Le voyeur et le voyant
169 pages
Français

Le voyeur et le voyant , livre ebook

-

169 pages
Français

Description

Les Écritures dépossèdent l'Homme de ses mythologies. Les mythes sont le langage de l'origine, l'écrit est celui du partage d'un butin, celui de l'Histoire. Écrire dans cette conscience c'est restituer ce qui peut l'être du butin. C'est ce que véhiculent ces constats intimistes livrés ici par l'auteur. Le voyeur, comme le voyant, n'est jamais que sous le coup de son désir de voir au-delà du visible qui réduit l'Occident à une cruelle et confortable fatalité.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782140027123
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gilles Gontier
Le voyeur et le voyant
Je ne suis qu’un homme en forêt, quand, à ma fenêtre parisienne,
mon affût est celui d’une bête observant de vrais hommes. Dans un
cas comme dans l’autre, l’archaïsme des soucis qui y sont remués
est celui d’une obsession religieuse. Cette obsession de l’origine que
met en toute chose celui qui s’est détourné du terrible, de l’asocial Le voyeur et le voyant
monothéisme. Celui-ci prétend figer le langage (c’est un grammairien)
substituer le langage à l’origine, comme si le langage n’avait d’origine
que lui-même.
Les Écritures nous ont dépossédés de nos mythologies. Les
mythes sont le langage de l’origine, l’écrit est celui du partage d’un
butin, celui de l’Histoire. Écrire dans cette conscience est restituer
ce qui peut l’être du butin. C’est ce que véhiculent ces deux constats
intimistes que je livre ici à la suite l’un de l’autre. Le voyeur, comme
le voyant, n’est jamais que sous le coup de son désir de voir au-delà
du visible qui réduit l’Occident à une cruelle et confortable fatalité.
Gilles Gontier est né à Paris en 1954. Son cursus scolaire
assez chaotique s’achève en 1977 par un diplôme des Arts
décoratifs, juste avant lequel il a commencé à écrire. Poésie,
théâtre, essais, récits. La nature, la préhistoire, l’ethnologie
(les thèses de Robert Jaulin et René Bureau), la forêt, la haute
montagne, la religion catholique dans sa dimension païenne, magique, sont
ses centres d’intérêts.
Illustration de couverture de l’auteur.
ISBN : 978-2-343-10986-2
17,50 e
Gilles Gontier
Le voyeur et le voyant





LE VOYEUR ET LE VOYANT




















































© L’Harmattan, 2016

5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.editions-harmattan.fr

ISBN : 978-2-343-10986-2
EAN : 9782343109862 Gilles Gontier





Le voyeur et le voyant
































Du même auteur
chez L’Harmattan
Le vieil homme, poèmes, 2005
Repentirs, précédé de Chasseur de pierres, 2015
Le voyage des objets
essai sur la collection d’arts primitifs, 2016
L’ermite et le renégat
Essai sur deux types de renonciations poétiques,
2016
Les chiffres entre parenthèses dans le texte renvoient aux notes
en fin de volume. Dans un lieu nous sommes vus plus que nous ne
voyons, dans un autre nous verrons plus que nous ne
serons vus. Le premier est la forêt que nous sommes
souvent trop enclins, à cause du bruit que nous y faisons sans
y penser, à croire un désert. Le second est la rue d’un
quartier périphérique de la capitale, occupée par des gens
qui ne peuvent pas, ne veulent pas nous voir. Ils ont leurs
raisons, des raisons qui ressemblent d’ailleurs un peu à
celles des animaux qui, à notre passage en forêt, se
contraignent à une parfaite discrétion. Comparaison qui peut
prêter à sourire car, discrets, ils ne sont pas réputés à
l’être beaucoup. Ils ne se cachent pas, ces êtres des
périphéries citadines, simplement ils ne nous voient pas, nous
cachent dans leur indifférence qui seule contient un peu
ce qu’ils ont de mépris pour ce que nous sommes.
Je ne suis qu’un homme en forêt, quand, à ma fenêtre
parisienne, mon affût est celui d’une bête observant de
vrais hommes. Dans un cas comme dans l’autre,
l’archaïsme des soucis qui y sont remués est celui d’une
obsession religieuse. Cette obsession de l’origine que met en
toute chose celui qui s’est détourné du terrible, de
l’asocial monothéisme. Celui-ci prétend figer le langage (c’est
un grammairien) substituer le langage à l’origine, comme
si le langage lui-même n’en avait d’autre que lui-même.
Les Ecritures nous ont dépossédés de nos
mythologies. Les mythes sont le langage de l’origine, l’écrit est
celui du partage d’un butin, celui de l’Histoire. Ecrire
dans cette conscience est restituer ce qui peut l’être du
butin. C’est ce que véhiculent ces deux constats intimistes
que je livre ici à la suite l’un de l’autre. Le voyeur, comme
le voyant, n’est jamais que sous le coup de son désir de
voir au-delà du visible qui réduit l’Occident à une cruelle
et confortable fatalité.
7 LE HOGAN’


