Le Brouillard de l aube
221 pages
Français

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Description

Célia a toujours su que le pasteur Henri Muller et sa femme Marie étaient ses parents adoptifs. Mais, à la faveur d'une dispute entre les deux époux, elle découvre un jour ses origines juives. Dès lors, sa vie prend un nouveau sens et sa quête d'identité la pousse à retrouver la trace de ses parents naturels.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 51
EAN13 9782812916359
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Christian Laboriepassionne pour l’histoire et les habitants de s  se a province d’adoption : les Cévennes. Ses romans sonnent comme autant d’hommages humbles et sincères. Il a notamment obtenu le prix Découver tes pour L’Arbre à palabres (2001) et le prix Mémoire d’Oc pour Le Chemin des larmes ( 2004). Le succès de la saga L’Appel des drailles et Les Drailles oubliées l’a h issé au rang des auteurs incontournables de la littérature de terroir.
Copyright
Du même auteur L’Arbre à palabres,Éditions Melis, 2009. Les Sarments de la colère,collection Romans, De Borée, 2009. Le Saut-du-Loup,collection Romans, De Borée, 2008. L’Arbre d’or,collection Romans, De Borée, 2007. Le Chemin des larmes,collection Terre de poche, 2007. Le Secret des Terres Blanches,collection Romans, De Borée, 2006. Les Drailles oubliées,collection Romans, De Borée, 2005. L’Appel des drailles,collection Romans, De Borée, 2004. L’Arbre à pain,collection Romans, De Borée, 2003. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. ©De Borée, 2015
Titre
CHRISTIANLABORIE LEBROUILLARD DE L'AUBE
L’aube se lève à peine, c’est peut-être celle de l’es pérance.
Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ
Première partie
LE DRAME
I
La grande rafle
Paris, 15 juillet 1942. ANS LA RUE du Faubourg-Saint-Antoine, l’effervescence était à son comble. Les D événements de la guerre, les affres de l’Occupation ne semblaient pas troubler ses habitants qui, en dépit des privations communes à tous les Français, vaquaient à leurs activités comme si de rien n’était. Les bouches de métro vomissaient, sans discontinuer , leurs lots de Parisiens toujours affairés. Les gazogènes se disputaient la chaussée avec les triporteurs et laissaient derrière eux des volutes de fumée bleutée qui empes taient l’atmosphère. Indifférents, les passants croisaient les soldats du Reich, dont certains se comportaient en véritables touristes. Chacun avait fini par s’habituer à ces uniformes ét rangers qui rappelaient, s’il en était besoin, que la France avait perdu son âme en perdan t la guerre et sali son honneur en signant, par un 22 juin 1940, l’armistice de la défaite et de la honte. Sous une douce chaleur estivale, en cette troisième année de cohabitation forcée, les habitants de la capitale prenaient des airs de vaca nciers. Le bois de Boulogne était plein de promeneurs, les berges de la Seine grouill aient de badauds, les jeunes filles portaient court des robes légères et l’on canotait sur les bords de la Marne. Certes, les troupes d’occupation, mêlées à la population, créai ent une atmosphère de crainte et de suspicion parmi les braves gens qui feignaient de l es ignorer. Mais chacun s’efforçait de composer et tâchait de ne voir que ce qui lui pe rmettait d’envisager les jours à venir avec sérénité. D’aucuns affirmaient que les Français avaient la mé moire courte. D’autres pensaient qu’ils faisaient preuve d’une grande faculté d’adap tation. Quand souffle la tempête, expliquaient ces derniers, il faut savoir courber l ’échine pour ne pas se briser à vouloir résister ; savoir aussi attendre que le calme revie nne pour redresser la tête. C’était le cas du plus grand nombre.
Depuis plusieurs jours, les rues de Paris étaient troublées par un mouvement inhabituel d’agents de police en tenue. La police parisienne – chacun le savait – obéissait aux ordres du gouvernement de Vichy et faisait régner l Ordre nouveaupar les imposé Allemands. Certains inspecteurs montraient beaucoup de zèle et s’acharnaient avec arrogance à débusquer les fraudeurs du marché noir, les résistants, les Juifs qui ne respectaient pas la législation en vigueur. Les arr estations en pleine rue et en plein jour, les disparitions à l’insu des familles étaien t devenues monnaie courante dans ce pays résigné et vaincu. Les Parisiens avaient été très choqués, cependant, par la décision du gouvernement Laval de faire porter aux Juifs l’étoile jaune de D avid, comme en Allemagne. L’antisémitisme, en réalité, ne gangrenait qu’une m inorité de la population. Aussi comprenait-on mal l’opiniâtreté de la police à voul oir démasquer les récalcitrants. La population juive, fichée, répertoriée, catalogué e en fonction de ses origines, subissait l’humiliation dans le secret espoir que l es autorités françaises n’iraient pas
aussi loin que les nazis en France. Le statut des J uifs de France, décrété par le maréchal Pétain dès octobre 1940, leur rendait bien la vie de plus en plus difficile ; mais eux aussi finissaient par vivre dans l’attente que s’apaise la tempête.
