cède la place au jour. Si le jour arrive à se faire une place.
En levant les yeux, une percée dans les nuages lui permet, cependant, de voir nettement, dans un ciel cassis, un groupe d’étoiles particulièrement scintillantes. Présage d’une journée glaciale pense t’il. De sa main droite tremblante il attrape le thermos, en dévisse le bouchon pour se verser du café dans un gobelet de plastique rouge.
Sans se départir de ses gants, il porte la tasse à ses lèvres. Et merde, déjà froid. Tout en maugréant, il gobe l’acre liquide tiède, resserre l’écharpe autour de son cou, rehausse le col de son manteau, abaisse son bonnet jusqu’aux oreilles et se saisit de la clé Allen posée sur le caillebotis pour finir de fixer les boulons permettant de solidariser l’antenne au pylône.
Installé sur la plateforme sommitale de ce pylône de 45m, emprisonné dans cette cage d’acier galvanisé d’un mètre carré, à l’abri d’une chute, Martial, n’en est pas moins soumis à tous les éléments. Et, en ce 24 décembre, au petit matin, ils se combinent.
Déjà, en sortant de l’hôtel, à 4 h 30, le vent et le froid l’ont saisi avec une intensité amplifiée par une nuit presque sans sommeil. Quatre heures de repos, plus que de sommeil, passés dans une même chambre, partagée à trois, chacun s’essayant à dormir dans les lits superposés, la proximité et les ronflements.
Martial s’est levé le premier, à la fois car il considère que la fatigue lui pèse moins qu’à ses collègues, mais aussi et surtout qu’il déteste la promiscuité des douches collectives en plastique-blanc-clinique. Surtout quand son corps encore engourdi de sommeil, présente les traces d’une érection nocturne à peine dégonflée alors même que ses paupières, toujours gagnées par la somnolence, s’ouvrent à peine, même sous le flot d’une douche à la chaleur fluctuante. Mais ces douches collectives sont les seules que proposent les hôtels les moins chers. Dans cette situation, il déteste, ne serait-ce que pour un simple bonjour, devoir entamer une discussion avec un autre naufragé du sommeil. Fut-il un collègue de chantier depuis trois années.
Il choisit donc de se lever vingt minutes avant l’heure négociée collectivement, ou alors de se passer d’une douche abstention qui peut durer jusqu’à une semaine. Et ces deux scénarios demeurent immuables. En renonçant à la douche, il gagne, de fait, quelques minutes d’un sommeil, certes perturbé mais finalement apprécié. Et quand il renonce au sommeil, ce sacrifice lui paraît nécessaire pour disposer, seul, de la douche collective. Dans l’un et l’autre des cas, il évite la corvée de la cohabitation, dénudée, dont sa pudeur ne s’accommode guère.
Est-ce sa chevelure encore mouillée, est-ce la fatigue permanente, sont-ce les deux, toujours est-il que le froid lui a paru mordant dès la porte du hall d’entrée refermée.
Il n’a su réprimer un tremblement ou plutôt il ne sait plus s’en séparer. Depuis quinze jours, déjà.
Au début, il l’avait mis sur le compte de la tension liée aux objectifs de fin d’année et la pression de sa hiérarchie. Il avait ensuite accusé leur excessive consommation quotidienne d’alcool, avant de se résoudre à admettre que seule la fatigue extrême pût en être responsable.
Le visage dans le miroir du vestibule de l’hôtel, alors qu’il fumait une cigarette en attendant ses collègues, il ne sut se résoudre à en soutenir le regard plus de quelques secondes. Son visage pourtant.
Ce faciès blême, les cernes cireuses sous les yeux aux paupières blettes, c’est lui. Les rougeurs en plaque sur les joues craquelées par le froid, le menton à la barbe poisseuse et le front strié de ridules incrustées de poussières, c’est toujours lui. Et cette veine bleue saillante dont les palpitations, à la limite de l’explosion, font écho à cette horizontale barre à la poitrine qui l’oppresse, lui interdit toute respiration profonde et le condamne aux petites bouffée d’air sous peine de réveiller cette souffrance, encore lui. La fatigue tisse sa toile à tous les étages de son corps, et demeure résolument portée, comme des tutrices de souffrances, par ces cisailles verticales qui lui transpercent chaque mollet. Comme si la fatigue y avait, depuis quelques semaines, abandonné une lame de rasoir.
Condensé sensoriel, tout son épuisement lui revient à la gueule à travers un miroir, rarement nettoyé, dans un hôtel guère plus entretenu.
Cet éreintement qui ankylose tout autant les muscles que le cerveau, il le ressent chaque jour de décembre, le subit tous les décembres de chaque année et n’arrive pas à s’en départir.
Oui ce visage dans le miroir, c’est Dorian GRAY sur un chantier, une jeunesse aux portes du naufrage
Et le voilà, perclus de froid, au sommet de ce pylône.
Bien qu’emmitouflé, son visage n’en demeure pas moins soumis aux intempéries. En dépit de bonnets et écharpes, le nez et la bouche subissent le vent vif et à la neige grêleuse. Respirer pas le nez lui étant douloureux, il aspire, à travers la laine de ses écharpes, de petites gorgées d’un air glacé.
Régulièrement, du revers de sa main gantée, il s’essuie les lunettes chargées de le protéger des éclats de métaux ou des étincelles de son poste à souder. Mais les souillures de neige s’y agglomérant, rageusement, il les retire et les laisse pendre à son cou.
D’un geste du même acabit, il se saisit d’une bouteille de Jacks Daniel, déjà entamée d’un tiers, et lui assène un nouveau vide de deux gorgées. Le jour se lève moins vite que le breuvage ne se tarit. À coup sûr, elle ne verra pas le soleil de midi. Peut-être même devra t’il appeler le secours d’une nouvelle commande dès dix heures.
Sous une fine couche de neige, dans un classeur bleu, bien rangés sous plastique, des plans et schémas lui donnent les informations

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