Le "né coiffé"
182 pages
Français

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Le "né coiffé" , livre ebook

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182 pages
Français

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Description

Je présente l'histoire de Jérôme, un enfant il est vrai au comportement atypique dont les commérages colportèrent qu'il était "né coiffé" (anormal), sans l'once d'une preuve tangible. Tout cela dans une île d'exception, comme il en existe partout ailleurs... Jérôme fut conçu, naquit et vécut son enfance sans jamais se plier aux choix imposés, fussent-ils sympathiques et enivrants. Tenter de comprendre pour marcher avec intelligence sur sa terre fut la course de fond de sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 242
EAN13 9782296934320
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le « né coiffé »
ou l’enfance d’un insoumis
Jacques Rousseau


Le « né coiffé »
ou l’enfance d’un insoumis
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanado.fr

ISBN : 978-2-296-11832-4
EAN : 9782296118324

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A mon oncle, le poète guadeloupéen Camille Rousseau, pour sa sagesse et la qualité de ses œuvres.
La société façonne ses hommes ses héros et ses monstres en leur laissant leur libre arbitre.


Dans nos croyances ancestrales, les naissances anormales s’inscrivaient dans les phénomènes surnaturels.
C’est en l’occurrence le cas des « nés coiffés », enfants qui viennent au monde avec un voile (le placenta) leur couvrant la tête. Une des multiples interprétations de l’époque en faisait des êtres mystérieux ayant : des dons occultes et un contact direct avec les morts.
Transmises par l’oralité, ces interprétations empiriques ont pratiquement disparu, ne laissant que quelques traces dans notre patrimoine culturel.
Concernant Jérôme, le héros de ce roman, ce qualificatif infondé provenait des commérages de ceux qui n’avaient pas d’autres explications à certains traits troublants de son caractère.
Depuis, il confirme n’avoir jamais vu ni entendu quoi que ce soit venant d’outre-tombe ou de l’insondable. Quant à son avenir, il le confia prudemment à son instinct et essaya de le construire dans la mesure de ses capacités au lieu de subir les influences diverses.
Mais « Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse », selon le proverbe. Jérôme n’eut de cesse de tirer profit de cette affabulation grotesque de « né coiffé », jusqu’à ce que les commérages en question s’estompent avec le temps.
Chapitre 1
« En tan lontan » (avant), Karukéra (ancienne Guadeloupe) étalait sa robe paradisiaque en bordure de la mer caraïbe.
Les éléments naturels rythmaient son évolution en balayant ses côtes, explosant son volcan, secouant sa terre. Pour un bon équilibre, ils ensoleillaient son ciel, adoucissaient son climat, faisaient couler l’eau limpide de ses rivières et nourrissaient ses habitants de sa luxuriance. Ceux-ci ne manquant de rien se servaient, cueillaient, plantaient, fuyaient ou mouraient sur place, en respectant cette terre de tous les dangers, de tous les bonheurs de vivre.
Quand arrivèrent les prémices de la modernité ?
Un jour de 1493, Christophe Colomb et ses trois navires cherchant les Indes trouvèrent l’arc antillais. C’est ainsi que, sans en avoir formulé le vœu, Karukéra prenait un aller simple pour un avenir guadeloupéen.

Certainement pour éviter que cette île papillon ne devienne le nombril du monde, dans un premier temps, l’ordonnateur divin lui envoya une série de colonisations sanglantes et l’esclavage en bonus. Le soin qu’il mit à la tâche martela son histoire avec des larmes, du sang et de la sueur.
Comme cela ne suffisait pas, il y remit plus tard une couche de tourments : assistanat, spécificités, coups de langues, « gadé d’zafès » (marabouts), politiciens, syndicats, et j’en passe, vinrent pimenter notre quotidien.

A partir des années 50, un puissant ouragan de conflits d’indépendance déferla sur le monde, en épargnant les Antilles françaises, d’une manière générale et la Guadeloupe, en particulier.
Ceci expliquant peut-être cela, ce même ordonnateur décida un jour que le fils d’Yvette et de Stanislas, Jérôme, naîtrait à Basse-Terre hors des grands bouleversements planétaires. Malgré l’influence de l’hérédité et de la société, c’est avec ses propres armes qu’il se fraya un chemin dans la jungle de la vie.


