Le destin ombragé de Mihidu
198 pages
Français

Le destin ombragé de Mihidu , livre ebook

-

198 pages
Français

Description

Mihidu, dont le nom signifie "persécution", est destiné à devenir juge coutumier. Parti à Massiendjo pour des raisons scolaires, il est témoin de deux affaires de justice mêlant pouvoir et tradition. Plus tard, il décide de partir à Librevile au Gabon, où il fréquente les milieux pentecôtistes pour conjurer le mal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 54
EAN13 9782296485167
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le destin ombragé de Mihidu © L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56836-5
EAN : 9782296568365 Euloge Makita-Ikouaya
Le destin ombragé de Mihidu
L’Harmattan A
ma tendre mère, Véronique Bouanga, l'agronome empirique.
A
mon frère et ami de toujours, Yves-Marcel Ibala, le chevalier
au sabre du destin.
A
mes aînés, Joseph Bouaha, Essous-Serges François Magnéhé
et Georges Lao, les martyrs de la famille.
A
mes filles, Ambre et Admire pour leur courage. Avant-propos :
Les Terres Piole et Limogni
au cœur de Massiendjo
Durant l’époque coloniale, le Moyen-Congo avait une
organisation administrative pyramidale et celle de
Massiendjo comprenait plusieurs villages, neuf Terres, un
canton et une sous-préfecture. A la base de cette organisation,
le village était le résultat d’un regroupement de familles,
notamment batsangui, bapunu, téké et bakota, ayant des liens
de sang et de mariage. Chaque village était administré par un
chef nommé par l’administration coloniale, sur proposition
du chef de Terre.
Ce dernier était nommé par le sous-préfet, avec l’approbation
de la population et du chef de canton, afin de superviser
l’ensemble des villages appartenant à une même zone
géographique. Au-dessus de la Terre, il y avait le canton,
constitué de l’ensemble des Terres et dirigé par un chef de
canton. Nommé par le sous-préfet, il jouait le rôle d’interface
entre l’administration coloniale et ses administrés.
Joseph Nzila Lipouma avait été nommé chef de Terre pour la
circonscription de Piole. Né d’une mère tsangui et d’un père
kota, d’où son nom de Lipouma, c’était un homme très grand
et très beau. On disait qu’il avait hérité de ses parents le
totem likengni qui le rendait plus beau chaque minute de sa
vie terrestre. Il avait exercé le métier de commerçant au
Gabon entre Koulamoutou, Pana et Dienga pendant de
nombreuses années, avant qu’on le rappelle de manière
expresse pour occuper ce poste.
71Dépositaire des reliques du clan Lumbu Bâ Mutatu , il avait
été initié pour devenir juge coutumier. Métier qu’il exerçait
avec tant de passion, qu’on lui avait attribué les vertus du
perroquet, parce qu’il avait la capacité de parler des heures et
des jours durant. Dans la contrée de Piole, il n’avait pas son
égal pour administrer les villages de sa juridiction.
Quant à la Terre Limogni, qui portait le nom de sa rivière
principale, elle était dirigée par Daniel Mbehe Iwangou, chef
de Terre tsangui résidant au village Malembo. Il avait été
choisi pour ses compétences de juge coutumier, qui ont
longtemps marqué l’histoire de cette région essentiellement
peuplée de Batsangui. Il y avait aussi quelques Bapunu et
Bakota, venus à la suite de migrations et de mariages.
De son côté, Tombe A Ngomo, avait été investi des pouvoirs
de chef de canton de Massiendjo et avait la lourde
responsabilité de diriger les neuf Terres. Il était né au village
Kibili, à la lisière des villages Kissielé et Mougoundou.
D’origine kota, il avait été adopté et éduqué par les membres
du clan Mululu de l’emblématique Ibouanga Ibooko de la
tribu des Batsangui. Cette adoption lui avait conféré tous les
droits de la famille Mululu et il fut l’un de ses plus grands
héritiers dans le canton de Massiendjo.
Tombe A Ngomo avait besoin des services d’un interprète, en
particulier lorsqu’il devait adresser un rapport à son supérieur
hiérarchique, le sous-préfet de Massiendjo qui était un Blanc.
L’instituteur Antoine Koumba était l’un des premiers lettrés
de la contrée et c’est avec compétence qu’il jouait son rôle
d’interprète auprès du chef de canton.
