Le petit chemin de Saint-Cloud ou L année d agreg
184 pages
Français

Le petit chemin de Saint-Cloud ou L'année d'agreg , livre ebook

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184 pages
Français

Description

Albin Rocher est un jeune normalien qui prépare l'agrégation de philosophie à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud. Ce récit est la chronique de cette année capitale. Le héros vit une histoire d'amour tourmentée mais il découvre les joies simples de l'amitié. Le décès de sa mère provoque en lui un bouleversement spirituel majeur.

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Informations

Publié par
Date de parution 02 octobre 2014
Nombre de lectures 12
EAN13 9782336357300
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JeanLouis Benoit
Le petit cheminde SaintCloud ouL’année d’agreg
/ Romans
Rue des Écoles
Roman
Le petit chemin de Saint-Cloud ouL’année d’agreg
Rue des Écoles Le secteur « Rue des Écoles » est dédié à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Il accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques. Déjà parus Sanchez (Patricia),Le Kaléidoscope d’Orphée, 2014. Hirigoyen (Galatée Dominique),Entre deux longs silences, 2014. Lévy (Jean),Ce qu’il reste de l’oubli, 2014. Basquiast (Paul),Les Cerisiers de la Commune, 2014. Coste (Jean-Guillaume),Pourquoi on jette les oranges à la mer comme ça ?, 2014. Leonetti (Xavier) et Lejeune (Gontran),Réformer la France et l’économie territoriale, 2014. Lemeyre (Cécile),Les mots de ma psy, 2014. Gordon (Gino),Ça fait deux jours, 2014. Beaumont (François Jean),La Consigne, 2014. Faribault (Thierry),Le Bal des muets, 2014. Blanchet (Marie-Pierre),Intrépide Marie Chaussette, 2014. Texier (Nadine),Je suis myopathe… mais je me soigne !, 2014. Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Jean-Louis BENOIT Le petit chemin de Saint-Cloud ou L’année d’agreg * * * Roman
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Pariswww harmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-04299-2 EAN : 9782343042992
À ma mère
I
l posa sur ses genoux le livre de J.L. Borges qu’il venait I d’achever :Fictions. Ce livre, Michel avait beaucoup insisté pour qu’il le lût. Il avait fini par y consentir, comme à regret, pour s’acquitter d’un devoir d’amitié. Michel avait raison : cet écrivain argentin était bien génial au vrai sens du mot, c’est-à-dire qu’il remuait au fond de l’âme le mystère le plus profond. C’est ainsi qu’il analysait, en des termes très approximatifs et, somme toute, bien naïfs, l’émotion particulière que lui avait procurée cette lecture. Pour l’instant, il ne cherchait pas à réfléchir davantage sur cette espèce de révélation littéraire et se contentait d’observer son émotion. Il s’étonnait, en souriant presque, de l’expression un peu désuète qui lui venait à l’esprit : « mystère au fond de l’âme ». En tout cas, il éprouvait de tout son être, le sentiment d’une vérité toute proche et si obscurcie dans la vie ordinaire. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de ressentir aussi, comme une trace amère après le délice, un malaise impondérable, peut-être l’insatisfaction de s’être approché si près d’une lumière qui lui était interdite. Cet écrivain, tout véritable écrivain, ne lui montrait pas le fruit d’une découverte, le trésor palpable de son expérience artistique. Il se contentait de le guider plus ou moins doucement, parfois brutalement, vers la demeure enchantée d’où filtrait la lumière, mais le laissait abandonné devant une porte fermée.
7
Était-ce bien là qu’il fallait aller ? Comment entrer maintenant ? D’ailleurs, ce bonheur d’une recherche presque aboutie, n’était-il pas trompeur lui aussi ? Après s’être heurté à la porte tristement close, le voyageur égaré allait devoir s’éloigner et se perdre dans ce paysage inconsolé…
Voilà… C’était plus à des rêveries qu’à une authentique réflexion sur l’œuvre lue qu’il se livrait maintenant. Cette réflexion, il en était sans doute incapable, et le moment ne s’y prêtait guère. En relevant les yeux, il aperçut, par la fenêtre du train, des taillis, des futaies puis l’épaisse forêt, traversée çà et là par des allées ou d’immenses chemins forestiers. Il comprit qu’il arrivait à la forêt de Fontainebleau et se réjouit de constater que le voyage touchait à sa fin. Il resta longtemps attentif à ce paysage, si souvent regardé mais dont il ne se lassait pas. Il aperçut même, cette fois, une maison charmante, cachée dans le bois. Des gens vivaient-ils là, apparemment si loin de tout ?
Une voix sonore interrompit ces observations. Une voix curieuse, où se mêlaient plaisamment l’accent de Provence et celui d’Orient, celle du voyageur qui était installé face à lui, depuis Marseille.
- Alors jeune homme ! Cette fois, je crois bien qu’on arrive ! Tu peux m’aider à descendre ma valise ?
Il s’exécuta aussitôt et prit la valise du vieil homme, la déposa à ses pieds, ravi de lui rendre ce service et lui proposa même de la porter sur le quai de la gare quand ils seraient arrivés.
- Non, c’est pas la peine ! Je prendrai un chariot que le quai. Et puis c’est surtout les bras en l’air que je ne dois pas faire d’effort. Le docteur l’a dit. Pour le cœur, il n’y a rien de pire. Je ne peux même pas repeindre le garage de ma maison, mais sur le quai, porter une valise, ça oui, je peux. C’est pas dur. Et mon fils sera sur le quai, t’inquiète pas !
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Ils avaient vraiment sympathisé tous les deux, durant les quelques heures de voyage, lui, le jeune étudiant timide et le vieil Arménien bavard et jovial. C’est peut-être d’ailleurs ce qui l’avait mis, d’emblée, le plus à l’aise, dans cette relation. Avoir affaire à une personne si expansive, si communicative, qui se préoccupait si peu de la gêne de son interlocuteur, quelle aubaine pour un jeune homme réservé ! Il lui avait raconté sa vie sans préambule ni réticence, ravi de trouver un « jeune », comme il disait, qui l’écoutait si volontiers. Il s’était vite enhardi, ne se contentant plus de répondre aux questions qui lui étaient posées, mais ajoutant toute sorte de détails qui prolongeaient et agrémentaient indéfiniment son récit, son bavardage plutôt, car on sautait vite du coq à l’âne, passant d’une anecdote insignifiante à une opinion politique ou à un jugement péremptoire sur la vie, la société, la jeunesse, et le reste… Son témoignage, en tout cas, était poignant, et, à vrai dire, assez rare. Voilà un homme qui était né en 1902. Il avait vécu les massacres en Arménie, il avait perdu dans des conditions atroces une partie de sa famille, il avait fui avec des rescapés : ses parents et son frère aîné, il avait fini par arriver à treize ans dans une ville étrangère, Marseille, dans un pays où personne ne l’attendait et dont il ne comprenait pas la langue. Tout cela, il l’avait raconté longuement, en désordre, le plus souvent de façon palpitante, avec une émotion et une précision dans le souvenir que les années n’avaient pas altérées. À l’objection, volontairement provocatrice, que lui avait faite le jeune homme : - Pourtant, les Turcs affirment qu’ils n’ont pas massacré les Arméniens, que c’est une pure invention… Il avait répondu, sans le laisser terminer, avec une belle colère : - Regardez, là, sur mes bras, vous les voyez les cicatrices ? Vous savez qui m’a coupé les bras comme ça ? C’est pas les Turcs qui m’ont fait ça peut être ? Je m’en souviens comme si
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