Les âmes de Cracovie
130 pages
Français

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Les âmes de Cracovie , livre ebook

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130 pages
Français

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Description

Née en 1920 dans une famille de la bourgeoisie juive de Cracovie, Clara connaît, tout comme son frère Simon et ses amis Janusz et Hillel, une enfance insouciante et heureuse. Mais la crise de 1929, l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, la montée de l'antisémitisme en Pologne, changent peu à peu leur perception de l'avenir. Simon part pour la Palestine tandis que Janusz s'engage en Espagne dans les Brigades internationales. Clara, elle, poursuivra ses études à la Sorbonne et découvrira l'amour dans les bras de Stefan, un exilé juif-allemand.
Ce roman est une saga familiale qui montre comment le cynisme des uns et l'aveuglement des autres ont précipité l'Europe dans la guerre et façonné à jamais les êtres et leur destin.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 novembre 2018
Nombre de lectures 3
EAN13 9782336855745
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Amarante
Cette collection est consacrée aux textes de création littéraire contemporaine francophone.

Elle accueille les œuvres de fiction (romans et recueils de nouvelles) ainsi que des essais littéraires et quelques récits intimistes.







La liste des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.editions-harmattan.fr
Titre

Jan Vudry










Les âmes de Cracovie

Roman
Copyright


























© L’Harmattan, 2018 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-85574-5
I. Une lueur dans la nuit
– C’est une fille !
Le vieux médecin de famille brandit le nouveau-né comme un trophée. Le bébé cligne des yeux devant le monde qu’il découvre et hurle. Il était si bien dans le ventre de sa mère, protégé et au chaud !
– Quel prénom vas-tu lui donner ?
– Clara,
– C’est un joli prénom !
Le docteur dépose doucement le petit dans les bras de sa maman. Il a connu Sarah enfant et elle est maintenant mère pour la seconde fois, en ce 13 octobre 1920.
En 1917, lors de la naissance de Simon, c’était la Grande Guerre et l’on manquait déjà de tout. Cracovie était occupée par les troupes allemandes et austro-hongroises. L’accouchement, chez les parents de Sarah à Kazimierz le quartier juif de Cracovie, avait été long et difficile et, comme aujourd’hui, son mari était absent.

La Pologne, rayée de la carte de l’Europe en 1795 avait retrouvé son unité après la signature de l’armistice du 11 novembre 1918, mais le pays n’avait pas eu le temps de panser ses plaies, de souffler et de s’organiser. Il s’était retrouvé, quelques mois plus tard, engagé dans un nouveau conflit, cette fois-ci, avec la Russie soviétique dont l’intention était d’exporter la révolution bolchévique dans le reste de l’Europe.
La misère était grande et l’Armée rouge accueillie en libératrice par le prolétariat et, notamment, par les ouvriers juifs de Bialystok qui formèrent des soviets.
Les Soviétiques, nettement supérieurs en nombre, avaient enfoncé le front polonais et étaient arrivés aux portes de Varsovie en août 1920.
Les troupes polonaises, encadrées par des conseillers militaires français, dont un certain Charles de Gaulle, étaient parvenues, dans un sursaut héroïque, à repousser les Russes lors de la bataille de Varsovie.
Les Polonais avaient ensuite enchaîné victoire sur victoire, bouté l’Armée rouge hors de Pologne et pénétré en Ukraine.

