Le germe de l étrange
274 pages
Français

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Le germe de l'étrange , livre ebook

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274 pages
Français

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Description

En quelques nouvelles distrayantes, drôles parfois, troublantes le plus souvent, l'auteur aventure son lecteur sur les chemins que nous tracent des questions immémoriales. Celles du même et de l'autre, de l'un et du multiple, de la poursuite et de la rencontre... Une quête sans issue unique, puisque le germe de l'étrange échappe par nature à toute logique : le germe engendre du même ; l'étrange se développe dans l'arborescence de la diversité. A moins que l'étrange soit à lui-même son propre germe... Alors, quoi de plus approprié que la peinture pour approcher l'imprévisible ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 52
EAN13 9782296691346
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le germe de l’étrange
ou le plaisir de peindre

Histoires courtes
Du même auteur
(Extraits)


Ouvrages

Pioneers in policing , ouvrage collectif, Editions Patterson Smith, Monterrey, 1977.
Admonester , Editions du CNRS, Paris, 1982. Prix Gabriel Tarde – Ministère de la Justice.

Articles

La représentation picturale du crime de sang , revue de science criminelle et de droit pénal comparé, Editions Sirey, Paris, 1977.
Descartes et Le Brun , les études philosophiques, Presses Universitaires de France, Paris, 1980.
L’institution d’un prince , bulletin de la Diana, revue trimestrielle de la société d’histoire et d’archéologie du Forez, Montbrison, 2006.
Pierre Kropotkine , bulletin de la Diana, revue trimestrielle de la société d’histoire et d’archéologie du Forez, Montbrison, 2007.
Henri Souchon


Le germe de l’étrange
ou
le plaisir de peindre


Histoires courtes


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http:// www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10899-8
EAN : 9782296108998

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A Victor et Capucine,
qui me liront un jour
et à quelques autres qui ne me liront jamais.
Prélude
I l était une fois, il y a bien longtemps, des hommes en sandales, vêtus de toges plissées, déambulant dans un paysage d’oliviers et de terre rouge sous un ciel inaltérable peint d’azur. En fragments obscurs, en dialogues éblouissants, ils livraient à voix haute les fruits d’une pensée dont l’écho résonne encore en nous. Des questions hors d’âge : l’un et le multiple, le même et l’autre, l’expression et quelques autres nées au hasard d’une rencontre, dans la fièvre d’une poursuite.
C’est de cela que nous parlent ces histoires courtes. Certes pas dans le langage de l’Académie, mais en aperçus fugitifs, en clins d’œil parfois étranges, souvent déroutants. Ceux que nous adressent par dessus une épaule ironique des hommes souvent, quelques femmes aussi, engagés sur des chemins de traverse, dans le dédale d’apparences à déchiffrer. Chacune de ces histoires peut se lire comme un petit tableau naturaliste, une peinture dont les personnages s’évaderaient loin des cadres convenus sur des lignes de fuite imprévisibles. Alors le promeneur en son jardin devient une fleur ; des chats belliqueux s’entretiennent gravement ; un Fra Angelico médusé s’efface devant la plus inattendue des annonces ; tout ceci au terme d’un glissement subreptice qui du même familier fait un autre ou plusieurs démultipliés par un imaginaire d’une impitoyable rigueur.
Dira-t-on de ces histoires qu’elles doivent être lues comme des fables ou interprétées comme des paraboles. Lues peut-être, mais cela ressortit à la liberté du lecteur. Conclues sur une morale ou parcourues de bout en bout par une symbolique édifiante, certainement pas. On pourra choisir d’y voir des fictions réalistes par lesquelles la réalité commune en vient à se dédoubler par le jeu de menus décalages successifs, outils de la transfiguration. Ce sont les chemins multiples du devenir : le même s’exprime comme un autre, s’abandonne dans la rencontre, ruse dans la poursuite avec la solitude pour destin.
L’ange de Fra Angelico
L e calme est revenu dans la grande pièce désertée. L’orage, apaisé, s’éloigne. L’ange de Fra Angelico replie lentement ses ailes multicolores. Il n’a rien à annoncer à Marie qui s’en retourne, fière amazone, montée sur un âne déçu.


