Les douze exils d Albert Camus
92 pages
Français

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Les douze exils d'Albert Camus , livre ebook

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Description

"Je le rencontrai, je sus que nous aurions à faire un chemin ensemble", écrit René Char dans La Postérité au soleil, après son premier rendez-vous avec Albert Camus. En lui laissant le plus possible la parole, Michel Cornaton nous propose de parcourir avec Camus ce chemin qui fait de lui un écrivain majeur de l'exil. Loin de l'Algérie et de son ciel, écrivait-il, "je me sens toujours un peu seul". Après avoir franchi les douze cercles de l'exil camusien, l'auteur nous emmène du côté de la philosophie concrète de Cornelius Castoriadis et de la poésie politique de Pablu Neruda.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 43
EAN13 9782336266916
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les douze exils d'Albert Camus
Suivi de d'Albert Camus à Pablo Neruda

Michel Cornaton
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Du même auteur Avant-propos PREMIER EXIL : - l’exil ontologique, ce creux en nous SECOND EXIL : - l’exil filial, à la recherche du père TROISIEME EXIL : - l’exil maternel, le silence de la mère QUATRIEME EXIL : - l’exil social, le fils de pauvres CINQUIEME EXIL : - l’exil géographique, loin du plus beau pays du monde SIXIEME EXIL : - l’exil du soleil, la taupe médite SEPTIEME EXIL : - l’exil de l’amour, le ton de la justice HUITIEME EXIL : - l’exil intellectuel, la tache de sang intellectuelle NEUVIEME EXIL : - l’exil du refus, le crime inexcusable DIXIEME EXIL : - l’exil de la méchanceté française… ma mère avant la justice ONZIEME EXIL : - l’exil de la troisième voie, l’utopie méditerranéenne DOUZIEME EXIL : - l’exil choisi, le cercle des poètes résistants L’ULTIME EXIL D’ALBERT CAMUS A PABLO NERUDA Un automne invincible Les hommes de Pisagua
En couverture : Photographie de Paola Pigani, Paysages méditerranéens
Maquette réalisée par Julien Denieuil
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1 @wanadoo.fr
9782296112186
EAN : 9782296112186
Du même auteur
Les Camps de regroupement de la guerre d’Algérie, préface de Germaine Tillion, éditions ouvrières, 1967, 296 p. Publié en collaboration avec le C.N.R.S. Réédité chez l’Harmattan, 1998, 2006, 312 p.
Groupes et société, éditions Privat, 1969, 173 p., réédité en 1972, traduit en italien, espagnol et portugais
A la recherche du pouvoir, édit. universitaires, 1971, 64 p.
Analyse critique de la non-directivité, Les Malheurs de Narcisse, éditions Privat, 1975, 178 p., traduit en espagnol
La Trans-formation permanente, Pouvoir, autorité, puissance dans l’éducation et la formation, Presses universitaires de Lyon, 1979, 282 p.
Pouvoir et sexualité dans le roman africain, Analyse du roman africain contemporain, préface de Marc Augé, L’Harmattan, 1991, 128 p.
Le Lien social, Etudes de psychologie et de psychopathologie sociales, éditions l’Interdisciplinaire, 1998, 1999, 2002, troisième édition revue et augmentée, 412 p.
Ecrits en collaboration
Options humanistes, éditions ouvrières, 1968, 216 p.
Violences et société, éditions ouvrières, 1969, 200 p.
Les Changements de la société française (sous la direction de), éditions ouvrières, 1971, 1975, 240 p.
Psychologie sociale du changement, Vers de nouveaux espaces symboliques (sous la direction de), Chronique sociale, 1982, 123 p.
La Tolérance au risque de l’histoire, de Voltaire à nos jours (sous la direction de), éditions Aléas- Le Croquant, préface de René Pomeau, 1995, 246 p.
Quelle identité dans l’exil ? Origine, exil, rupture, L’Harmattan, 1997, 256 p.
Je peux vivre ailleurs mais j’aurai toujours la conviction que je suis en exil
Albert Camus
Avant-propos
J ’avais une dette à l’égard d’Albert Camus, je pense l’avoir acquittée partiellement en son temps et peut-être aujourd’hui avec ce texte. Elle date d’un demi-siècle, très exactement de l’instant où, soldat appelé en Algérie, je découvris, aux environs de Dra-el-Mizan, ce qu’était un centre de regroupement. A la vue de ce camp me revinrent à l’esprit ces paroles de Camus, dans sa cinglante « Première réponse à Emmanuel d’Astier de la Vigerie » :