Parallèlement à cette organisation administrative, chaque clan
des Terres Piole et Limogni devait avoir son juge coutumier
pour parler devant les hommes. Une fois choisis dès leur plus
jeune âge, ces juges étaient initiés, généralement avec les
1 Ce clan avait la particularité d’appartenir à la fois aux Batsangui et aux
Bapunu, deux ethnies originaires du sud du Gabon, notamment de la
province de la Ngounié et de Tchibanga.
82totems du kussu ou du litondo , qui leur conféraient la
capacité de parler longtemps. On leur faisait également avaler
de l’huile de palme, pour son pouvoir mystique, et l’initié
devait posséder certains attributs comme l’arc-en-ciel, pour
savoir délimiter le bien et le mal.
La plupart des activités sociales, comme l’agriculture, la
chasse, la danse et la musique, donnaient lieu à diverses
pratiques mystiques, tandis que chaque famille avait ses
totems, capables de protéger ou de faire du mal, selon les
circonstances. Ainsi, dans les Terres Piole et Limogni, aucun
village ni aucune famille n’était innocent.
A propos de totem, le lion est celui du clan Punda et
Muhambu aime raconter comment elle et sa petite belle-sœur
croisent un jour un troupeau d’éléphants en revenant des
plantations. En rage, les pachydermes se mettent à hurler et
se précipitent sur les deux jeunes femmes qui s’enfuient vers
le village. Soudain, un lion apparaît et s’interpose entre elles
et les éléphants qu’il fait fuir à force de rugir. Puis le roi des
animaux accompagne ses protégées jusqu'à l’entrée du
village, avant de disparaître. C’est pourquoi les membres du
clan Punda n’ont pas peur du lion qui veille toujours sur eux
en cas de danger.
Dans les Terres Piole et Limogni, la tradition était aussi
marquée par le mode d’attribution d’un nom. En effet, un
nouveau-né portait le nom de son père, ou de sa mère, à
moins qu’on lui donne celui de son grand-père, de sa
grandmère ou d’un autre membre de la famille méritant ce
privilège. Le nom de l’enfant pouvait également indiquer son
destin. Dans tous les cas, le nom de chacun avait une
signification plus ou moins symbolique. Chez les Batsangui,
outre celui qui figure sur l’acte de naissance, un être humain
porte un nom de malchance, ou ndoho, connu uniquement au
sein du cercle familial. Mais il arrive qu’un enfant ne porte
qu’un seul nom, selon les circonstances de sa naissance.
2 Respectivement perroquet et rossignol, dans la langue des Batsangui.
9Du point de vue traditionnel, il y avait également des interdits
en ce qui concerne les mariages. Ainsi, les Bakota n’avaient
le droit d’épouser ni les Batéké, ni les Batsangui. Quant à ces
derniers, leur complexe de supériorité les empêchait de
marier leurs filles dans d’autres tribus. Mais cette conception
d’autrefois tombait en désuétude, si bien que dans les Terres
Piole et Limogni, il y avait souvent des alliances
interethniques.
Comme les autres Terres de la sous-préfecture de
Massiendjo, celle de Limogni a eu ses premiers
3« intellectuels », dont le célèbre Ngoyi Itongosso, Egaud
pour les intimes. D’après Placide Iballathe, Egaud était un
vrai magicien qui roulait à bicyclette sur les rails du chemin
4de fer de la Compagnie minière de l’Ogooué et changeait de
métier à sa guise. Il avait étudié la science des talismans avec
un certain docteur Salomon et était réputé pour résoudre les
difficultés sociales de ceux qui venaient le consulter.
Quant à Jérôme Mussali, né à Mutsiehe, il fait également ses
études primaires à Madouma, mais n’obtient pas le certificat.
Il devient catéchiste protestant dans la Terre de Limogni, puis
rattrapé par la tradition tsangui, il est initié au métier de juge
coutumier par son oncle Nziengue Imbolo. Après avoir réussi
3 Né à Mavouadi vers 1938, Egaud fait ses études primaires à Madouma,
où il obtient le Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE). En
1944, il s’engage dans l’armée française et bénéficie d’une formation
militaire à Madagascar, après un bref passage dans la province du
Kouilou, dans le Mayombe. Sa formation se termine en 1951 et il

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