Les oies sauvages
292 pages
Français

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Les oies sauvages , livre ebook

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Description

Lorsqu'elle arrive en France en 1958, après l'indépendance de la Tunisie, Geneviève Goussaud-Falgas est bien décidée à tourner la page : cette époque coïncide avec son entrée à la faculté, à Toulouse, et elle veut construire sans nostalgie sa nouvelle existence. Quarante-six ans après, le passé resurgit par hasard. Naît alors un impérieux besoin de faire revivre, par la saga de sa propre famille, l'univers disparu de l'émigration européenne en Tunisie : une histoire d'hommes et de femmes pris dans l'époque coloniale puis de la décolonisation, tels des oiseaux migrateurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 308
EAN13 9782336270333
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A mes fils, à mes belles- filles, à mes petits-enfants
Jean-Christophe et Martine, Jean-Denis et Alexandra
Anthony, Adeline, Justine, Emilie
Les oies sauvages
Une famille française en Tunisie (1885-1964)

Geneviève Goussaud-Falgas
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296095151
EAN: 9782296095151
Sommaire
Dedicace Page de titre Page de Copyright Remerciements Avant-propos Chapitre I - LA NUIT DU RETOUR Chapitre II - LE TEMPS DE L’EMIGRATION Chapitre III - L’ANCIEN PALAIS Chapitre IV - TOUT UN VILLAGE Chapitre V - LA FERME Chapitre VI - LE VOYAGE A GADHAMES Chapitre VII - LA PAIX DU SOIR Graveurs de mémoire
Remerciements
Je remercie tous ceux qui m’ont aidée de leur mémoire à reconstituer ce passé avec le plus d’exactitude possible, me permettant ainsi de faire de ce témoignage personnel un récit où beaucoup pourront trouver un écho de leur propre histoire.
« Tout ne s’use pas, tout ne disparaît pas. Peut-être en est-il ainsi, de quelque façon, pour nos vies elles-mêmes ».
Jacqueline de Romilly, (Les Roses de la solitude, Editions de Fallois, 2006)
Avant-propos
Ecrire un récit autobiographique est une entreprise difficile. En premier lieu, peut-on le justifier autrement que par le désir de se mettre en scène ? Sans doute en recréant le contexte historique, car c’est lui qui joue le rôle du destin, ouvre la voie et détermine les modes de vie. Les hommes s’adaptent à l’Histoire à laquelle ils appartiennent. Des circonstances particulières ont façonné la lignée dont je suis issue, sur cinq générations : l’époque de l’expansion coloniale, qui a provoqué les mouvements d’émigration vers l’Outre-mer puis les vagues du reflux vers la métropole. Après l’expatriation, le rapatriement. Ainsi l’époque évoquée, et elle doit l’être avec rigueur, donne-t-elle de l’intérêt aux vies qui s’y sont inscrites : c’est à ce titre que les expériences vécues peuvent être portées à la connaissance des autres, car elles ont valeur de témoignage.
Ensuite, pour donner la chaleur de la vie à ce contexte historique, il est nécessaire de rappeler les êtres, et ils sont nombreux, qui ont vécu cette histoire. Je n’ai donc pas évoqué ce passé si foisonnant en me référant à mon seul point de vue. Mais il peut y avoir contradiction dans le sens où c’est mon regard qui est au centre du récit, et que ce dernier prend souvent un tour très personnel : le lecteur doit aller au-delà de ces variations intimes pour y voir les aspects divers d’une existence partagée par beaucoup. Pour concilier le personnel et le collectif, pendant de longues années j’ai fait la chasse aux mémoires laissés par les aînés disparus, interrogé le plus grand nombre de témoins, tout cela confronté à mes propres souvenirs. Enfin j’ai croisé ces documents, écrits et oraux, avec pour guide le travail nécessaire sur la mémoire : elle est partiale, infidèle, souvent approximative. Les souvenirs sont des sables mouvants.
Mais la recréation du contexte historique et de la vie des hommes qui en a découlé ne suffit peut-être pas à maintenir l’intérêt jusqu’à la fin de la lecture, du fait que la fiction romanesque et la libre imagination n’ont pas de place dans ce type de récit. Il faut lui donner un autre caractère, celui par exemple qui s’attache à l’atmosphère née des paysages, des senteurs, des impressions, des sentiments. Il participe en effet de ce qu’on appelle l’esprit des lieux, représentant le côté immatériel et indissociable de cette histoire perdue. D’où naît une certaine petite musique qui crée un lien entre l’auteur et le lecteur et se prolonge encore un peu une fois le livre refermé.
