Le Dodécaèdre
174 pages
Français

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Description

Un jeune garçon avale les pages de cinq livres dans lesquels croit-il, se trouve le code qui pourrait permettre à un capitaine et à ses acolytes de retracer son père disparu. Afin de sauver sa vie, un explorateur se voit contraint de raconter à la tribu amérindienne qui le retient prisonnier les histoires qu’il connaît, qu’il crée ou qu’il combine. Une femme ravissante se plaît à réinventer sa propre histoire lors des soirées mondaines. Perdu sur les glaces à la dérive dans l’Atlantique Nord, un autre explorateur est tourment. Par les sempiternelles questions d’un enfant. Mais ce jeune garçon n’est-il pas celui qui a englouti des livres dans la bibliothèque ? Et cette femme qui joue des rôles n’est-elle pas le personnage d’un récit concocté par la machine à histoire mentionnée dans l’article d’une revue spécifique?

Dans Le Dodécaèdre ou Douze cadres à géométrie variable, Paul Glennon manie douze genres littéraires (roman policier, journalisme d’enquête, récit d’aventure…), insufflant à chacun une part d’étrangeté pour créer douze univers distincts réunis dans une structure finement ciselée. Pour la version française de ce livre où chaque histoire apporte un nouvel éclairage sur celles qui l’avoisinent, douze traducteurs se sont livrés à leur tour au jeu des cadres à géométrie variable.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 décembre 2010
Nombre de lectures 7
EAN13 9782760319134
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paul Glennon
Le Dodécaèdre
ou Douze cadres
à géométrie variable
Traduit de l’anglais (Canada)
sous la direction de Marc Charron et
de Julie Stéphanie Normandin
Les Presses de l’Université d’Ottawa
À mes parents
I Dans la bibliothèque de mon père