* * *
« Vous me paraissez bien soucieux aujourd’hui, Fran çois ! »
Comme chaque matin, Charles Duquesne, le libraire d e la rue du Faubourg-Saint-Antoine, comptait sa caisse avant d’ouvrir son maga sin. Peu avant 9 heures, François Blumstein arrivait à la librairie pour prendre ses fonctions et faisait un peu de rangement en attendant les premiers clients. Sur sa veste, Lisa, sa femme, avait cousu, avec une application de couturière, l’étoile jaune qui le distinguait des autres habitants. Toutefois, Charles Duquesne, en humanist e épris de liberté qu’il était, avait demandé à son jeune employé de revêtir une blouse, de façon à masquer l’infâme insigne discriminatoire. Dans la librairie, rien ne distinguait donc François d’un autre citoyen, d’autant plus qu’il parlait le français sa ns accent. « En venant de chez moi, j’ai remarqué que la rue é tait bien calme ce matin. Et à chaque intersection, il y avait un peloton de trois ou quatre agents de police. – Ne vous inquiétez pas. Un officiel doit sans dout e passer dans le quartier. Un de ces salauds de collabos ou une huile de la kommandantur . Depuis que Laval a déclaré ouvertement souhaiter la victoire de l’Allemagne le mois dernier, tout ce petit monde est en ébullition. – Vu la situation, si je n’avais pas la charge de m es trois enfants et de ma femme, je quitterais Paris et je rejoindrais la Résistance. – Je vous comprends, François. Votre existence, com me celle de vos semblables, est vraiment inconfortable. Le mot est faible ! – Je ne supporte plus toutes ces tracasseries ni ce tte persécution sournoise. Ce n’est pas l’étoile qui me gêne, mais ces brimades dont no us faisons l’objet. Mon logement est devenu trop petit pour nous cinq, et il m’est i nterdit d’en changer. Après 20 heures, nous devons rester cloîtrés, nous ne pouvons aller nulle part ni recevoir chez nous. Cela devient intolérable. Je finis par perdre patie nce. – Gardez courage. Le vent est en train de tourner. – Les Allemands sont partout. Ils font régner l’Ordre nouveaul’ensemble du sur continent. L’Europe entière est à leur botte. Et le gouvernement français déclare vouloir leur victoire. Comment pouvez-vous dire que le vent a tourné ? – J’ai de bonnes informations. Dernièrement les Ang lais ont saccagé Cologne avec plus de mille bombardiers ; les Américains ont coul é des porte-avions japonais à Midway dans le Pacifique ; et les Russes eux-mêmes ont repoussé les nazis loin de Moscou. Les Allemands ne seront pas toujours vainqu eurs ! – En attendant, ce sont des Français qui font leur sale boulot. J’aime trop la France, qui m’a accueilli, pour admettre que son gouvernement a it pu se ranger du mauvais côté. – Le gouvernement français n’est pas à Vichy, vous le savez bien. – Oh ! De Gaulle ! Il est bien loin. Et les autres gouvernements alliés n’ont pas l’air de le soutenir beaucoup.
– Il est l’âme de la Résistance. Sans lui, nous ser ions vraiment orphelins et complètement seuls dans la tanière du loup. » La porte d’entrée s’ouvrit brutalement. Charles Duq uesne, sans se départir de son calme, détourna la conversation. « Vous me ferez donc la liste de tous les ouvrages qui traitent des loups, François. Je veux les exposer en vitrine. Ce sera le thème de la semaine. » Puis, se tournant vers le visiteur matinal, il ajou ta : « Monsieur l’agent, c’est pour quoi ? – Vous employez bien ici un certain Franz-Jacob Blu mstein ? – C’est moi, répondit François sans attendre. Que m e voulez-vous ? – Rien de spécial. Je venais constater que vous éti ez bien à votre travail. Je suis passé chez vous il y a dix minutes. Votre femme m’a dit que je vous trouverais ici. – J’y suis tous les jours de 9 heures à 19 heures, du lundi au samedi, précisa François. – Je vois, je vois, répéta l’agent de police. C’éta it un simple constat. Au fait, où est votre étoile jaune ? Je ne la vois pas ! » François déboutonna sa blouse. « C’est moi qui lui ai demandé de porter une blouse , coupa le libraire. Pour le métier, c’est plus convenable. – Dans ce cas, cousez l’étoile sur la blouse, repri t le policier à l’adresse de François. – Je pensais qu’à l’intérieur de la librairie, ce s igne était un peu voyant, expliqua Charles Duquesne. – C’est la loi ! Vous la connaissez aussi bien que moi. – Ne vous inquiétez pas, ajouta François, ma femme en coudra une autre sur la blouse. – C’est bon, dit l’agent d’un ton plus avenant, je n’ai rien dit. Laissez votre femme tranquille. Mais faites attention ! » François regarda son