Le Soir venu
226 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

C'est un verre de lait offert par Pierre Mendès France qui lui a révélé le monde, son monde, à l'âge de 11 ans. Habité par le destin de son héros, il deviendra, à son tour, un PMF, un Peut Mieux Faire. René Pouget est un petit être ordinaire, un perdant ni magnifique ni pitoyable, simplement obstiné et régulier. Sa vie ne sera pas ratée, mais presque. Sorte de battant toujours battu, au moment de voter, de s'engager, de décider, et même d'aimer, sexe et cœur fragilisés, il traverse les époques au fil de choix incertains, jusqu'à la révélation d'une fille, Louise, qui pourrait être la sienne.


Pour elle, il deviendra un père fou d'amour, en dépit de son absence de certitude. Il ne saura jamais si elle est ou non le fruit de sa dévorante et dramatique aventure avec Anna, un soir d'été.


Un jour, Louise lui confie son intérêt pour Francis Scott Fitzgerald, en particulier pour une nouvelle, et sa dernière phrase : " Le soir venu, ils s'asseyaient l'un près de l'autre, ils cherchaient à se souvenir de ce qu'ils regrettaient. "






Un roman servi par un style fluide, tout en mélancolie vagabonde parcouru d'une tendre ironie.





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 novembre 2012
Nombre de lectures 36
EAN13 9782749128498
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Christian Montaignac
LE SOIR VENU
Roman
Couverture   : Charlotte Oberlin. Photo de couverture   : © Christie Goodwin/ARCANGEL IMAGES. © le cherche midi, 2012 23, rue du Cherche-Midi 75006 Paris Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site   : www.cherche-midi.com
«   Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales.   »
ISBN numérique : 978-2-7491-2849-8
du même auteur
De la belle aube au triste soir , JC Lattès, 1990.
Un parfum de lilas mouillé , Le   Rocher, 1996.
Chair de blues , Calmann-Lévy, 1999.
Le   Sourire des protège-dents , Le   Castor astral, 1999.
J’entends la neige brûler , JC Lattès, 2002.
Étoiles fuyantes, la noblesse des maudits du sport , JC Lattès, 2004.
Retour en Ovalie , JC Lattès, 2007.
Cœurs de losers , Calmann-Lévy, 2008.
Petit traité de la connerie des sportifs et autres concernés , éditions Prolongations, 2009.
Le   Corps blanc d’une amoureuse , éditions Romain Pages, 2011.
À   Jean Lacouture pour m’avoir fait aimer Pierre Mendès France À   Éric Yung pour sa confiance
 
 
 
 
 
 
Le   soir venu, ils s’asseyaient l’un près de l’autre.
Ils   cherchaient à se souvenir de ce qu’ils regrettaient.
Francis Scott Fitzgerald,
«   Bien-aimés tant aimés   »
(été 1940, sa dernière nouvelle)
1

