La soupe à la cocarde
330 pages
Français

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La soupe à la cocarde , livre ebook

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Description

1789, un petit village près de Paris. Le vent de la révolution plane et bientôt souffle sur la France, provoquant de graves conséquences économiques et politiques. Les révoltes du peuple ouvrier plongent la nation dans une grande instabilité, changeant l’ordre établi et bouleversant la vie du pays tout entier. Une famille, les Monnet, subira comme tant d’autres avec elle, les effets dévastateurs que ce vent de liberté entraînera. Anselme, Noémie et leurs cinq enfants verront leur famille éclater et la mort s’installer autour d’eux. La petite Julie, fille cadette, victime d’un viol, verra sa raison chanceler. Armand, patriote acharné devenu fanatique, mènera une rébellion villageoise qui l’obligera à s’enfuir sur Paris. Le benjamin, Félicien, dans la fougue et l’inconscience de son jeune âge, se laissera embrigader par ce dernier. Antoine et Louise, les deux aînés de la fratrie, s’efforceront d’être les piliers de ce foyer éclaté et d’en préserver l’unité. Au milieu de la fureur et du bruit, de la guerre et des larmes, la famille Monnet poursuivra son destin, avec ses naissances et ses morts, ses malheurs et ses bonheurs. Mais leur vie à tous changera à jamais…. Dans un climat politique comparable à ce chaos familial, un certain Napoléon Bonaparte fera son chemin jusqu’au point culminant de son ascension, et deviendra l’Empereur des Français.

Informations

Publié par
Date de parution 02 octobre 2015
Nombre de lectures 23
EAN13 9782312038391
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La soupe à la cocarde
Sylvie Carenas
La soupe à la cocarde



















LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-03839-1
« Je veux que le fils d’un cultivateur puisse se dire :
"Je serai un jour cardinal, maréchal de France ou ministre…" »
Napoléon Bonaparte (1805)
« La haute politique n’est que le bon sens appliqué aux grandes choses. »
Napoléon Bonaparte (1806)
Chapitre I
Un bruit de casseroles entrechoquées réveilla Antoine, mais il se refusait encore à ouvrir les yeux et à bouger. La chaleur que diffusaient les corps endormis de ses deux petits frères, allongés près de lui, le laissait dans un état de demi-somnolence. Les paupières toujours closes, il écoutait les bruits familiers que faisait la Mère en réchauffant la soupe.
L’obscurité emplissait encore l’unique pièce où la famille Monnet s’entassait, du Père Anselme et de sa femme, Noémie, jusqu’aux enfants – trois fils et deux filles – . Tout le monde dormait là, dans une masure délabrée et décrépie, au toit troué recouvert de planches et de paille. Une paillasse pour les trois garçons, sur laquelle on jetait leurs longs manteaux de laine grise en guise de couverture. Un matelas douteux chapardé dans une cour voisine servait de couche aux parents, protégés par un vieux drap râpé. Les deux sœurs dormaient sur un lit de paille, et se couvraient avec le seul duvet miteux de la maison. Il était vieux et reprisé grossièrement, mais il tenait chaud aux corps des jeunes fillettes.
Partout où ses yeux se posaient, Antoine voyait la misère et la crasse s’installer dans ce qui leur servait à la fois de cuisine et de chambre à coucher. Lors des grandes chaleurs, une odeur fétide et parfois insoutenable s’y dégageait, venant de la tuyauterie engorgée du siège d’aisance. Anselme et Antoine avaient beau la déboucher, son étroitesse la faisait s’obstruer régulièrement. A la fin, le Père y avait renoncé et les exhalaisons puantes se répandaient, tenaces, dans toute la maisonnée.
Antoine tourna la tête, gêné par le bras de son frère Armand. Le plus jeune, Félicien, avait sa jambe en travers de la paillasse et remua en grommelant quand Antoine le repoussa. A contre cœur, le jeune homme quitta la chaleur de sa couche misérable et enfila un vieux tricot. La mère surprit son geste et hocha la tête.
– T’as senti l’odeur de la soupe, hein ! ?
– Hum !... fit Antoine. Le Père n’est pas levé ? Il est l’heure !
– Eh bien ! Lève le donc. Le pauvre est bien fatigué, je l’ai laissé dormir plus longtemps. Mais il est l’heure, oui…
Antoine sourit et se tourna vers le matelas, près du poêle qui dégageait une mince chaleur. Il réprima un bâillement et secoua doucement Anselme. Le vieux ouvrit des yeux las et cernés.
– Déjà l’heure ? Fichtre ! La nuit est bien courte, et je resterais pourtant encore bien un peu….
– Il est l’heure, Père, il faut se lever.
En jurant, Anselme repoussa le drap maculé de taches et s’assit à demi.
– La soupe est prête ?
– Oui, dit la Mère. J’y ai rajouté les quignons de pain qui restaient.
Puis, inquiète :
– Il n’y a plus de pain, plus de viande, et bientôt plus de soupe non plus quand nous aurons tous mangé. Il faut aller chez le boulanger, qu’il nous cède au moins une miche.
– On lui doit déjà deux pains, murmura Antoine.
– Tant pis, cria Noémie ; soudain, elle s’enflamma. Tant pis, faudra bien qu’il nous aide. Y peut quand même pas nous laisser comme ça. Les deux petites n’ont déjà presque rien avalé hier soir. Si elles ne mangent pas, elles ne pourront plus travailler, et c’est deux payes qu’on perdra.
Puis, en remuant sauvagement une soupe claire garnie de petits morceaux de pain bis, elle reprit :
– Faudra bien qu’il nous aide….
Le Père ne dit rien et sortit deux bols ébréchés. La Mère, sentant la rage la gagner, se mit à vociférer.
– Ah ! C’est pas comme ces cochons de Bourgeois, eux ils mangent à leur faim, ils font ripailles et bombances ! La femme Charlet, qui travaille en ménage chez les Niverdier, m’a raconté pas plus tard qu’hier, qu’ils avaient dîné avec le Curé. Faisans rôtis et truites à la crème. Pardon Monsieur ! Et du bon vin, Le Père, et de la bière, c’est y pas honteux ! Pendant qu’on crève de faim, ces cochons s’engraissent et s’enivrent de bonnes choses !
Le Père hocha la tête. Quand sa femme haranguait les Bourgeois, mieux valait ne rien dire.
– Faudra que ça pète, répétait Noémie, rouge de colère. Antoine maugréait, lui aussi. Les Bourgeois ! Le Clergé ! Des sangsues buvant la moelle du petit peuple ; et leur prenant tout, argent, nourriture et fierté.
La vieille horloge sonna poussivement quatre heures. Affairée, soudain, versant leur maigre pitance dans les bols, la Mère continuait pourtant à rabâcher contre ces maudits aristocrates et ce Clergé qui vivaient largement sur le dos des pauvres gens. Anselme écoutait, en buvant par petites lampées une soupe sans goût, faute de légumes suffisants. Mais au moins, elle tenait chaud au corps.
– Réveille donc les petits, va, c’est l’heure pour eux aussi, dit– il à son fils.
Le jeune homme se leva et secoua – cette fois sans y prendre de formes– ses deux frères. Armand, réveillé par surprise, lâcha une bordée d’insultes et mit un grand coup de pied à Félicien.
– Debout, sacré fainéant ! T’as dormi sur moi toute la nuit. J’en ai des crampes partout…
– Pas vrai, pas vrai ; gémit le plus petit.
Antoine sourit. Tous les matins, ces deux-là s’invectivaient, mais sitôt séparés, ils étaient malheureux. Il se détourna d'eux en passant au-dessus du matelas des parents ; appela Louise et Julie. Louise avait un teint cireux et fatigué. Elle gémit dans son sommeil, et Antoine lui caressa doucement le visage. La bouche esquissa une moue enfantine et elle ouvrit des yeux encore lourds de sommeil. Reconnaissant son frère aîné, elle sourit et hocha la tête.
– Je me lève tout de suite, Antoine.
– Réveille Julie…
Et le jeune homme regagna la vieille table branlante pour finir son bol de soupe.
– Dépêchez-vous, vous deux ! Cria la Mère. Il est déjà quatre heures passé ! Faudrait pas arriver en retard, sinon la Capron va encore faire des histoires et vous retenir cinq sous chacune. Allons, Julie, lève-toi ma fille. C’est y pas malheureux, hein, le Père, toujours à lambiner celle-là !
– Laisse-la donc ! Elle est fatiguée, la gamine. Pas une vie pour elle…
– Pas une vie pour elle ! Pas une vie pour elle ! Et nous autres ? Elle est belle, peut-être, notre vie à nous autres !
Anselme haussa les épaules et mit son vieux bonnet sur sa tête.
– T’est prêt, Antoine ?
– Oui, j’arrive, j’enfile mon paletot. Fait pas chaud, dehors.
Le Père acquiesça et après un signe au reste de la famille, ils sortirent. La nuit était encore épaisse et piquante. Il avait gelé, la terre craquait sous leurs pas. Les deux hommes marchaient en silence, déjà épuisés avant leur journée de labeur.
Anselme était ouvrier agricole chez un Bourgeois, monsieur Palendon, qui avait racheté ses titres de noblesse quelques années auparavant. Il travaillait sur ses terres, et faisait même parfois office de bûcheron quand son maître avait besoin de main-d’œuvre pour défricher de nouveaux terrains. Toute la journée, à partir de cinq heures le matin, jusque huit heures le soir, il piochait, semait, récoltait, hersait, fauchait. Anselme n’avait que quarante -cinq ans, et en paraissait plus de soixante. Son dos voûté, ses jambes lourdes et ses rhumatismes se réveillant par ce temps glacial, il ressemblait à un vieillard usé par le temps. Ses cheveux blanchissaient déjà, ses épaules s’affaissaient. Depuis l’âge de dix ans, Anselme travaillait ainsi dans les fermes et les bois, inlassablement. Dieu sait s’il en avait taillé des haies, abattu des arbres, fauché de l’herbe. Planter les légumes, les fleurs et les plantes potagères n’avaient plus de secret pour lui. Quand on avait besoin d’un conseil pour améliorer les cultures ou rendre la terre plus fertile, on consultai

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