Isaac Kurowicz, le père de Clara, est médecin dans l’Armée polonaise et ne peut quitter l’hôpital de campagne où il soigne, nuit et jour, les blessés amenés du front par les ambulances. C’est le quotidien d’Isaac depuis 1914, il n’en peut plus.
Il s’emporte, il n’a plus d’ouate, presque plus de pansements, et il sera bientôt en rupture de stock de morphine.
Le flot des brancardiers ne se tarit pas pour autant, on ne sait plus où mettre les blessés, ils arrivent hagards, couverts de poussière et de sang, gémissant, hurlant, déchiquetés ou éventrés avec des plaies béantes et suintantes et les infirmiers ne savent plus que faire.
– Comment voulez-vous que j’opère dans ces conditions, nettoyez le plancher, vous ne voyez pas qu’il est couvert de sang !
Isaac se calme vite, ils n’y peuvent rien, ils sont à bout comme lui, il est injuste, c’est la rapidité de l’avancée de l’Armée polonaise qui explique les difficultés d’approvisionnement.
Peu lui importe que ces hommes meurtris dans leurs chairs soient juifs ou chrétiens, bolchéviques ou républicains, Autrichiens, Allemands, Russes, Ukrainiens ou Baltes. Ils souffrent et son rôle est de les soigner.
Isaac est dans la force de l’âge : pas très grand, râblé, brun, barbu, il a trente-quatre ans, ses paupières rougies par la fatigue traduisent son épuisement physique et moral. Il sent la dépression le gagner mais il doit tenir.
Il a appris la naissance de sa fille avec joie, une lueur dans la nuit et un message d’espoir. Elle symbolise la vie au milieu de cet univers de mort et de souffrance et lui paraît annonciatrice de la paix. Il a vidé une bouteille de vodka avec ses amis pour fêter l’événement !
La Pologne, vainqueur sur le terrain, est néanmoins exsangue après ces années de guerre. Le Peuple affamé use son énergie à faire de longues queues devant les boulangeries publiques qui distribuent de grosses miches de pain noir. Le gouvernement craint un soulèvement populaire et accepte l’armistice demandé par les Soviétiques qui entre en vigueur le 18 octobre 1920, quelques jours après la naissance de Clara.
La paix, enfin la paix, Isaac se sent, après tout ce qu’il a vécu, profondément pacifiste et il aspire à retrouver Sarah, son épouse, Simon son fils et à faire la connaissance de la petite Clara.

Isaac a rencontré Sarah quand il était étudiant à l’université Jagellonne de Cracovie en 1911. Il louait alors une petite chambre vétuste dans un immeuble proche de celui où les parents de Sarah tenaient un commerce. Il y faisait de temps en temps des achats dans l’espoir de la rencontrer.
Cette jeune femme réservée, sérieuse, mais moderne, lui inspirait confiance. Il n’était pas, comme certains de ses amis, assidu dans les bars et les lieux de plaisir. Son rêve était très classique : fonder une famille, devenir médecin, s’occuper de ses patients et jouer un rôle au sein de la communauté juive.
Isaac n’était pas un passionné, il ne cherchait pas le grand amour, mais une compagne solide avec qui construire une vie confortable et heureuse. L’époque était prude et peu propice aux déchaînements amoureux. Il n’était pas convenable qu’une jeune femme exprimât sa sensualité et la mode, peu seyante et terne, révélait très peu du corps de la femme couvert du cou aux chevilles.
Sarah remarqua l’intérêt que lui portait l’étudiant en médecine. Elle l’encouragea par des sourires discrets et timides. Ils provoquèrent le hasard et parvinrent ainsi à se voir régulièrement et à faire peu à peu connaissance. Ils se promenèrent dans les rues de Cracovie en compagnie d’Esther, la cousine de Sarah qui devint complice de leurs rendez-vous amoureux.
Ils échangèrent des premiers baisers maladroits et timides. Sarah remarqua qu’elle attendait de plus en plus fébrilement les moments où ils étaient ensemble. Les mois passèrent, leur éducation religieuse leur interdisait de satisfaire leurs désirs hors mariage. Ils firent des projets et éprouvèrent l’envie d’un futur commun.
Sarah jalousait les filles hassidiques qui, par tradition, se mariaient jeunes, mais elle ne voulait pas subir, comme elles, des mariages arrangés par les familles. Elle faisait la sourde oreille quand ses parents évoquaient l’intérêt de tel ou tel prétendant potentiel. Elle ne jouait pas non plus le jeu lorsqu’ils organisaient des dîners pour faciliter des rencontres avec des jeunes commerçants du quartier.
Elle ne voulait pas d’un mariage convenu pour des raisons de patrimoine, ni d’une alliance de raison fondée sur la richesse de son fiancé, comme sa sœur Elizah. Elle entendait conduire sa vie elle-même.
Elle savait que sa mère était réservée en raison de l’origine modeste d’Isaac, fils du menuisier d’un village de Galicie. Son père se montrait heureusement plus ouvert par respect pour son savoir d’étudiant en médecine. Sarah et Isaac étaient tous les deux tendus et anxieux le jour où Isaac vint faire sa demande en mariage. Et, pour une fois, son père ne fut pas soumis à sa mégère d’épouse. Il affirma son point de vue et donna son accord. Sarah en fut très heureuse.
Ils se marièrent en 1913, l’année où Isaac reçut son diplôme. Elle avait alors vingt-deux ans. La cérémonie de mariage eut lieu chez le rabbin.
Les amis d’Isaac, pour la plupart étudiants, s’exprimaient plutôt en polonais alors que les autres invités et la famille parlaient yiddish. Ils se firent réprimander par le bedeau parce qu’ils étaient bruyants et un peu éméchés.
Sarah,

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