Il y a des livres dont il faut seulement goûter, d’autres qu’il faut dévorer, d’autres enfin, mais en petit nombre, qu’il faut, pour ainsi dire, mâcher et digérer .
F RANCIS B ACON , Essais , « Sur l’étude »
M on père a mis sa grande cape sur ses épaules en partant hier soir, mais la pluie n’avait pas encore commencé. J’ai entendu le bruit des premières gouttes sur le toit de la bibliothèque des heures après son départ. Au début, c’était de grosses gouttes lourdes ; on aurait dit que des cailloux tombaient sur du fer-blanc. Ensuite, le rythme est devenu de plus en plus rapide, comme si quelqu’un disait : « ch-chh-chhhh-chhhhut ! » Il pleuvait encore quand les étrangers – les inquisiteurs – sont venus nous voir ce matin.
Le bruit de la petite cloche à côté de la porte de devant m’a fait sursauter. Je ne suis pas censé être dans la bibliothèque sans mon père. Il ne sonnerait pas avant d’entrer, évidemment, mais allez donc dire cela à vos nerfs.
Je me suis caché derrière le poteau, en haut de l’escalier, pendant que ma mère parlait avec les inquisiteurs. Il y en avait trois, mais un seul posait des questions. Il était grand, il avait l’air jeune et il parlait comme un maître d’école, prononçant toutes les syllabes des mots avec soin, comme s’il croyait que ma mère ne comprendrait pas. Ma mère bégayait et répondait de manière confuse. J’avais honte parce qu’elle ne répondait pas mieux que ça. Le grand enquêteur ne parlait pas la langue de la maison – la langue aux belles notes mélodieuses que parle mon père. Il parlait à ma mère dans sa langue à elle, une langue qui sonne comme des chiens en colère et une mauvaise toux, donc elle aurait dû faire mieux. Elle n’avait aucune excuse.
Pendant que le grand homme posait des questions, les deux autres se tenaient derrière lui et essayaient de rester tranquilles. Ils n’avaient pas l’air d’aimer ça. Ils n’étaient pas aussi grands que lui, mais ils étaient plus corpulents et ils avaient un regard stupide et des nez aplatis. Ils n’arrêtaient pas de regarder partout et de toucher aux choses, mais l’homme qui posait des questions au sujet de mon père se tenait entre eux et la maison, et il n’y a pas grand-chose à voir dans l’entrée. Un des hommes a examiné de très près le baromètre sur le mur, plissant ses petits yeux comme s’il le trouvait très louche. L’autre a agité la poignée de la porte jusqu’à ce que l’homme qui posait des questions se retourne et le regarde d’un air furieux. Le grand jeune homme devait être leur capitaine.
Après son interrogatoire, le capitaine a salué ma mère en portant la main à sa casquette et a regardé vers moi, en haut de l’escalier, comme s’il avait toujours su que j’étais là. J’ai tendu le cou pour voir son visage, puis j’ai repris ma place derrière le poteau. Il avait un beau visage, comme celui de Galahad dans mon livre des Légendes de la Table Ronde . Il avait l’air trop jeune pour être le capitaine des deux autres.
Après leur départ, Mère est allée dans le parloir et a défait la broderie qu’elle avait faite ce matin-là. Je suis venu ici, dans la bibliothèque, pour « travailler et réfléchir », comme le faisait Père. Mère devait penser que j’étais dans ma chambre, mais elle ne monte jamais l’escalier pour vérifier. Je ne savais pas exactement ce que voulaient les étrangers, mais je n’aimais pas leur air. Ceux qui ne parlaient pas étaient étranges et rudes. Ils avaient l’air de soldats, et le capitaine posait des questions bizarres. Parfois il avait l’air de savoir où était mon père. Parfois il avait l’air d’essayer de le trouver. Il a dit qu’il voulait aider mon père, mais il n’y avait rien d’altruiste dans sa voix. Il se servait de cette voix trompeuse qu’utilisent les maîtres d’école lorsqu’ils essaient de vous prendre en défaut pendant une interrogation orale. Ce capitaine et ses brutes doivent travailler pour les ennemis de mon père. Je savais qu’ils viendraient un jour. J’ai toujours su que Père avait des ennemis. Autrement, pourquoi aurait-il eu tant de secrets ?
À ma connaissance, mon père n’a jamais eu d’amis, seulement des visiteurs. Ses visiteurs se présentent à la maison quelques fois par année. Ils ne restent jamais pour dîner, mais ils passent la plupart de leur temps derrière la porte fermée de la bibliothèque, avec mon père. Les visiteurs de mon père ne s’habillent pas comme les gens que vous voyez dans la rue, et parfois ils parlent d’une manière étrange, en utilisant le langage des livres de la bibliothèque.
Je ne sais pas ce que mon père fait dans sa bibliothèque, avec ses livres et ses étranges visiteurs, mais j’ai toujours su que c’était une chose importante et secrète. Il me l’expliquera un jour, mais pour l’instant il me protège. De cette façon, je ne pourrai pas être amené à révéler ses secrets par la ruse ou par la torture. Il a l’intention de tout m’expliquer lorsque j’aurai l’âge de raison, comme disent les livres, mais à présent c’est peut-être trop tard. Ses ennemis sont venus ici, et je dois découvrir ses secrets moi-même.
Les ennemis de mon père se sont dévoilés. Cela devrait me dire quelque chose. Les trois visiteurs portaient de longs manteaux noirs avec des ceintures et des emblèmes rouges sur les épaules. L’homme qui posait les questions avait une petite épinglette dorée sur son chapeau. Il doit s’agir d’uniformes, mais je ne reconnais pas les insignes ou les marques de grades. Les visiteurs peuvent être des inquisiteurs, ou des gendarmes, ou des carabiniers. Je n’arrive pas à me rappeler la sorte d’agents de police qu’il y a ici. Parfois j’oublie quelles choses se trouvent seulement dans les livres. Un jour, Père m’a amené au jardin zoologique, et nous avons vu un éléphant. J’étais étonné. Je croyais que les éléphants étaient inventés – je veux dire mythologiques. J’ai demandé à Père si les dragons existaient eux aussi. Il a seulement ri. Je crois que cela voulait dire « non ».
Je n’ai pas trouvé étrange que Père ne rentre pas à la maison hier soir. Père part souvent pour plusieurs jours. Je ne peux jamais prévoir son départ ou son retour. Il ne me dit jamais : « Mon fils, je serai absent pendant trois jours, mais je reviendrai dîner avec vous vendredi. Tu es le maître de la maison jusqu’à mon retour. Prends soin de ta mère. » Ce serait bien qu’il dise une telle chose, mais il ne dit jamais rien de ce genre.
Quand mon père prend son sac, je sais qu’il sera parti jusqu’au lendemain, ou plus longtemps. J’aimerais pouvoir me rappeler s’il a pris son sac hier soir. Il me semble l’avoir vu tenant son sac dans ses mains, mais ce n’est peut-être que mon imagination. Je ne suis pas absolument certain qu’il l’avait quand il est parti, mais je ne l’ai pas vu dans l’entrée ce matin. C’est un très grand sac de cuir noir avec des poignées et des boucles en argent pour le fermer. Quand j’étais beaucoup plus petit, je croyais que je pouvais entrer dans le sac et que mon père pouvait m’emmener avec lui dans ses traversées. Je ne crois plus à des choses aussi stupides. Tout ce que j’ai jamais vu entrer dans ce sac, ou en sortir, ce sont des livres.
Hier soir, longtemps après l’heure à laquelle je suis censé aller au lit, j’ai encore entendu le bruit de la petite cloche près de la porte. Je me suis glissé en haut de l’escalier pour voir qui c’était. Peut-être que quelqu’un venait donner des nouvelles de mon père. J’ai eu la surprise de voir le capitaine des inquisiteurs sur le seuil. Il était seul, il avait enlevé son chapeau et il passait ses doigts dans ses cheveux blonds clairsemés pendant qu’il parlait à ma mère. J’ai pris soin de mieux le regarder et d’écouter ses questions pour pouvoir faire un bon compte rendu à mon père. J’ai remarqué son grand nez et ses yeux gris, mais j’étais trop loin pour voir l’emblème sur sa casquette.
« Madame, a-t-il dit, j’ai promis de vous tenir au courant de l’avancement de notre enq

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