Les Faussaires   Nouvelles
126 pages
Français

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Les Faussaires Nouvelles , livre ebook

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126 pages
Français

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Description

Ils sont jeunes, ils sont beaux, la vie s'ouvre devant eux. Ils ont un point commun : des difficultés avec l'autorité. Musicien raté, étudiant travesti, amoureux sensuels, artistes fauchés, ils passent et dépassent les normes ; les bornes parfois. La société les étouffe. Ils réagissent avec fougue, violence, amour. Ils peignent, écrivent, lisent. Ils dénoncent, fuient, explosent. Six nouvelles en marge de la société, contre les codes bien-pensants, six nouvelles euphorisantes et régénérantes !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2015
Nombre de lectures 5
EAN13 9782336398020
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4ème de couverture
Copyright
















© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-74813-9
Titre


Alain Rouet





Les Faussaires

Nouvelles








L’Harmattan
Au Panthéon
1
À peine apprenais-je à lire , je déchiffrais au fronton du Panthéon, « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » .
J’adorais ma nounou ! Tous les jours et par tous les temps elle m’amenait au jardin du Luxembourg, au retour nous remontions la rue Soufflot et passions devant le Panthéon pour regagner le grand appartement familial rue Descartes, face à l’ École Polytechnique.
Ma mère s’occupait de moi par les ordres qu’elle donnait pour mon éducation ; je devais apprendre à lire plus jeune que tout autre enfant, mes jouets devaient me familiariser avec les lettres et les mots, au cours des promenades la nounou devait me faire déchiffrer les inscriptions qui se présentaient. Voilà comment, dès le plus jeune âge, je fus bercé par la patrie reconnaissante, ma mère n’ayant aucun doute sur le fait que la vie me hisserait au premier rang des grands hommes.
Elle était une cantatrice parmi les plus célèbres ; à trois ans je ne savais pas ce qu ’ étaient les Alpes , les Pyrénées ou l’Océan Atlantique mais les noms Scala, Fenice, MET, Covent Garden m’ étaient familiers. Quand elle passait à Paris , elle se levait vers midi, s’enfermait dans le salon de musique pour y travailler, sortait en fin d’après-midi et rentrait tard dans la nuit. De ma mère je ne connaissais que la voix, le grain de sa peau m’ était étranger , j’aurais défait son maquillage. Quand je voulais fourrer mon nez contre un corps maternel, c’ était celui de ma nounou , son odeur me tranquillisait, sa peau était douce ; j’avais deux mamans, l’une pour le quotidien, les caresses, les soins, une maman comme celle des autres enfants, et l’autre, une voix, un mythe, l’ étoile qui montrait mon avenir au firmament.
J’ étais voué à ne pas m ’ éloigner du Panthéon puisque j ’allais faire l’ École Polytechnique , juste en bas de chez-nous, école dont je sortirais major. Avez-vous remarqué que dans les salons comme il faut on ne parle jamais d ’un polytechnicien, mais d’un major de Polytechnique ? C’est la seule école qui ne forme que des majors, d’où sa réputation. Dès l’ âge de trois ans j ’ étais un major de Polytechnique en devenir.
Ensuite ? Ensuite, ma carrière devrait être à ce point brillante que je serais certainement panthéonisé avant même de prendre ma retraite, encore dans la force de l’ âge , et sans même avoir terminé les exploits qui marqueraient ma vie.
Tout avait bien commencé. Je savais lire et compter bien avant l’ âge normal , à six ans je me débrouillais pas mal au piano , j’avais une bonne santé et un caractère facile. Mes relations avec les autres enfants auraient pu poser problème, j’aurais pu devenir leur souffre-douleur, mais je n’avais aucun contact avec eux. Mes études primaires ont été assurées par des précepteurs privés, je suis ensuite entré au collège puis au lycée Henri IV avec deux années d’avance, mon jeune âge et le standing de l’ établissement me protégeaient.