patron d’un air surpris. Celui -ci cligna des yeux pour lui faire comprendre de ne rien ajouter. Le policier se dirig ea vers la porte de sortie et, au moment de saisir la poignée, se retourna en regarda nt François d’un air complice. « Un conseil, ne restez pas chez vous demain. Emmen ez votre femme et vos enfants loin de Paris. Faites ce que je vous dis. » Interloqué, François ne dit mot et laissa partir so n mystérieux visiteur sans tenter de le retenir. « Qu’est-ce qu’il a voulu dire ? demanda-t-il aussi tôt à son employeur. Pourquoi devrais-je m’en aller ce soir ? Était-ce une menace ? Pour un agent de police, c’est bizarre ! – Je crois plutôt qu’il a voulu vous mettre en gard e. – Me mettre en garde ! Contre quoi ? Qu’ai-je fait de répréhensible ? Je n’ai rien à me reprocher. Qu’aije à craindre ? Ces agents de polic e ne me paraissent pas tous très honnêtes. Je me méfie d’eux comme de la peste. Que feriez-vous à ma place ? – Je n’en sais rien, François. Je ne suis pas dans le secret des dieux. – C’était peut-être une menace pour me faire déguerpir ! – Si les autorités en avaient décidé ainsi, elles s ’y prendraient autrement. Les menaces déguisées en conseils, ça ne leur ressemble pas. – Une menace personnelle alors ? Cet agent est peut -être une crapule qui agit pour son compte. Qui sait ?
– Tout peut arriver. Mais il est inutile de vous al armer outre mesure. Si vous voulez, demain, prenez votre journée. Je me débrouillerai s ans vous. – Je n’ai que faire de leurs menaces. Je ne vais pa s commencer à jouer au chat et à la souris. J’ai déjà fui mon pays une première fois, j e ne vais pas recommencer ici. Et pour aller où ? Je ne connais personne en dehors de Paris. – Je peux vous envoyer chez ma sœur à Neuilly. Vous pourriez vous y rendre dès cet après-midi. – Vous savez comme moi que les Juifs n’ont pas l’au torisation de se déplacer. Si nous nous faisons prendre, nous risquons gros. Je ne peu x faire encourir ce risque à mes enfants. Sans moi, ils sont fichus. Je ne partirai pas. – Faites comme vous voulez. Vous avez sans doute ra ison. Soyez quand même vigilant. Ce n’était peut-être pas une simple menac e. »
De toute la matinée François ne parla plus de cette visite inattendue. Il se plongea dans le travail et prépara la vitrine de la librairie avec Charles Duquesne. Le thème des loups lui plaisait bien. Il y trouvait une certaine analogie avec les Allemands. En recherchant dans les rayons les ouvrages qui traita ient de la question, il ne pouvait s’empêcher d’assimiler les nazis à une meute de lou ps féroces qui se serait ruée sur une bergerie appelée Europe, après que les bergers – les dirigeants de l’Allemagne et des États collaborateurs – eurent ouvert euxmêmes l es portes aux fauves. Les loups régnaient maintenant en maîtres absolus et avaient inféodé ces hordes infamantes de hyènes qu’étaient les vaincus collaborateurs. Pour l’instant, le peuple des moutons baissait l’échine. Certains se laissaient égorger s ans livrer bataille. Mais cela ne durerait pas. Lui qui, de surcroît, faisait partie des moutons noirs, de ces parias exclus de tous les troupeaux, il sentait monter le vent de la révolte dans son esprit troublé et dans son cœur meurtri. Fuir serait encore un aveu de défaite, d’abdication , une forme d’abandon, pire ! de lâcheté, pensa-t-il en se souvenant du jour tragiqu e où il avait dû quitter son pays natal.
* * *
La famille Blumstein faisait partie de ces gens qui ne faisaient jamais parler d’eux. Installée en France depuis 1933, elle avait fui l’A llemagne dès l’accession des nazis au pouvoir et s’était immédiatement adaptée à la socié té française, sans chercher à s’intégrer à la communauté juive de Paris. Le mari, Franz-Jacob, qui se faisait appeler Franço is, était professeur de français à l’université de Heidelberg. Il avait quitté son All emagne natale la mort dans l’âme, quand les nazis avaient commencé à appliquer leur p olitique antisémite. Arrivé en France à un moment où les séquelles de la grande crise économique se faisaient encore durement ressentir, il n’avait tro uvé qu’un petit travail de vendeur chez un libraire du FaubourgSaint-Antoine. Il s’y était installé, avec sa femme, dans un petit appartement situé au troisième étage d’un vieil imm euble. Lisa, son épouse, faisait quelques travaux de coutu re à domicile. Le jeune couple avait été rapidement adopté par les voisins du quartier. Et, quand la petite Sarah naquit un
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