Le triomphe des sans voix
122 pages
Français

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Le triomphe des sans voix , livre ebook

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Description

Le triomphe des sans voix tire sa substance de la crise ivoirienne. L'oeuvre retrace trait pour trait d'une manière singulière quelques points chauds du conflit : spécialement la sortie du Grand Nord de certaines populations et l'opposition au sud de nombreux jeunes aux puissances occultes. L'auteur allie dans sa narration d'une manière savante fiction et réalité pour dénoncer les tares d'une société fortement fragilisée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 50
EAN13 9782296704763
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE TRIOMPHE DES SANS VOIX
 
 
 
© L'Harmattan, 2010
5-7, rue de l'Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattanl@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-12564-3
EAN : 9782296125643
 
Narcisse Tiburce ATSAIN
 
 
L E TRIOMPHE DES SANS VOIX
 
Roman
 
 
L'Harmattan
 
A
 
Tous les patriotes tombés au champ d'honneur ;
 
A tous ceux qui ont résisté
 
Et qui continuent de résister
 
à toutes les tentatives de
 
déstabilisation de l'Eburnie.
 
Soudain un tonnerre d'applaudissements et de cris souleva mon attention alors que j'étais à bord d'un bus qui avait pénétré le cœur du plateau. Je venais d'y prendre place à peu près une vingtaine de minutes à la grande gare et devais me rendre à Port-Bouét pour rencontrer un ami du nom de Constant. Le calme et la tristesse qui s'étaient emparés de moi, à l'idée de le voir, avaient cédé maintenant l'élan à une turbulence interne dont la manifestation ne pouvait plus résister au temps, bien que je me sois efforcé d'exercer toutes les techniques de self-contrôle apprises lors de mes séances de prières profondes. Comment puis-je faiblir ainsi alors qu'en maintes occasions j'avais réussi à mettre fin à d'autres effrois plus grands par ces exercices venus des maîtres de l'orient et dont l'efficacité se passe de commentaire ? Pensai-je. Je décidai alors d'affronter ce brouhaha, ne serait-ce que, pour avoir le cœur net en accédant aux informations liées à ce tumulte. Je me rappelai ainsi les multiples fois que mon père avait bravé certaines situations alors que tout petit, j'étais resté avec lui et ma mère dans notre campement situé aux confins de la forêt du Sonan.
Seuls, nous subissions constamment les diableries des Angbé, ces êtres nains et à la chevelure longue. Bizarres et dotés de puissances maléfiques, ils excellaient dans l'art de porter à vous la frayeur à son comble et alors votre cœur battait incessamment jusqu'à ce que la grâce du sommeil vous emportât. Les Angbé venaient chaque soir tout autour de notre paillote et lançaient des cris terrifiants, traînaient les ustensiles de cuisine rangés sous un hangar ; quelquefois traçaient des signes graphiques dont ils avaient seuls le secret dans la marmite après s'être repus de la sauce que ma mère y avait conservée pour le lendemain. Un jour, agacé par leurs agissements et le malaise qu'ils nous causaient, mon père choisit d'aller au charbon ; il sortit son fusil, ouvrit la porte et tira en l'air deux coups ; une vive lumière traversa l'écorce de la nuit accompagnée d'un son assourdissant ; puis vint un moment de calme plat. Les Angbé avaient pris la fuite et l'on entendait faiblement leurs jacasseries. Depuis lors, ils s'étaient éloignés de notre campement et leurs fréquentes apparitions s'étaient raréfiées. Ce jour-là, mon père m'avait signifié qu'à la menace de la peur, il fallait opposer la force du courage. Donc en lieu et place des techniques de concentration, j'avais opté pour la solution de mon père.
