Les deux pères
277 pages
Français

Les deux pères , livre ebook

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277 pages
Français

Description

L'auteur retrace sous forme de chronique, l'histoire de sa famille depuis l'arrivée à Constantine de son ancêtre, juif tétouanais, Salomon Adida, au milieu du 19e siècle, jusqu'au départ d'Algérie de la famille en 1961. Récit également de ce voyage commun au genre humain de la jeunesse à l'âge mûr. Un récit attachant qui évoque une Algérie disparue. C'est aussi un document sur la migration et l'intégration d'individus appartenant à tel collectif.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2008
Nombre de lectures 275
EAN13 9782296179059
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LESDEUXPÈRESDanielCohen éditeur
Témoins
Témoins, chez Orizons, s’ouvre au récit d’une expérience personnelle
lorsqu’elle libère, au-delà de l’engagement moral et psychologique du sujet, des
perspectives plus larges.S’il est vrai que chaque individu est un maillon
indispensableà tel ensemble, les faits qu’il relate recouvrent tantôt un réel
sociologique ou historique, tantôt une somme de détails grâceauxquels un document
naît, en somme un acte personnel profitable au plus grand nombre. Ladite
expérience renseigne et conduit, par ce qu’elle implique,à la
méditation.Biographie d’untel ou récit contracté d’un événement quia dynamisé, voire
transformé la vie de tel autre, geste d’une initiation collective parfois, Témoins dit
et dira les hommes de toutes obédiences, mais selon un critère intangible :
écrire avec style afin qu’adoubé par la grâce littéraire, le témoignage flambe
dans nos mémoires.
Dans la même collection :
ChochanaMeyer, Un juif chrétien ?
ISBN 978-2-296-03821-9
©Orizons, chezL’Harmattan,Paris, 2008JosyAdida-Goldberg
Les deux pères
récit
2008Avant-proposdeBenjaminStora
oici un ouvrage de Josy Adida-Goldberg, passionnant et
émouvant. L’auteure nous emmène dans un voyage de mé-Vmoire.
Elle fait revivre la ville deConstantine de son enfance et de
sa jeunesse, raconte lesbrûluresde l’exil, restitue les parcoursdes
membres de sa famille, les visages de sa mère, de son père et de
son mari. Ce livre est précieux car les témoignages de femmes
juives quiévoquentcette histoire sont très rares.Ce « roman »est
un récit de vie. La prédominance de l’écrit intime dans l’écriture
féminine est caractéristique d'une situation dans la société, une
des voies privilégiée pour affirmer son identité: «Plusla société
les empêchait de dire « je », plus elles l’écrivaient dans leurs textes
(…). Le roman féminin est souvent chargé de flux
autobiogra1phique. »Pour un historien, le travail d’investigation à partir
d’un livre comme celui-ci, qui évoque une époque particulière,
n’est pas un simple prétexte à réflexion historique: Michelet
estimait, à juste raison, que la littérature peut être le lieu de
déchiffrement du sens de l’histoire.
La « promenade » personnelle, en solitaire, s’effectue
donc à partir d’une production «d’archives » très singulière, les
souvenirs personnels confrontés aux traces écrites familiales (en
particulier des mémoires de son père). Qu’elle s’exprime sous
l’angle de la révolte et de la mélancolie, ou de l’obsession d’un
passé perdu, celui de l’Algérie française où vivaient les Juifs
devenus français depuis 1870, la lente maturation du temps si cher
aux historiens, sedonne partoutà liredansce récit.
Son ancêtre, Salomon Adida, venu en 1852 de Tétouan,
muni d’un passeport rédigé en espagnol, très probablement un8 JOSY ADIDA-GOLDBERG
descendant de riches Juifs arrivés de cette ville du Maroc
espagnol, après leur expulsion par les rois catholiques en 1492, va
doter la communauté juive de Constantine d’une école de
Talmud Tora. Josy Adida parle aussi parle de sa ville, Constantine,
des places et des rues, des riches et des pauvres, des joies et des
humiliations vécues.Et les petites histoires viennent quelquefois
croiser d’autres histoires, plus tragiques: le pogrom antijuif du 5
août 1934, le renvoi du lycée au moment de Vichy et de
l’abrogation du décret Crémieux, l’école juive, le débarquement allié
de novembre 1942 quia épargnéauxJuifsd’AfriqueduNord les