à Daniel, Jacques, Antoine et Edith



Parfaitement aveugle, je lève la tête pour mieux
écouter la nuit fraîche avec mes deux oreilles. Curieusement,
j’écarquille mes yeux inutiles comme pour mieux
entendre. C’est l’étrangeté, au sens propre du terme, qui
m’entoure ici. Parfaitement isolé au sein d’un monde
noir, d’une nuit dont la fraîcheur se prolonge en moi qui
la respire, qui fait de moi une âme perdue et inquiète, sans
que je puisse dire de quoi serait faite cette inquiétude
sinon qu’elle ressemble certainement à la peur de la mort
et qu’à la fois elle la dépasse sans en rien transcender,
juste par un côté raisonnable qu’elle a tout de même.

Cette nudité perdue me surprend et ne me surprend
pas : c’est celle de la peur du noir dans un lieu devenu
étrange, méconnaissable, un lieu qu’on ne connaissait que
par les yeux et les odeurs, et la nuit fraîche a trop accentué
ces dernières. Les yeux n’ont plus rien, se confondent et
s’en remettent aux oreilles. Je ne suis plus qu’une paire
d’oreilles et un corps couché au creux d’un nid de sable
froid.
Je m’attendais à ce que les choses soient étonnantes, à
cette sensation d’isolement (ce n’est pas une sensation,
c’est une vérité), à ce sentiment d’être totalement
étranger à cette nuit. Je les recherchais sans aucun doute, ces
impressions. Car je suis là volontairement, seul. Je sais où
11 je suis, mais je ne sais plus trop comment. Pourquoi est
encore autre chose.
J’avais beaucoup pensé ces temps-là à cette terrible
épreuve initiatique des jeunes Indiens des plaines qu’on
emmenait et laissait dans une fosse, seuls, sans eau, sans
nourriture, au sommet d’une colline suffisamment élevée
pour être touchée des esprits, quatre jours et quatre nuits
d’affilée pour qu’ils y acquièrent la vision qui leur
permettrait de comprendre et traduire les événements de la vie
en un sens. Je ne pensais pas vraiment trouver là, en
l’espace d’une nuit, quelque chose d’équivalent, mais s’il
m’était donné ne serait-ce qu’une bribe, un tout petit
signe, je pensais sérieusement et certainement les
recevoir comme une grâce.
Je suis couché dans un nid de blocs de grès juste posés
l’un sur l’autre dont le muret forme la base de cette hutte
assez sommaire que j’appelle le hogan’. Au centre un
jeune bouleau mort aux racines encore en terre est le
pilier central vers lequel convergent les poutres de branches
de pin plus ou moins décomposées soutenant plus ou
moins un grillage. Sur ce grillage rongé de rouille on avait
posé une bâche de plastique qui avec le temps s’est
desséchée, fendillée, déchirée, qui a vieilli en prenant la
couleur de l’humus et des mousses dont le tout est de
l’extérieur recouvert sur une bonne épaisseur.
On peut passer à côté de cette construction sommaire
sans la voir, elle est peu repérable, elle a l’air d’une petite
butte naturelle assez basse, ou du tumulus d’un tout petit
enfant. Des herbes poussent sur son toit, les aiguilles du
grand pin sylvestre contre lequel elle s’appuie d’un côté
ont achev

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