Je descendis du bus à l'arrêt le plus proche ; j'accédai à une première rue qui n'était traversée par aucun véhicule mais qui pullulait d'un beau monde dont la pensée, les paroles, se référaient à l'argent. Sur de petites tables disposées le long de cette voie, les habitués du PMU (paris mutuel urbain) venaient les uns pour prendre des cours avec de bavards "professeurs" habitués à livrer les secrets des pronostics sans toutefois participer au jeu proprement dit. Les autres, pour valider les bulletins après avoir fait toutes les combinaisons utiles qui pourraient leur ouvrir les "écluses des cieux" et gagner la cagnotte ou bien une quelconque somme toute aussi consistante augurant leur admission dans le cercle des nouveaux riches. C'est cela l'argent en vitesse. On pourrait saluer cette initiative qui consiste à enrichir les gens sans qu'ils ne fournissent d'effort particulier. Cependant, de nombreux témoignages en notre possession montrent combien de fois ce jeu gangrène la société tout entière. Ce matin, n'est-ce pas que nous avions attendu le bus pendant plus d'une heure parce que les agents en service s'étaient en majorité investis à cette entreprise au détriment de leurs devoirs ? Il est aussi fréquent de voir bien des chefs de famille utiliser le peu d'argent en leur possession pour cet exercice et priver les enfants et leurs mères de la pitance journalière.
Je franchis une deuxième rue après la traversée d'un très joli jardin public, où l'après-midi quelques travailleurs venaient se reposer, ou écouter les prophètes des temps nouveaux qui croyaient dur comme fer arracher quelques-uns de cette multitude d'incroyants de la grande route pour l'enfer qu'ils s'étaient eux-mêmes tracée, à force d'ignorer le message d'amour et de pardon du Seigneur Jésus Christ. A côté de ces bons samaritains de la parole divine, s'égosillaient à vous rompre les tympans des naturothérapeutes qui proposaient des médicaments dont la particularité est de guérir toutes les maladies. La présente rue était régentée par des feux tricolores. Ainsi à chaque feu rouge, des jeunes, des vieux, des travailleurs et des désœuvrés, se faufilent entre les voitures pour rejoindre un endroit forclos d'où d'un temps à l'autre des applaudissements et des cris envahissaient le ciel du plateau. Le mouvement se faisait aussi dans le sens inverse pour ceux qui étaient en transit et qui semblaient s'affairer autour d'autres sujets. Ainsi donc j'accédai à cet endroit grouillant de monde ; j'étais surpris par ce microcosme. On pouvait distinguer des vendeurs par-ci, par-là. Tous les abords de la muraille renfermant cette population hétéroclite étaient occupés. A chaque pas, on vous interpellait pour vous proposer des articles : des journaux, des habits, des beignets, des jus de fruits. Quelques Chinois se distinguaient par leur présence ; deux d'entre eux vendaient des médicaments venus de la grande Chine sur des tablettes, un autre situé un peu plus loin d'eux, proposait des nems ; une spécialité des mets chinois. Une autre originalité de ce lieu ; c'est l'ensemble des restaurants qui vous accueillaient. Des vendeuses de tchèpe rivalisaient d'ardeur avec des vendeuses de garba, de foutou, de foufou ; autant dire une restauration tous azimuts. Chacun y trouvait pour son compte sauf ceux qui venaient en retard. Au milieu de tout ce décor, se dresse fièrement dans le ciel, un immense et imposant immeuble d'une soixantaine d'appartements, abandonné provisoirement pour nécessité de réaménagement. En réalité, c'est tout son espace qui donne lieu à ces nombreuses activités. Enfin deux grands attroupements étaient perceptibles ; ils réunissaient quasiment quelques centaines d'hommes. Au milieu de chaque attroupement, se tenait un homme qui, monté sur un podium dressé pour la circonstance, entretenait le public. Les applaudissements et cris perçus dans le bus, qui m'avaient donné tant de frayeur, provenaient de ces deux endroits. Au fur et à mesure que les orateurs exposaient, le public répondait à leur prouesse oratoire, à leur éloquence, à la pertinence de leurs propos par des applaudissements soutenus ou des cris de colère. Ce fut facile pour moi de faire un rapprochement avec les retrouvailles sous l'arbre à palabre dans certaines de nos contrées.
Rassuré, je me résolus à quitter ce lieu ; je sortis et pris un taxi cette fois-ci. J'étais un peu en retard par rapport à mon rendez-vous. Sur le chemin, j'admirais les nombreux immeubles de ce quartier des affaires dont la métamorphose sautait tout de suite à l'œil. « Si tous les maires pouvaient être aussi dynamiques... » me dis-je. Le taxi franchissait maintenant le pont de Gaulle ; et comme un film, me revenait les principales images de ma récente descente du bus, ignorant l'immense désert lagunaire que parcouraient quelques bateaux de transport. « Ridicule et aberrant d'être inquiété, effrayé à tout instant et n'importe comment par quelque petit bruit depuis que persiste cette attaque du pays d

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