atrocitésde ladéportation.Orpheline,elledit toute la forcede sa
mère pour survivre, et sa force à elle pour sortir de sa condition,
sociale ou intellectuelle. Elle s’enthousiasme pour la littérature,
fait partie d’une troupe de comédiens amateurs, se dépense en
activités théâtrales et musicales, suit un stage d’art dramatique,
qui lui donnera le privilège de connaître Francis Ponge et
Emmanuel Roblès. Josy est une jeune femme qui travaille, ne veut
pas vivre dans la dépendance masculine. Son récit est aussi celui
d’uneémancipation fémininedans uneAlgérie provinciale,
méditerranéenne (donc machiste), des années cinquante. Elle obtient
un poste d’enseignante dans une école juive d’enseignement
professionnel, l’ORT, et crée une chorale ainsi qu’une petite troupe
de théâtre… Le mariage avec un ashkénaze signale le parcours
d’une femme horsd’un universconformiste.
Dans lacontinuitédu récitdeJosyAdida, on peut repérer
les tensions et les fusions, qui s’établissent dans le texte, entre la
rupture induite par la guerred’Algérie, qui féconde tantd’illusions
et de peines, et la force de la tradition qui continue d’étouffer.
L’exil arrive… et « …c’est toute mon enfance, toute ma jeunesse
que je laisse derrière moi. … Pour la première fois, regardant mes
enfants et ma mère, je m’avise que j’emporte avec moi et mes
racines et mes feuilles ».AVANT-PROPOSDE BENJAMIN STORA 9
L’exil est là, et se poursuit cette perpétuelle quête du
sens, entre la tradition qui unit une grande histoire collective, et
l’histoire personnelle. Car ce beau livre est aussi celui d’une
interrogation majeure sur le processus d’assimilation vécu par les
Juifs d’Algérie. La sortie de la religion, la perte des repères, et le
doute… La scène poignante de la mort de la mère et des
conditions rituellesde l’enterrementestd’une grande vérité, gravité.
Le regard de Josy Adida se forme et s’exerce à partir de
certains héritages historiques, la relation au judaïsme, le rapport
quasi-charnel à l'Algérie, et le refus d'une dispersion de la
mémoire autour du temps englouti.Dans un tremblement intérieur,
elle veut retrouver une cohérence, elle dit qu’à l’exil, pourrait
succéder une perte définitive de mémoire. Ses quartiers, ses rues,
ses jardins, (et la mer de Philippeville), le ciel: tout cela continue
à courir dans ses veines mêlés à ses peines, à ses espoirs, à ses
joies. Tout son récit est porté par la nécessité d’une transmission
aux générations qui viennent…
1.BéatriceDidier,L’Écriture-femme,PressesUniversitairesdeFrance,Paris, p.19.L’AlgérieI
La mortde mon père
edevaisavoir quatreans.Tous les jeudisetdimanches,Maman m'emme-Jnaitdans un immense jardin.Bachir, lechauffeur, nousconduisait.En
livrée, sachéchiadefeutre rougeà la main, il ouvrait la portièrede
la«Torpédo Voisin »de grand-père. Je grimpais sur le marchepied et m'installais
le plus souvent sur l'un des strapontins, le nez collé à la vitre, pour
regarder le paysage qui mefascinaitdéjà.
La route qui menait à mon jardin suivait un cirque grandiose et
serpentait à travers des roches arides. Tout en haut du rocher, le
Monument aux Morts, avec ses escaliers imposants, orné de deux lions et
surmonté d’une victoire dorée et ailée qui semble prendre son vol au-dessus
deConstantine.
Bachir traversait l’interminable ouvrage jeté entre les deux
immenses murailles dressées à pic au-dessus d’un gouffre, et comme suspendu
dans les airs. Il vibrait à notre passage.À l’entrée du pont, sur une place
poussiéreuse, jonchée de crottins de chevaux, les cochers, assis sur le siège
avant de leurs calèches alignées, attendaient nonchalamment d’éventuels
passagers. À la sortie du pont, la route grimpait à travers les pins.
Quelquefois, unecalèche nous précédant, reculaitàcausede la pente très raide.
Lecochercriaitalors« hue, huedada.»
Bachir nousdéposaità l’entréedu jardin.Unegrande porteàdeux
battants, ornée de chandeliers à sept branches s’ouvrait et laissait voir,
dans l’allée principale, de très hauts cyprès. Maman devait me tirer par la
main. Il fallait monter des côtes pierreuses, des escaliers interminables.En
été, j’appréciais l’ombre des saules pleureurs qui bordaient les allées. Le

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