Germain était professeur de philosophie. Usant de toutes les ressources d’une voix joliment timbrée, il savait faire chavirer les regards des jeunes filles et s’émouvoir leurs petites culottes. Naturellement, les garçons le détestaient. Les voies du Seigneur, dit-on, seraient impénétrables. Celles de la philosophie engagent sur des chemins que Germain savait tracer avec art, invitant ici dans les allées majestueuses jadis ouvertes par Aristote, guidant là sur les sentes ténébreuses de Nietzsche. Tout cela avec naturel, simplicité même, pour gagner de jeunes esprits à ce que la pensée réserve parfois de surprises raisonnables. Très tôt éveillé à cette discipline, il s’en était écarté sans l’oublier tout à fait. Longtemps ingénieur, il avait contribué au développement d’une ingénieuse mécanique : un variateur de vitesse qui équipait désormais la plupart des machines-outils de sa génération. Un progrès technique dont il partageait le brevet de fabrication et les confortables bénéfices qui en résultaient. C’est alors qu’il avait choisi de renouer avec la philosophie, son étude puis son enseignement en qualité de modeste chargé de cours dans ce que l’on appelait naguère une classe de propédeutique. Un parcours qui étonnait, mais à tort, si l’on veut bien s’attarder sur quelques parentés inaperçues entre la mécanique et le concept, les vitesses et les lenteurs d’un raisonnement, l’architecture d’une machine et celle d’un système. Tel était Germain : un homme dont la quarantaine avouée alliait élégance et distinction d’esprit ; un éveilleur du jugement et de la sensibilité, au charme ravageur, qui excellait à faire d’un concept un objet d’une sensualité torride.
Ainsi de cette notion de découverte que certaines interprétaient hâtivement comme une mise à nu, un dévoilement de l’être – pourquoi pas le mien – alors que Germain pensait mise au jour et invention. Equivoque encore puisqu’inventer s’emploie aussi bien pour évoquer la résurrection d’un passé enfoui que pour signifier ce qui naît parfois du rapprochement inédit d’éléments a priori étrangers. Les fouilles fructueuses de l’archéologue ; la trouvaille du lauréat du concours Lépine jusqu’à celle, pleine d’avenir, du moteur à explosion. C’est alors qu’il se haussait avec une rigueur toute poétique jusqu’à des réconciliations plaisantes. La généalogie du concept par exemple qui, interrogée dans ses origines, évaluée dans ses évolutions sémantiques, ouvrait des perspectives fécondes. Curieuse notion que celle de généalogie qui, d’un vieillard cacochyme, accouchait d’un fringant jeune homme, aimable et entreprenant. Le talent de Germain était de laisser entrevoir sans conclure ; de donner l’outil et de le laisser jouer librement entre des mains inexpertes. Ingénieur encore et toujours même si sa mécanique à lui paraissait germer tel un épi de blé aux flancs d’antiques collines. Il ensemençait, arrosait les jeunes pousses en compensant les vertiges de la pâmoison par de patients rappels à la raison. Diaboliquement efficace. Equivoque, peut-être, mais pour celles-là seules qui, ignorantes des détours de la pédagogie, ne voulaient rien entendre que le chant de ce Pygmalion inventif comme un amant.
Que l’on ne se méprenne cependant pas. Germain avait le respect de ses élèves. Derrière le charme qu’il imprimait à ses cours, il y avait une rigueur incontestable. Doublée d’une logique que bien peu avaient su percevoir. Quoi de plus apparenté en effet que la rencontre amoureuse et celle qui conduit à l’invention ; si ce n’est bien sûr l’apparentement lui-même qui relève d’un processus créatif. Mais cela n’était pas dit ou alors de manière allusive. Ainsi notait-il – se souvenant de Guillaume d’Orange – si l’on dit que deux fois deux font quatre, deux et deux sont quatre, le produit et la somme. Ainsi, d’un homme et d’une femme que le hasard fait se croiser sont deux ; deux individus qui, ajoutés à d’autres, feront nombre. Que cet homme et que cette femme en viennent à se rencontrer, à se plaire, à s’aimer, ils feront deux par l’effet multiplicateur qu’ils se découvrent l’un et l’autre puis l’un par l’autre. L’invention, l’amour naissent d’une rencontre entre deux éléments que rien a priori ne prédisposait à se rapprocher. Peut-être même, précisait Germain, convient-il que ces éléments s’apparaissent mutuellement comme assez étrangers pour que la surprise leur révèle des affinités improbables. Alors, porté par l’enthousiasme

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