Le pays des Moïse
198 pages
Français

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Le pays des Moïse , livre ebook

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198 pages
Français

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Description

Depuis quelques années, la République du Saboûna vit une guerre qui perdure. Les hostilités opposent des rebelles à l'armée nationale. Pourtant, ces protagonistes évitent d'avoir leur adversaire en ligne de mire pour ne s'en prendre finalement qu'à la population. Conséquemment, les populations, prises dans cet étau, sont obligées de fuir pour se lancer dans une longue errance. Les hommes politiques au pouvoir feignant d'ignorer cette réalité et profitant des accalmies du conflit,organisent des élections pour donner au monde l'illusion d'une démocratie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 61
EAN13 9782296807686
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Pays des Moïse
André Bouebassihou


Le Pays des Moïse

Roman
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54797-1
EAN : 9782296547971

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A mon épouse ;
A mes enfants ;
A mes petits-fils :
Emmanuelle Exaucée et Christel Joyce.
Chapitre 1
Dans notre pays, la République du Saboûna, la guerre s’était installée. Celle-ci perdurait. Comme toutes les guerres du monde, elle faisait des heureux et des malheureux. Tandis que les malheureux ressassaient leurs mésaventures, admiraient à longueur de journée les loques qu’ils étaient devenus, les heureux, eux, ne voulaient plus se départir d’elle. Les affaires prospéraient. Les chantiers « jaunatriens » poussaient comme des champignons. Ils pullulaient dans la ville capitale. Les ventres s’arrondissaient. C’était la guerre.
Cette guerre opposait, en principe, l’armée nationale aux rebelles. En réalité, le pouvoir en avait déjà assez de cette rébellion qui résistait. C’est ainsi qu’à chaque attaque de train ou de véhicule de commerce, à chaque pillage de village, à chaque braquage, le gouvernement mettait les militaires dans les rues qui, très vite, devenaient trop étroites. Cette étroitesse les poussait à entrer dans les maisons pour vérifier si les bandits ne se cachaient pas dans les armoires ou dans les coffres-forts miniaturisés. Généralement, le pouvoir disséminait tellement de militaires à travers la ville capitale que, régulièrement, ces inspections inopinées finissaient souvent mal. Elles favorisaient l’émergence des antagonismes que suscitaient des intérêts égoïstes. Devant cette évidence, les militaires de notre pays préféraient la campagne où ils évoluaient comme des poissons dans l’eau en s’octroyant des pouvoirs illimités et des libertés infinies. Là-bas, ils pouvaient terroriser les populations, violer les femmes, enlever les jeunes filles, exproprier les propriétaires des biens qui attisaient leur convoitise. Personne ne pouvait leur en vouloir. A la campagne, ils échappaient à tout regard indiscret. L’arme donnait la puissance. Le silence complice des autorités faisait d’eux des superpuissants. Ils le prouvaient en humiliant tous ceux qui se permettaient de les défier ou qui ne semblaient pas apprécier positivement leur présence.
De temps en temps, les autorités décrétaient en leur faveur des journées officielles de pillage qui venaient lever toute équivoque. Les populations terrorisées allaient alors se réfugier dans les forêts, abandonnant leurs biens. Elles croyaient y trouver une quiétude qui, désormais, leur manquait. Les rebelles ou les militaires investissaient, alors, ces hameaux volontairement abandonnés, le cœur léger, les mains propres, et les mettaient tranquillement à sac. Pour mieux aérer les maisons qui paraissaient trop basses, en attendant le retour des propriétaires, les militaires les décoiffaient et ramenaient dans la ville capitale, ces scalps d’une autre ère qu’ils venaient exposer en des lieux spéciaux où les connaisseurs affluaient. Ces pièces de musée avaient leurs fanatiques prêts à tous les sacrifices pour les acquérir. Très prisées, ces pièces subissaient la loi de l’offre et de la demande et la demande provoquait l’engouement.
