Les Danois ne ferment jamais les volets
76 pages
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Les Danois ne ferment jamais les volets , livre ebook

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Description

« En 1974, ma mère a mis douze heures à m’expulser dans la piscine expérimentale de Frédéric Leboyer, avec Phedra comme passagère clandestine. Cette sacrée pieuvre continue de mêler ses tentacules à ma vie, allant jusqu'à m’expliquer comment on fait les bébés. Il lui arrive pourtant de se tromper dans ses calculs... »


Être ou ne pas naître ? Telle est la question posée par Lætitia, quadragénaire juvénile en mal d’enfant. Avec son âme de rockeuse et son cœur trop gourmand, elle a l’art de cultiver les paradoxes. Mais la perte de contrôle n’est-elle pas le meilleur moyen de faire évoluer une situation ? Le 21 juillet 2016, à Copenhague, elle a douze heures pour laisser les choses de la vie décider à sa place.


Après le succès de Les petites filles rêvent de chevaux (2016 – éditions Paul & Mike), ce roman est le deuxième volet des divagations bluesymentales de Lætitia, globe-trotteuse de l’amour et insatiable exploratrice de la mécanique de l'âme.


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 19
EAN13 9782366511048
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Titre
Cécile-Marie Hadrien
Les Danois ne ferment jamais les volets
roman



 
 
 
À ma mère,
à mon père.
 
 
 
 
 
 
 
I can’t live
With or without you.
 
