Le chant des Parques
266 pages
Français

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Le chant des Parques , livre ebook

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Description

Sommes-nous libres de nos actes ? Sommes-nous maîtres de notre destin ? Parfois nous agissons comme dirigés par une volonté extérieure qui décide à notre place. C'est ce que j'ai voulu mettre en relief dans ce roman, à savoir la part incontrôlable de nos actions, attribuée à ces puissantes déesses que les Grecs ont désigné sous le nom de Parques. L'intelligence humaine est faible devant les aléas du sort. Elle ne peut percer les cheminements de notre existence. La vie des personnages de ce roman en est un exemple.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 71
EAN13 9782296695719
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Chant des Parques
Marianne BELIS
 
 
Le Chant des Parques
 
roman
 
 
Du même auteur
 
 
Cette grande lumière à l’Ouest , L’Harmattan, 2004.
 
 
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com

diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11379-4
EAN : 9782296113794
 
Dans la mythologie gréco-romaine, les Parques, divinités maîtresses du sort des hommes, étaient trois sœurs, filles de la Nuit ou de l'Erèbe. Elles ont exercé leurs fatales fonctions dès l'origine des êtres et des choses ; elles sont aussi vieilles que la Nuit, que la Terre et le Ciel. Elles se nomment Clotho, Lachésis et Atropos. Elles habitent dans les régions olympiques d’où elles veillent non seulement sur le sort des mortels, mais encore sur le mouvement des sphères célestes, et l'harmonie du monde. Immuables dans leurs desseins, elles tiennent ce fil mystérieux, symbole du cours de la vie, et rien ne peut les fléchir et les empêcher d’en couper la trame.
 
CLOTHO, la « fileuse », tient le fil des destinées humaines.
LACHESIS , la « fatidique » enroule le fil sur le fuseau.
ATROPOS , « l’inflexible », coupe impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie de chaque mortel.
 
Les Grecs et les Romains ont rendu de grands honneurs aux Parques, car elles présidaient à la naissance des hommes et décidaient de leur avenir.
"Parques infinies, filles de la nuit obscure, je vous implore…soyez-nous favorables soyez-nous bienveillantes ; Atropos, Lachésis, Clothos, déesses invisibles, redoutables… car tout ce que vous donnez aux mortels c'est vous-mêmes qui le leur enlevez ; ô Parques, écoutez les prières des prêtres, écartez de l'âme d'Orphée tous les chagrins terribles."
 
(Fragment d’un hymne orphique)
I   L’éclosion
 
Nous sommes pantins tirés par des ficelles .
Faisant le jeu des forces insoupçonnées
 
Elle rentrait lentement par ce beau soir d’automne, se laissant aller au charme du soleil couchant sur les collines moldaves qui entouraient la ville de Focsani. Tout en regardant, d’un œil distrait, les devantures des magasins en train de fermer, elle cherchait à se rappeler les propos qu’on avait tenus à son égard, et qui avaient abouti à cette décision, pour le moins inattendue : "Anda Vorgu, suite aux bons résultats de ces dernières années et à ta participation aux grands chantiers patriotiques de notre pays, tu as obtenu une bourse pour suivre les cours de la Faculté de Médecine à Bucarest". Elle s’était levée, étonnée, incrédule, ne pouvant intégrer cette belle phrase dans sa conscience et ne réussissant pas à proférer les quelques mots de remerciement ou » d’engagement », que ses collègues soufflaient autour d’elle.
Elle avait toujours été une élève studieuse, participant comme tous ses collègues aux actions de l’"Union des jeunesses travailleuses", écoutant, sans trop se poser de questions, les slogans qu’on leur débitait à longueur de journée et remplissant, avec plus ou moins d’entrain, les charges patriotiques que les élèves devaient remplir aux côtés des étudiants pendant les vacances, comme la récolte du maïs ou les vendanges.
Elle avait même participé, avec ses collègues, aux grands chantiers de travail comme ceux d’Agnita-Botorca et de Bumbesti-Livezeni, qui avaient abouti à la construction d’une voie ferrée qui faisait l’admiration de tout le pays. On travaillait dur, à longueur de journée. Le soir on se réunissait après le repas, autour d’un feu et, dans la fraîcheur de la nuit, on chantait des chants patriotiques qui laissaient entrevoir un avenir merveilleux. On était fiers de contribuer à édifier un tel avenir. Oui, elle avait travaillé de son mieux mais quand même, elle ne s’attendait pas à une telle distinction. Son collègue Stéphane, par exemple, s’était donné bien plus de mal qu’elle et de plus, il était le meilleur de la classe. Et Radu aussi, était un excellent élève, alors pourquoi elle ?
 