À la surprise de ma mère , je n’ai jamais été présenté au concours général ; j’avais des résultats fort honorables, mais jamais premier de la classe. Il y avait un nuage entre là où j’ étais et l ’ étoile de ma prédestination. Une mention assez -bien au bac au lieu de la mention très-bien attendue m’a chassé des cieux, sans que j’en prenne conscience. Même avec deux ans d’avance j’avais l’ âge de comprendre l ’inanité du panthéon, je n’ étais pas un enfant surdoué. Pour mon malheur la devise aux grands hommes ne m ’avait pas quitté, mon destin était sur le piédestal où m’avait placé ma mère. J’avais deux vies comme j’avais eu deux mères, l’une normale, équilibrée , l’autre au fronton du temple.
2
Les études sont comme les trains, une fois lancées, elles ne s’arrêtent pas si vite. J’ai préparé les concours, raté Polytechnique, réussi Centrale Paris. Pour ma mère, après la mention assez-bien au bac, les échecs continuaient. Je n’ étais même pas major , seulement le benjamin de la promotion.
Le Directeur de l’ École nous accueillit avec un discours ronflant , citant les brillants anciens, tous inconnus, omettant le nom de Boris Vian, seul digne du Panthéon, l’ écume des jours vaut bien les œuvres complètes de Péguy !
Qu’ étais-je venu faire à Centrale ? En banlieue ! J’ étais loin du Panthéon !
J’ai travaillé le piano avec passion, suivi sans goût les cours pendant deux ans, puis démissionné. La Direction n’en revenait pas, j’avais un bon classement, une année de plus me donnait un diplôme à leurs yeux prestigieux, pour moi sans valeur.
Je me suis jeté à corps perdu dans la musique trop âgé pour atteindre la classe internationale, l’ étoile de ma destinée était voilée.
Je ne manquais pas d’argent, ma mère gagnait des sommes folles et m’entretenait sans y penser. Que faire quand on a tout raté et que l’argent ne manque pas ? Voyager !
Ce fut une période merveilleuse, elle devait durer dix ans. J’ étais parti , étudiant en rupture de ban vivant sur le dos de sa riche et célébrissime maman , très vite j’allais gagner raisonnablement ma vie.
J’ai débarqué en Corée, l’un des pays les plus accueillants que je connaisse. Mon nom, plus exactement celui de ma mère, m’a immédiatement ouvert quelques portes dans le monde musical et j’ai pu donner des concerts de piano, pas dans les salles les plus prestigieuses, mais dans les universités, dans les villes touristiques, à Pusan , le grand port industriel, à Daejeon, la ville scientifique, dans des lieux touristiques du bord de mer ; le public était chaleureux, mes prestations appréciées et bien rémunérées. Le programme indiquait toujours que j’ étais le fils de la grande cantatrice , cela ne me gênait pas, j’ étais un bon pianiste , pas un grand, le nom de ma mère ne me faisait pas d’ombre, il m’aidait.
J’ai rencontré des journalistes qui m’ont proposé quelques entretiens : des questions sur la France, mes impressions sur la Corée, puis la musique et l’art en général. Peu après j’ écrivais un premier essai sur les pratiques artistiques en France et en Corée étudiées en miroir l ’une de l’autre.
Après deux années en Corée, je suis parti pour l’Amérique du Sud où j’ai mené le même style de vie pendant cinq ans. Puis cap sur les États-Unis où j’ étais régulièrement invité dans les universités en ma qualité de spécialiste de la pratique artistique comparée entre pays.
Je gagnais largement ma vie, passionné par cette double activité de pianiste et de conférencier. Mes essais se vendaient bien, je m’ étais installé à Princeton et j ’arpenterais toujours Nassau Street si mon étoile ne m’avait rattrapé comme un météorite tombe à vos pieds.
3
Ma mère, je l’avais entendue chanter à la radio, au disque, à la maison quand elle travaillait , sans jamais entrer dans le salon de musique. Elle vient au MET chanter le rôle de la Maréchale dans le Chevalier à la rose de Richard Strauss. Je vais souvent à Manhattan, de Princeton ce n’est pas loin, il m’est arrivé d’y donner des concerts, pas au MET ni à Carnegie Hall, dans des petites salles. Chaque année j’assiste à quelques opéras dans la vénérable institution.
Sans prévenir mon illustre mère, j’ai réservé une place. La représentation est exceptionnelle, l’orchestre, la mise en scène, les chanteurs, tout est parfait, mais c’est ma mère qui recueille le plus d’applaudissements, un vrai délire.
Je ne l’ai pas revue depuis mon départ de Paris, il y a dix ans déjà. Je me faufile vers les coulisses, mon nom me permet d’approcher la loge de l’ étoile. Quand elle me voit , son visage se fige. Je n’attendai

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