U2, The Joshua tree


1
Ce truc n’a ni queue ni tête. On ne sait pas où ça commence. C’est à l’image de la vie : bourgeonnant, énergique et absurde. Je courais à petites foulées dans le parc de Frederiksberg quand je suis tombée dessus.
J’ai cru que les Danois me faisaient une mauvaise blague.
Ce truc invraisemblable, c’est toutes mes préoccupations du moment. On dirait un agglomérat de cellules aux premiers stades de la conception, avant que cela prenne forme humaine.
Si tu vas explorer le parc de Frederiksberg, dans l’ouest de Copenhague, tu finiras tôt ou tard par le découvrir au détour d’une allée. Selon ton humeur, tu trouveras ça laid ou émouvant. Moi, je trouve ça effrayant. Tous les gamins de Copenhague sont venus ici pour accrocher leur tétine dans un arbre. Avec, ils ont apporté leurs dessins plastifiés, des photos d’eux et des messages à la fée des tétines : Oh s’il te plaît, gentille fée, débarrasse-moi de ma tétine et apporte-moi en échange un ours tout doux à peloter ou la dernière 3DS de Nintendo. Tout ça en danois donc incompréhensible.
Est-ce qu’ils sont si pressés de grandir, ces merdeux ?
S’ils savaient à quoi ressemblera leur vie après la tétine, ils garderaient précieusement ce machin rond en plastique dur avec embout baveux en latex ou caoutchouc jaunâtre.
Dans la vie, il n’y a que les débuts qui sont chouettes. La suite fait peur. Tu ne sais pas où tu vas. Tu aimerais que la page soit déjà tournée pour connaître la fin de l’histoire. Quand les méchants ont été punis et les gentils récompensés. Quand tu as enfin retrouvé le chemin semé de petits cailloux blancs jusqu’à la maison de papa et maman. Mais non. Il te faudra franchir les étapes une à une. Te laisser embobiner par les bonbons de la vilaine sorcière, enfiler les bottes puantes de l’ogre boulimique, te perdre dans la forêt d’épines hantée de loups affamés. Dans la vie, impossible de sauter aux conclusions.
Papa et maman sont loin.
Ma grande sœur Marilou aussi.
Et les méchants, on ne les reconnaît pas toujours. Dans la vie, personne n’est complètement méchant ou totalement gentil. Tout le monde s’occupe d’abord de ses oignons. Et la fin de l’histoire n’est pas la même pour tous.
Avec toutes ces idées en tête, j’ai passé une mauvaise nuit. Un jogging matinal, quoi de mieux pour me détendre et m’aérer la cervelle ? Je n’avais pas couru depuis que j’ai emménagé à Copenhague. Le sport va m’aider à prendre une décision. M’empêcher de faire la plus grosse bêtise de ma vie.
À huit heures, j’ai sauté dans mon corsaire, enfilé mes baskets et vissé mes écouteurs dans les oreilles. J’ai coincé mon smartphone dans le brassard et mis Led Zeppelin à fond : The battle of evermore. Je suis partie à petites foulées le long d’Øster Søgade. J’ai pris le premier pont et continué sur l’autre rive, Sortedam Dossering, aménagée pour les promeneurs et les cyclistes. Après Led Zeppelin, ça a enchaîné en mode aléatoire sur Dire Straits : Sultans of swing en live, puis sur Patience de Gun’s N’ Roses. Pas ma vertu principale, la patience. Mais le son des guitares acoustiques et la voix veloutée d’Axl Rose ont toujours sur moi un effet apaisant.
Je trouvais mon rythme.
J’ai emprunté Vesterbrogade, direction l’ouest de la ville. Je me sentais déjà plus légère. J’ai bifurqué dans Frederiksberg Allé où les rues sont très calmes et les immeubles plus chics qu’à Vesterbro. Je connais la ville par cœur. En trois mois, j’ai eu le temps de la sillonner. Mais je m’étonne encore que les Danois soient si disciplinés. J’étais la seule à traverser sans attendre que le feu passe au vert, tout en accélérant ma foulée. Exercice périlleux car ici, les rues sont doublées de larges pistes cyclables sur lesquelles les Danois foncent sans se préoccuper de toi.
Pour une reprise, j’étais en forme. Mon cerveau commençait à libérer ses endorphines.
Puis mon smartphone a choisi Nature boy , chanté en live par Hugh Coltman. Et là, j’ai pensé à Gaël. Le Zoo de Frederiksberg n’était plus très loin, même si j’avais fait un gros détour pour l’éviter. J’ai eu un petit pincement en bas du ventre : du côté des ovaires, il se passait quelque chose.
J’ai fait défiler les événements des dernières semaines. Mais le calcul, je ne suis pas douée pour ça. Juste assez organisée pour empêcher les confrontations gênantes : A ne doit pas croiser B, lequel ne doit rien savoir de l’existence de C.
Sankt Thomas Plads, j’ai vu venir un jeune viking avec son fils dans une poussette trois roues. Je les ai dévisagés : aucun doute, le grand était bien le père du petit. Attendrissants tous les deux. Pas bon, l’émotion, quand on court. J’ai dû m’arrêter pour souffler, appuyée contre un banc.
A, B et C, appelons-les comme ça pour l’instant, ne se sont jamais rencontrés. A, B et C montent dans un bateau. Si B et C tombent à l’eau, qui reste dans le bateau ? Le bateau est trop petit pour contenir les trois à la fois. Les deux autres devront nager.
Parvenue à la grille du parc, j’avais un peu la tête qui tournait. Trop tôt pour les nausées du matin. C’était à force de calculer.
Si l’un des spermatozoïdes de B, lesquels sont à chromosome x ou y , rencontre l’ovule, chromosome x , la conception démarre. Dès lors, deux possibilités : x + x = x , soit une fille, ou x + y = y , soit un garçon. Jusqu’ici, tout va bien. Mais si les spermatozoïdes de A ou C s’interposent, font une démo de catch ou le jouent au sprint final, ils peuvent l’emporter sur B.
L’un ou l’autre.
Et s’ils sont ex aequo  ?
Cela donne des jumeaux dizygotes. Voire des triplés, si les trois sont vainqueurs ! Tu m’imagines avec trois bébés A’, B’ et C’ posés côte à côte dans une poussette format XXL ? Ce serait la bagarre permanente. Ils rejoueraient sans arrêt la grande scène originelle de qui arrivera le premier à l’ovule. Tout serait multiplié par trois : les pleurs nocturnes, les câlins, les tétées. Deux seins n’y suffiraient pas. Il faudrait que je m’en fasse greffer un troisième. Bienvenue dans la Quatrième Dimension, avec les jumeaux Igor et Grichka Bogdanov aux commandes…
Des jumeaux, passe encore. Mais des triplés.
Le cauchemar absolu.
Et pourtant, si je devais faire un choix entre ces trois bébés, j’en serais incapable. J’ai toujours eu du mal à choisir. Jusqu’ici, la vie (ou les autres) s’en chargeait pour moi. Les autres, c’est Soli, ma sœur Marilou, mon amie Sixtine, mon père et ma mère : tous adorent me dire ce que je dois faire. Mon banquier, mon garagiste, ma proprio, mon kiné et ma gynéco s’en mêlent aussi.
Cette fois, je suis toute seule.
Personne ne pourra décider à ma place.
Au détour d’une allée, mon smartphone m’a joué Riders on the Storm . La voix chaude de Jim Morrison en était encore à m’envoûter. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux bikers danois. Jost n’est pas plus grand que Soli mais bien plus baraqué, les cheveux longs et le corps couvert de tatouages. Sinon, il est fait comme les autres.
La chevauchée fantastique.
Une capote qui craque, ça n’arrive pas qu’aux autres.
Côté HIV, je suis clean, baby.
Mais pour le reste ?
Gaël m’a dit la même chose. Il est allergique à la silicone et aux lubrifiants. Plus généralement, il supporte mal tout ce qui n’est pas naturel. Il a appris à se retirer à temps. Trouve la planète assez peuplée. Milite pour la décroissance. Un garçon responsable.
Mais dans le feu de l’action, on peut s’oublier.
Trois gouttes suffisent. Même une seule.
Et si c’était Soli ? Cela voudrait dire qu’après nos premiers essais infructueux, on a mis en plein dans le mille.
Soli est l’homme que j’aime.
Mon smartphone venait d’enchaîner sur Bang bang (My baby shot me down) et je me suis vue comme la belle Nancy, dans une posture lascive et passive de sirène échouée sur l’île de la nostalgie.
Mais voilà, Soli n’était plus le seul dans la course.
Trois hommes dans mon bateau. Le bateau est trop petit et pas étanche. Il prend l’eau. Pince-mi et pince-moi … Un seul restera dans le bateau. Tu t’étonnes que je me trouve dans cette situation embarrassante ?
Je vais te raconter.
Je suis une fille pleine de contradictions. Ma mère dit souvent que je n’ai

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