Vous me demandez pour quelles raisons je me suis placé du côté de la Résistance. C’est une question qui n’a pas de sens pour un certain nombre d’hommes dont je suis. Je ne m’imaginais pas ailleurs, voilà tout. Il me semblait, et il me semble toujours, qu’on ne peut pas être du côté des camps de concentration. J’ai compris alors que je détestais moins la violence que les institutions de la violence. Et, pour être tout à fait précis, je me souviens très bien du jour où la vague de la révolte qui m’habitait a atteint son sommet. C’était un matin, à Lyon, et je lisais dans le journal l’exécution de Gabriel Péri.
A compter de ce jour, l’image des camps d’Algérie s’est figée dans ma tête. Dès les premières lignes de ma thèse sur les camps de concentration de la guerre d’Algérie je citais le texte ci-dessus qui m’avait définitivement éclairé et qui indisposa tant l’un des membres de mon jury.
Le 1 er octobre 1957, Germaine Tillion informa Camus de sa rencontre avec Yacef Saadi, chef des « terroristes » algérois, et Ali la Pointe. « Vous êtes des assassins, leur dit-elle. Vous avez versé le sang innocent. Si je suis ici, c’est pour l’amour du sang innocent, français ou algérien. Je n’ai jamais fait de différence. » Yacef Saadi l’écouta, les larmes aux yeux. Dix ans après, c’est aussi pour ça que je suis allé voir Germaine Tillion, rescapée des camps nazis, et lui ai demandé de préfacer l’édition de ma thèse. A Ravensbrück j’ai pensé, avait-elle écrit, et juste au-dessous : Vouloir comprendre. Nous avons parlé de Camus. Germaine Tillion vient de nous quitter, à plus de cent ans. Albert Camus est sans doute, après mon père, l’un des hommes que je regrette le plus de n’avoir jamais rencontrés. C’est là une autre histoire, que j’écrirai ailleurs.
PREMIER EXIL :
l’exil ontologique, ce creux en nous
A u fil d’une douzaine de chapitres nous allons passer en revue tout ce qui fait d’Albert Camus un écrivain majeur de l’exil, d’un exil en abyme, tant il revêt les formes les plus spiraliques, les plus profondes aussi, lui laissant le plus possible la parole, dans les titres eux-mêmes, avec l’ambition de faire encore mieux connaître et lire un écrivain de cette lucidité qui est, selon René Char, « la blessure la plus rapprochée du soleil ».
Commençons ce voyage à travers les cercles de l’exil chez Camus par celui qui est au noyau de chacun de nous, plus exactement au plus profond de notre vide, l’exil en soi, sans lequel la vie ne serait que la comédie du malentendu. La prise de conscience de son existence se révèle problématique et souvent, comme chez Camus, douloureuse :

On peut poser en principe que, pour un homme qui ne triche pas, ce qu’il croit vrai doit régler son action. La croyance dans l’absurdité de l’existence doit donc commander sa conduite. C’est une curiosité légitime de se demander, clairement et sans faux pathétique, si une conclusion de cet ordre exige que l’on quitte au plus vite une condition incompréhensible. Je parle ici, bien entendu, des hommes disposés à se mettre d’accord avec eux-mêmes. 1
Nous retrouvons cet exil existentiel à Budejovice, ville de Bohême où se situe le fait divers découvert par Meursault sous son matelas de la prison et mis en scène dans la nuit des alentours de Prague. Camus y dépeint la profondeur de l’exil, la nausée de l’existence :

Le ciel se couvre. Et voici maintenant ma vieille angoisse, là, au creux de mon corps, comme une mauvaise blessure que chaque mouvement irrite. Je connais son nom. Elle est peur de la solitude éternelle, crainte qu’il n’y ait pas de réponse. Et qui répondrait dans une chambre d’hôtel ? 2
A ceux qui s’étonnent que Camus ait écrit cette pièce désespérée au moment où il combat l’occupant nazi, Roger Quilliot répond qu’il faisait alors l’expérience d’un autre exil entre Lyon et Saint-Etienne. D’ailleurs, en novembre 1942, n’envisageait-il pas de l’intituler L’Exilé , qu’il étiquetait curieusement comédie ! Ecoutons plutôt Camus :

Le Malentendu est certainement une pièce sombre. Elle a été écrite en 1943, au milieu d’un pays encerclé et occupé, loin de tout ce que j’aimais. Elle porte les couleurs de l’exil. Mais je ne crois pas qu’elle soit une pièce désespérante. Le malheur n’a qu’un moyen de se surmonter lui-même qui est de se transfigurer par le tragique. « Le tragique, dit Lawrence, devrait être comme un grand coup de pied au malheur. » 3
Alors, en dépit des apparences, l’exil se présente comme un cadeau. C’est celui que la peste apporte aux habitants d’Oran.

Oui, c’était bien le sentiment de l’exil que c

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