Le saut de l ange
136 pages
Français

Le saut de l'ange , livre ebook

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136 pages
Français

Description

Dans un village reculé de France, un jeune homme disparaît en quelques secondes sans qu'il soit possible de retrouver sa trace. Sa mère en mourra vingt ans plus tard sans avoir résolu l'énigme. Mais un jour, un jeune couple s'installe dans la maison désertée... L'histoire vraie de Madeleine et de Gabriel est une aventure humaine hors du commun.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 17
EAN13 9782336321899
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JeanPaul Fosset
Le saut de l’ange Roman
Le saut de l’ange
Roman
Jean-Paul Fosset
Le saut de l’ange
Roman
Un jour, un enfant disparaît...
Du même auteur Chemins d’errance, Flammarion J’ai lu, 1991 Saba, Flammarion J’ai lu, 1992 Le Traducteur perd le nord, Le Riffle, 2008 Le Rendez-vous de Taghit, Petit Pavé, 2009 Le Maître de Chaource,Ravet Anceau, 2010 Histoire d’amour. Histoire de guerres ordinaires. 1939-1945… Evian 1962,L’Harmattan, 2011 Opération champagne,Ravet-Anceau, 2011
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01138-7 EAN : 9782343011387
À ma mère après tant d’années…
Gabriel : Jadis, on m’appelait Gabriel… Depuis cette époque, les années ont passé sans que j’aie pu avoir prise sur elles et j’ai fini par oublier la maison jaune de l’enfance, perchée à l’écart du village, à mi-flanc d’une colline douce et ombragée. Me reviennent seulement à la mémoire les coassements des grenouilles de la mare voisine qui semblaient scander le temps et les cloches de l’église qui leur répondaient en écho. Et même pas de chien ! A peine un vieux chat errant que ma mère chassait prestement d’un revers de balai ! Pas de père, non plus ! Ni d’époux. Ni d’amant. Avec le temps, le visage de ma mère lui-même a fini par s’estomper. Nous nous étions pourtant beaucoup aimés, d’un amour si violent qu’il en était devenu intolérable au fil des ans ! Raconter cet amour aux autres m’était jusqu’alors impossible mais depuis quelques mois une porte s’est ouverte, interstice fragile dans lequel je m’engouffre aujourd’hui. Ma mère vit toujours là-bas. Je la devine obstinément penchée sur son ordinateur à scruter désespérément l’immensité du monde. Je suppute qu’elle préfère IGNGo portail à Google Earth et qu’elle s’y use les yeux jusqu’à des heures avancées de la nuit. A ma recherche, moi son fils unique qu’elle imagine à des milliers de kilomètres d’elle… De temps à autre, une silhouette hésitante surgit au détour du chemin : le maire du village ou un des rares habitants de la commune (le facteur peut-être !) qui se souviennent encore de son existence. Auquel elle n’ouvre jamais. Sur sa porte, elle a placardé un écriteau « Interdit à tout uniforme ». Je souris.
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J’ai beaucoup aimé ma mère ! Ses cheveux bruns et ses bras blancs, son corps puissant aussi qui semblait palpiter sous la douche commune lorsque enfant je m’accrochais à ses cuisses pour fuir le jet brûlant. Ses bras enfin qui m’enserraient « Mon loup ! ». Je me faisais tout petit alors, entièrement lové dans cet amour de chair et de paroles « Nous ferons de grandes choses toi et moi ». Comme une promesse inscrite et définitive. J’ai vécu vingt ans avec elle, près des murs épais de la bâtisse et de la treille qui faisait sur la terrasse un refuge à l’ombre. Plus bas, c’était le village: cinq cent quarante habitants, vieillissants pour la plupart, prématurément usés par les travaux des champs. De temps à autre, le ronflement d’un moteur et le beuglement des vaches... En période scolaire, les rues s’animaient des cris joyeux des enfants de la classe unique sur laquelle ma mère régnait d’une main de fer. Car elle était institutrice, toute entière lovée dans ce beau mot qu’elle répétait à loisir, très fière du sens qu’elle y trouvait et qui guidait sa vie. Assurée aussi d’une vocation première qu’elle avait très vite transformée en mission. Rassurée enfin par le respect des gens autant que par leur ignorance. Nous vivions donc ainsi. Elle, animée mais toujours distante, passionnée par son travail, acharnée à la préparation de ses cours et s’y consacrant sans retenue, comme un sacerdoce. Et moi à ses côtés... J’ignore tout de ma conception car ma mère a toujours refusé de m’en parler. Je peux juste m’efforcer d’imaginer l’homme qui s’est glissé en elle comme par effraction. Au jus de vie qui a coulé de lui. Une seule fois, sans doute ! Le sang de l’hymen et l’amertume naissante. Je n’en saurai pas plus. Elle n’en dira rien. N’en parlera jamais à quiconque. Vivra bravement avec ce souvenir-là, comme jadis les
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filles « surprises » au bord du chemin, qui rabattent hâtivement leurs jupes. Et oublient. S’y efforcent. Guettent l’arrivée des prochaines règles en se rongeant les ongles... De là où je suis, je me perds en conjonctures sur le nom de cet hypothétique père : un habitant du village sans doute ou un passant, c'est-à-dire « un homme qui passe ». Et puis s’en va. Un ouvrier italien ou bien portugais, un saisonnier en goguette, un représentant peut-être ? Je n’en saurai donc jamais rien et vous non plus. Il nous faudra vivre avec cette frustration, vous surtout car, en ce qui me concerne, je n’ai appris que tardivement que les enfants naissaient de l’union d’un homme et d’une femme. Depuis, je me surprends souvent à imaginer ma naissance comme si je voulais la revivre au présent Je suis extraordinairement beau, brun avec de grands yeux verts « comme des soucoupes ou bien des loupes, pour mieux voir le monde » disait ma mère, et une peau fine, presque translucide, sous laquelle le chemin des veines semble dessiner une carte féconde.  Mon bébé à moi, dit ma mère dans mes rêves, en coupant le cordon d’un coup de ciseau avant de retomber sur le lit. Première nuit. Dans l’hiver de ce soir-là. Dans le sang et l’urine. Premières étreintes odorantes avant l’aube froide. Et puis mon cri primal, enfin ! Mes doigts menus qui s’agitent et elle ravie qui s’affole soudain devant cette vie impétueuse qui l’implore et la palpe. Qui tend son sein comme elle a donné le jour. D’un coup, au hasard ou par instinct. Puis qui sent le lait couler d’elle et le corps de l’enfant mollir soudain, se détendre, ronronner d’un plaisir insensé qui soudain la bouleverse et la remue, elle la mère si ignorante. Quelques minutes d’un bonheur intense, jamais soupçonné, que nous nous efforcerons de reproduire ensemble jusqu’à mes quatre ans sans qu’il
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