Cependant, comme on le voit souvent dans les films westerns, il arrivait parfois que le partage du butin suscitât des incompréhensions. Les colts se mettaient alors à aboyer, obligeant le haut commandement à ramener des dépouilles mortelles dans la ville capitale, des dépouilles auxquelles on rendait des honneurs dus aux soldats tombés au champ d’honneur, victimes innocentes qui subissaient la cupidité des rebelles, des dépouilles qui poussaient l’État à la prodigalité. En effet, pour motiver de nouveau les ardeurs de nos braves soldats, le trésorier payeur général remplissait les malles de billets de banque qui prenaient des directions précises. La vue de ces malles surexcitait les soldats, particulièrement les plus jeunes. Le désir de célébrité les hantait alors. A force de prendre des drogues diverses, ils décuplaient leurs forces et leur courage pour mériter cette fortune qui, souvent, ne leur apportait pas le bonheur souhaité. L’invulnérabilité, que leur conféraient les fétiches qu’ils portaient religieusement comme des colts de cow-boys de la Rougeoisie, devenait chimère. Ils tombaient comme des mouches, abattus par des balles qui perforaient leurs corps par le dos et faisaient éclater, à la sortie, leurs poitrines. Ils s’en allaient ainsi, le regard figé par la surprise, abattus par un ennemi invisible qui annihilait lâchement leurs espoirs de gloire.
L’armée, atteinte dans sa dignité, réagissait de manière disproportionnée aux dégâts subis en utilisant de grands moyens : avions de chasse, hélicoptères de combat, déploiement massif des troupes. Elle mettait en branle tous les moyens dont elle disposait pour se garantir la victoire. Les résultats étaient immédiats : les bandits étaient encerclés ; on ne vendait pas chère leur peau. Pourtant ceux-ci résistaient. Bien des mois après, ils n’étaient pas encore anéantis. Ils tenaient toujours tête à notre vaillante armée. Ils se permettaient même certaines incursions dans la ville capitale où ils causaient des dégâts à la barbe de nos vaillants militaires. Après ces infiltrations, ils repartaient, tranquilles, fluides, échappant aux mailles du filet posé par notre vaillante armée. Le gouvernement les qualifiait de bandits. Peut-être n’avait-il pas tort. Sinon comment expliquer la drôle de guerre que ces rebelles menaient, une guerre sans but précis. Ces bandits s’attribuaient d’ailleurs des noms bizarres qui n’honoraient pas notre pays. Ils avaient sûrement trop regardé les télévisions étrangères. Aussi voulaient-ils se comporter comme au cinéma.
Malheureusement, l’armée, en s’en prenant à ces bandits, ne faisait pas de distinction entre eux et les paysans. Ils les confondaient même. Ce manque de tact avait poussé quelques jeunes à la révolte ; ils s’étaient organisés dans les forêts et avaient décidé de résister et de répondre aux frustrations et aux vexations. D’ailleurs ce désir de résistance se répandit rapidement et attira plusieurs jeunes. Ainsi, peu de temps après, un nom commença à émerger, à s’imposer sur toutes les lèvres : Dé.
Dé devint le chef, le messie. Aucune balle ne pouvait l’atteindre parce qu’il était l’envoyé de Dieu. Des légendes se mirent à circuler à son sujet. Il avait une mission à accomplir : libérer son peuple opprimé. Ainsi, à la chefferie militaire s’adjoignit une suprématie spirituelle. On craignait Dé. On se soumettait à sa domination. Les jeunes, par centaines, se rallièrent à sa cause. Très rapidement, il devint un mythe. Il en profita pour instaurer une autocratie. S’inspirant des informations recueillies à travers les radios qui, à longueur de journée, vantaient les faits et gestes des rebelles à travers le monde, il s’offrit quelques harems où il parquait les plus belles femmes, libres, mariées ou divorcées. Qu’importe !
Seulement, chez nous, la femme ne se prête pas. En conséquence, les pères et les maris frustrés passèrent à l’opposition. Certains jeunes, solidaires de leurs pères ou de leurs beaux-frères cocus ou voyant leurs amours s’envoler, rejoignirent le groupe des opposants. Cependant, ils oubliaient que Dé avait un sang de requin. Ce sang ne fit qu’un seul tour. Tous les révoltés qui se firent prendre furent abattus comme des chiens. Alors, l’exode commença. Par petits groupes, les gens se mirent à déserter la forêt en déjouant la vigilance des agents de renseignements mis en place. Ceux-ci se singularisaient par leur cruauté ; ils coupaient le pied droit ou gauche, la main gauche ou droite des fuyards selon l’humeur du moment. Pour leur ôter toute envie de recommencer, ils les frappaient en sus avec des machettes chauffées préalablement au feu. Ils appelaient cette sanction la gifle de saint Michel fâché.
Toutes ces vexations poussèrent la population à la révolte. Toutefois, les sanctions infligées inoculaient en même temps une certaine crainte qui refroidissait les ardeurs des candidats à la fuite. Pourtant

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