J e   suis né onze ans après. C’était en 1954, la veille d’un jeudi. Trois jours avant, on avait fêté le 11   Novembre, et deux   semaines plus tôt la fin des vendanges. Je   me souviendrai toujours de ce jour où, derrière mes yeux noirs immobiles, j’étais fasciné par la couleur du lait.
C’est monsieur Dalichou, l’instituteur, qui me l’avait donné. J’étais son protégé depuis que mademoiselle Montahut, une amie de ma mère, lui avait confié   : «   Je   l’ai vu naître.   » Cela lui accordait le droit de me regarder avec une redoutable affection. Elle m’avait accueilli à la maternelle, pris par l’épaule au moment où je faisais mes premiers ronds, mes premiers bâtons. Et   se permettait de m’appeler «   mon maigroulet   ».
J’avais tout du garçonnet doux et attentionné, un peu fragile, un peu la tête dans les nuages, un peu solitaire, beaucoup taiseux. Je   mourais d’envie de dire à mademoiselle Montahut qu’elle resterait vieille fille, était grosse de partout et que son grain de beauté sur la joue droite était une verrue. Comme je rêvais d’enfoncer mes doigts dans le cou de l’affreux Pons qui n’avait pas de prénom, de l’abattre sur le sol et de bourrer de coups de poing sa face de lune. Mais je me retenais.
Tout le monde ignorait à Coussan que, sous ma peau de chien apeuré, se cachait une nature de chat.
Coussan, un peu plus de 900   habitants, à vingt kilomètres de la grande ville, Montpellier, et de la mer, est un îlot ocre et blanc qui émerge des vignes emprisonnées dans les mailles des murets. Coussan, ses rues étroites, son église romane, sa fontaine de la Vierge, son monument aux morts avec un coq par-dessus, ses dix platanes, son cimetière adossé à la garrigue, sa coopérative de briques brunes, son handicapé, son maire à casquette de batelier, son épicier chauve, son boucher, ses deux   boulangers, son bar-tabac, ses fouilles de tous les âges, son école. Celle-ci, au cours de l’automne 1954, un mercredi, devint une laiterie.
C’est le jour où le maigroulet, sans rien demander, obtint un supplément de lait.
J’étais au deuxième rang, mon préféré, et je vis la pomme d’Adam de notre maître trembloter. Il   était aussi gentil que son nom. Seule sa craie souffrait de ses colères contre le tableau. Cette fois, il paraissait ému. Mélanie se tenait en retrait avec, à ses pieds, deux   cageots remplis de bouteilles. Elle habitait l’école, l’ouvrait, la fermait, la nettoyait.
Monsieur Dalichou expliqua qu’un homme à la tête de la France souhaitait faire boire un verre de lait à chaque écolier de France – dans son long exposé, il avait prononcé plusieurs fois le mot «   France   ».
Il   avait l’habitude de tendre des livres et des copies, pas des verres. Pour la première fois, nous allions boire en classe. On   commença par pouffer derrière nos doigts, à ricaner, toujours les mêmes. Mélanie, sourire ému, assura la distribution et le remplissage. Et   chacun put, d’un trait blanc, se dessiner une moustache. Certains firent des bulles. On   eût dit, pour beaucoup, que c’était de l’huile de foie de morue. La   plupart maudirent leur verre. Je   crois bien, encore une nouveauté, que je fus le premier à le vider.
J’avais déjà, dans ma scolarité, un an de retard. J’en paraissais trois   de moins que les autres, cela aggravait mon cas mais me faisait profiter d’un régime de faveur. Aussi, nul ne s’étonna quand, à la sortie, monsieur Dalichou proposa au fayot de prendre une bouteille. Ces premières gorgées m’avaient plu, ça ne se refusait pas. Je   ne savais pas que j’avais été sevré depuis longtemps, ni même ce que cela voulait dire. J’aimais le lait, ce bon gros lait en particulier, et je l’avais avalé comme un vieux nourrisson affamé. C’est mademoiselle Montahut qui serait contente. Hélas   ! occupée dans son bureau, elle ne m’avait pas vu quitter l’école avec ma bouteille que je tenais comme un trophée. Sur le chemin de Tastavin, pour une fois, je ne sentais plus le cartable dans le dos. J’hésiterais pendant une centaine de mètres puis j’arracherais la capsule de la mirifique bouteille et, goulot bien embouché, me remplirais le gosier comme avec de l’eau de source en plein été.
Tastavin, c’était le nom donné à notre mas par les Pouget au   siècle dernier. Un   nom qui pouvait paraître prétentieux pour la dizaine d’hectares plantés mais auquel mes parents tenaient, surtout mon père qui évoquait la révolte des vignerons en 1907   comme s’il venait de descendre de la plus haute des barricades. Ce   n’était jamais long, on savait vite de quel côté «   Les   salauds   » (du gouvernement) étaient. À   cette époque, je ne comprenais pas grand-chose aux problèmes du vin. Je   n’en connaissais pas   le goût, juste deux   gouttes dans un grand verre d’eau, mais je voyais, j’entendais, qu’il fallait beaucoup d’efforts, tailler, labourer, prier le ciel, pour le faire venir. La   vigne restait pour moi, fils unique et choyé, un champ de rêves en poussière, un territoire que je partageais entre deux   grangettes, un vieux mur surplombé par une croix de pierre, un cyprès, une treille, deux   cerisiers, trois   amandiers et un jujubier bourdonnant.
Il   m’arrivait de m’écarter du chemin qui menait à Tastavin pour rejoindre un ruisseau le plus souvent sans eau, escalader un promontoire rocailleux, saluer les oiseaux toujours contents, courir après les lézards peureux et m’asseoir à côté du cyprès. Mais, en cette veille de jeudi, j’allais droit au milieu des vignes rousses, j’étais pressé, le ciel était d’un gris tourterelle, je volais. Miracle, j’avais soif et j’avais faim. C’était quatre   heures et demie, je ne vérifierais pas l’état de santé de l’olivier, l’arbre de vie planté par mon père pour ma naissance. Il   était en rivalité avec l’immortalité du figuier qui s’étendait entre l’écurie et la cuisine. L’un et l’autre étaient mes compagnons de la belle saison, je m’asseyais au pied de l’olivier, je grimpais au sommet du figuier. Tous deux, de lumière et d’ombre, protégeaient mes pensées.
J’avais toute la maison pour moi, René Pouget de l’école Ferdinand-Buisson.
JR

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