A la fin de la réunion, le secrétaire du comité du Parti l’avait fait venir devant tout le monde et l’avait félicitée chaleureusement : "Nous sommes sûrs que tu feras de ton mieux pour répondre à la confiance qu’on t’accorde. Il faut te préparer vite car les cours commencent dans deux semaines". Tout le monde avait applaudi et elle n’avait pu que balbutier quelques mots de remerciement. En regagnant sa place elle avait vu l’air malheureux de Stéphane et n’en avait été que plus embarrassée.
 
Une boulangerie en train de fermer lui rappela soudain qu’elle devait acheter du pain, car sa mère devait rentrer tard ce soir et risquait de ne plus en trouver. La bonne odeur du pain -qu’elle commençait à mordre avec délices -combinée à la fraîcheur agréable qui remplaçait la canicule du jour, lui donna une sensation de bien-être, contrastant avec les heures mouvementées qu’elle venait de vivre. Oui, pourquoi moi ? reprit-elle sa pensée. Bien d’autres se sont battus pour cette bourse et se sont montrés bien plus dévoués que moi, mais peut-être, n’avaient-ils pas une origine aussi "saine" que la mienne. C’est vrai que Stéphane avait une origine "bourgeoise" qui le rendait vulnérable. On leur avait bien expliqué que la bourgeoisie était sournoise, qu’elle avait des relations et des ressources inépuisables et qu’il fallait l’annihiler, corps et âme, dans toute sa descendance.
Pour une fois, le niveau modeste de son existence la favorisait. Mais est-ce vraiment une chance ? se demandait-elle, inquiète. Que va devenir maman, toute seule ? Et moi, parmi ces étrangers, loin de tout ce que je connais et aime ici. Et puis, serai-je capable de faire face à un enseignement aussi élevé ? Certes, ici je suis parmi les meilleurs mais à Bucarest, parmi les meilleurs des meilleurs ? Elle eut soudain peur, comme si l’avenir était menaçant, plein d’embûches. Non, je vais renoncer, se dit-elle soudain. Je vais prétexter une maladie, n’importe quoi, maman va me procurer un certificat médical, je ne partirai pas.
 
Elle poussa la petite porte en bois qui la séparait de son jardin et soudain, elle fut envahie par le parfum des "belles de nuit" qui se réveillaient de leur torpeur. Non, je ne vous quitterai pas, leur souffla-t-elle en s’asseyant sur le petit banc, enfoui parmi les herbes. Et toi non plus, dit-elle, en caressant le chat noir venu du fond du jardin où il surveillait le poulailler. Pourquoi partirais-je ? Je suis si bien ici. Au diable la médecine et la capitale !
Elle regarda avec amour les dahlias rouges et mauves qui l’entouraient de toutes parts et le lilas planté par sa mère et qui, chaque année, regorgeait de fleurs. Ce petit banc était leur coin favori, leur havre de paix. Les soirs d’été, après dîner, elles venaient s’y asseoir en se racontant les événements de la journée. La ville devenait silencieuse, et seuls les aboiements lointains de quelques chiens et le cri-cri des grillons dans l’herbe rompaient le silence. Parfois la lune se levait en projetant des ombres fantasques et elles prolongeaient ces instants de calme et d’intimité qui leur étaient précieux.
 
Anda entra dans la maison et commença à réchauffer le dîner que sa mère avait préparé avant de partir. Elle avait été appelée d’urgence pour un accouchement, car elle était sage-femme, très appréciée dans Focsani et même aux alentours. Elle n’aurait changé cette profession pour rien au monde, elle l’exerçait avec passion. Elle la faisait aussi par nécessité car, devenue veuve à vingt ans, elle avait dû subvenir, toute seule, aux besoins de la famille et élever sa fille.
Elle avait été durement touchée par la mort de son mari, tué quelque part en Russie, "pour défendre l’honneur de la patrie", selon les termes du communiqué qu’elle avait reçu un certain soir de septembre 1943, et qu’elle n’arrivait pas à comprendre. Pourquoi

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