Suivre ces orientations n’est pas un pari gagné d’avance, mais si tel est son objectif, le récit entrepris peut-il du moins essayer d’y tendre.
Geneviève GOUSSAUD-FALGAS
Chapitre I
LA NUIT DU RETOUR
L’avion prend son envol, pleins gaz, dans l’angoisse de la nuit trop vite arrivée. Toulouse s’éloigne, les circonstances me rendent nerveuse. J’envie mon frère qui, assis à ma gauche, montre un calme de moine bouddhiste et peut déjà se mettre à lire. De l’autre côté, plus tendue, ma cousine a posé sa main sur mon bras. Je ne suis pas à l’aise en avion. L’heure tourne cependant malgré la fébrilité tenace qui me vient aussi de la destination du voyage. L’hôtesse fait une dernière annonce, en arabe et en français : nous sommes arrivés, l’airbus atterrit, s’immobilise. Dans le branle-bas des ceintures que l’on déclique et des réacteurs qui s’arrêtent, la porte s’ouvre, dégageant un vaste tarmac.
Je lutte contre le nœud de sentiments qui me serre la gorge, contre les bouffées d’émotion surgies des lointains de ma première vie. Il me faut pourtant avancer. Du haut de la passerelle, je découvre tout l’horizon en demi-cercle bordé de milliers, de millions de lumières qui donnent à la nuit une couleur laiteuse, et je reçois en plein visage l’odeur oubliée du lac de Tunis. L’instant est magique. Alors il se passe quelque chose d’irrationnel que je n’aurais pu imaginer quand, à l’occasion, je pensais à un improbable retour : l’odeur du lac, en cet instant précis, a balayé toute émotion et je n’éprouve plus aucune nostalgie, seulement un puissant bonheur à me retrouver là. Comme une rupture dont le souvenir se serait effacé par miracle. Une absence de quarante six années qui n’aurait été qu’un éloignement volontaire pour connaître ailleurs d’autres jours de ma vie. Je reviens au pays. Tout simplement.
Les locaux de l’aéroport sont clairs, le bleu y domine, les formalités de l’arrivée se déroulent sans encombre. Nous récupérons les valises, tournant nos regards vers les barrières où l’on doit nous attendre : en effet, Hubert et Annie sont là, qui nous adressent des signes de joie. Ils sont arrivés quelques heures avant nous, d’un vol en provenance de Lyon. Tout se passe très vite : nous voilà installés dans la kangoo vert sombre qu’ils ont louée pour la durée du séjour. On sent une chaleur familiale intense à nous retrouver dans cet espace clos : quatre cousins germains, avec le même sang qui coule dans leurs veines, qui ont eu la même enfance, dans les même lieux, avec leurs racines dans la même histoire. Peu importe, en cet instant précis, l’épaisseur de notre vie en France qui nous a tous séparés depuis longtemps. Quant à Annie, cousine par mariage, elle a connu les mêmes conditions d’existence, dans une famille encore plus anciennement installée en Tunisie. La voiture démarre, trouve son chemin avec facilité : Hubert connaît, puisqu’avec sa femme ils y reviennent à peu près tous les deux ans depuis 1980, date de leur premier retour.
De chaque côté de l’autoroute qui mène de l’aéroport à la ville de Tunis, ou qui en revient, ce ne sont que lumières, routes secondaires et bretelles, panneaux de signalisation, immeubles après immeubles : un environnement identique à celui que nous connaissons de l’autre côté de la Méditerranée. Il doit bien y avoir des palmiers, ici ou là, mais la nuit les efface et ce n’est pas ici qu’on peut trouver l’Orient. Déception ? Non, je n’éprouve rien de tel. Simplement, l’étendue de la ville me surprend même si je m’étais préparée à toutes sortes de changements.
Et puis se sont accomplis les gestes qui accompagnent les voyages : arrivée à l’hôtel, coup de téléphone rapide aux enfants, en France, fiches d’identité à remplir, montée par l’ascenseur en direction des chambres. Comme des collégiens en vacances nous avons visité chaque chambre, nous raccompagnant les uns les autres, du 7 e étage au 12 e , exprimant notre joie sans réserve avant de redescendre au restaurant de l’hôtel : un buffet disposé en rond, bien garni et coloré, nous réjouit le regard, aiguise les appétits. Hubert s’est éclipsé un instant et, quand il revient, Annie lui demande “ s ’ il a tout trouvé”. S’entendant répondre par l’affirmative, pendant qu’il sort de derrière son dos un sachet de pharmacie bien gonflé, elle nous explique avec sa verve habituelle, détaillée, pr&#

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