Son grand-père maternel, « Edwa » (Edouard), garde forestier, avait battu toutes les campagnes et forêts de la région de Basse-Terre. Déjà casé avec une bougresse, il eut Yvette, mère de Jérôme, en contrebande (hors foyer) avec une de ces belles négresses dont il faisait fondre les cœurs.
Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses et pff !!! Monsieur disparaissait comme un « nèg mawon » (nègre en fuite) en cas de grossesse.
Cet homme haut en couleurs fut une douce intrigue dans l’enfance de Jérôme. En plus d’être blagueur, il marchait en canard à cause de ses grosses graines (testicules).
A la question gênante des enfants sur ces énormes boules entre ses jambes, l’explication donnée était le poids d’un tronc trop lourd soulevé sans précaution.
Une autre explication, persistait dans les esprits malveillants fondée sur un mauvais sort que lui aurait jeté une tigresse revancharde de la section de Tarare à Vieux-habitants, pour l’avoir enjambée comme le lit d’une rivière en crue, en lui laissant au passage un petit chabin (métis) aux yeux gris comme les siens…
Il y a toujours chez nous une explication folklorique à tout ce qui interpelle ou dérange la normalité.
Son ardeur déclinant au fil des ans, Edwa mourut à 85 ans dans les années 70. « J’ai bien vécu, je peux mourir tranquille » dit-il, quelques heures avant de quitter cette terre qui lui donna tant de jolies négresses fessues à passer à la casserole et un nombre conséquent d’héritiers sans biens à se partager.
Yvette, naquit dans une des rues sinuant les hauteurs de la ville de Basse-Terre. Sa mère mourut très jeune et Edwa, incapable d’assumer son éducation, la confia à sa sœur Cicine.


C’est dans le cliquetis monotone de ses machines à coudre que Cicine, « fanm dèwô a béké » (maîtresse des békés), cousit son éducation aux valeurs de la femme debout.
Sortie blanche du jeu de dés génétique où le bricolage des races vous fait voir de toutes les couleurs, elle fut un cas d’école dans le tumulte du métissage.
Son racisme pur et dur sortait d’un ostracisme anti-noir très répandu chez les métis. Tous les moyens de se démarquer étaient bons pour « ces sauvés de la noirceur » ; en réaction à leur ambiguïté raciale, leur vision simpliste des choses n’avait que le rejet systématique du noir.
Elle en récolta une rancœur qui mina sa vie de l’intérieur.

Bien qu’elle fût métisse, Yvette, future mère de Jérôme, n’avait cure de ces considérations. Lorsqu’elle rencontra Stanislas, noir pur jus, elle ne rêvait qu’à l’homme avec lequel elle convolerait en justes noces.
Intransigeante, par contre, sur la morale, elle fustigeait les maris volages de ses copines. Sensible à leur souffrance, elle soutenait leur couple battant d’une aile affaiblie, tandis que de l’autre aile, monsieur faisait frétiller une « carapet sans têt’ » (voleuse d’hommes).
« Quand même ! disait-elle du mari de sa meilleure amie prise dans la tourmente, il aurait pu faire ses saletés discrètement, ça éviterait à sa femme de souffrir autant ».
Arrivée au bout du rouleau de la déprime, cette amie termina sa triste vie en grenouille de bénitier, après avoir uni son sort à notre seigneur Jésus ; sans aucun doute « le seul polygame disponible pour tous les cœurs esseulés, sans qu’il y ait à redire ».
Une parenthèse qui vaut le détour :
Parmi les femmes n’ayant glané aucun mari, on dénombrait quatre catégories :
Les pieuses, finissant dans le défilé des vieilles filles hantant les lieux saints. L’âge aidant, devenues acariâtres, elles expiaient je ne sais quel péché véniel ou mortel qui leur barrait le sentier du bonheur.
Les moins pieuses, acceptant de vivre en « case » (concubinage) s’évertuaient à « maré nonm-la en pié a couch-la » (retenir l’homme dans la maison) en attendant mieux.
Les impénitentes, perdues pour Dieu et la morale chrétienne mais ne perdant jamais espoir de sortir de leur statut de maîtresse. Souvent entretenues, elles usaient de tous les stratagèmes pour passer la bague au doigt à un amant.
Leur vie amoureuse corsée commençait généralement à la tombée de la nuit quand tous les chats sont gris et les salives moins acides sur leur réputation.
En suppléantes des épouses empê

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