Les tripes au soleil
77 pages
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Les tripes au soleil , livre ebook

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Description

Georges Garnier reçoit dans les bureaux de son agence de détectives une magnifique jeune femme désireuse de l’embaucher, éventuellement de la protéger d’un caïd américain de la drogue, dont elle fût la maîtresse et qui, de passage en France, serait susceptible d’en profiter pour se venger d’elle.


Bien qu’il sente que sa « cliente » lui ment dans les grandes largeurs, il accepte le dossier.


Quand, le soir même, la divine créature lui donne rencard dans sa chambre d’hôtel pour bavarder, Jo – ainsi que tout le monde le surnomme – est fidèle au rendez-vous sans se douter de ce qu’il va lui arriver...


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782373476903
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES DESSOUS DE L'AGENCE GARNIER - 1 -
LES TRIPES AU SOLEIL
de J.A. FLANIGHAM
I
Georges Garnier, Jo pour les intimes, considéra son bureau dans une moue dubitative, en se répétant qu'il avait des goûts de cocotte.
Rien, dans la pièce, n'évoquait le bureau d'affaire s. Il l'avait voulu ainsi, d'ailleurs, poussé en cela par d'obscurs réflexes sur la qualité desquels il n'avait jamais autrement essayé de s'appesantir.
Les immenses fauteuils d'un vert agressif, liseré de cuir ivoire, le lampadaire de fer forgé, l'immense table Empire, non, à vrai dire, to ut cela ne faisait pas sérieux, mais fichtre, ça n'avait pas tellement d'importance.
Se soulevant légèrement du fauteuil pivotant dans lequel il était plus vautré qu'assis, Jo se considéra dans l'immense glace qui lui faisait f ace, et se fit à lui-même un clin d'œil complice, en se souvenant, avec un rien d'émoi orgu eilleux, de la réponse qu'il avait récemment faite à l'envoyé spécial de la Télévision qui l'interviewait devant les projecteurs. À la question classique :viez pas choisi« Qu'eussiez-vous aimé comme profession si vous n'a celle de détective ? », Jo Garnier avait répondu, avec ce cynisme souriant qui n'appartenait qu'à lui« Sans nul doute, j'aurais été acteur. J'ai une âme de cabotin... »
Jo soupira, regarda encore autour de lui, alluma no nchalamment une cigarette, en se répétant qu'il vivait dans un décor super style Hol lywood, puis il se tourna vers la porte capitonnée de droite, celle qui donnait sur le bureau de Christiane, laquelle faisait dans la pièce une entrée légèrement « cinéma » elle aussi.
La contemplation de Christiane était un repos pour l'âme, et pas toujours pour les sens. Tout dépendait du point de vue où l'on se plaçait, rectifia intérieurement Jo, en souriant à sa secrétaire, qui s'avançait vers le centre de la pièce avec cette démarche insolente qui mettait curieusement en valeur un buste agressif, une taille susceptible de faire piquer une crise de jalousie au mannequin-vedette de Jacques Fath, et des jambes à l'avenant. — Vous avez compulsé le dossier Minnier ? fit nonch alamment Christiane en parcourant de son tendre regard vert le patron souriant. — Pas encore eu le temps, avoua-t-il, je rêvassais. Elle leva les yeux au ciel, dans une expression qui pouvait signifier une infinité de choses, et s'approcha du bureau : — Il y a une dame dans le salon de réception.
— Ah ! fit Jo.
Il pensait que la qualité du coloris des yeux de Christiane était quelque chose de tout à fait sensationnel dans le genre, et, qu'il était fi chtrement regrettable que lui, Garnier, ait décidé une fois pour toutes, qu'il ne fallait pas confondre le travail et la bagatelle.
— Comment, cette dame ? Christiane eut une légère grimace qui renforça l'expression sensuelle de sa physionomie. — Mieux que cela, dit-elle.
Elle ajouta, en aparté :
— Avec un rien d'insolite dans l'attitude.
Christiane était une fine psychologue. Aux heures d'abandon, elle ajoutait« je ne suis pas tellement intelligente, mais j'ai un de ces fla irs... ». C'est la raison d'ailleurs pour laquelle Jo l'avait choisie, et, depuis deux ans qu 'ils collaboraient, il n'avait certes pas à s'en plaindre.
— Quel genre, dans l'insolite ?
Elle le fixa avec des yeux impassibles :
— C'est vous, ou moi, le super détective ? Puis elle fit volte-face, ce qui mit curieusement en valeur des hanches impeccables, et retourna en direction de la porte. — Je la fais entrer immédiatement ? lança-t-elle en détournant légèrement la tête.
L'œil doucement rigolard, Jo approuva d'un signe de tête, en se disant que Cricri avait toujours la même attitude insolente quand une jolie fille demandait audience.
— Immédiatement, approuva-t-il, en rectifiant ostensiblement son nœud de cravate.
Christiane referma la porte dans un léger haussement d'épaules, puis il ouvrit le dossier posé devant lui, se plongeant dans la lecture de phrases qui dansaient devant lui, comme autant de lutins et ne parvenaient pas à exprimer la moindre résonance dans son crâne.
Et la porte s'ouvrit, poussée par Cricri, qui annonçait :
— Madame Jeanne Dupont !
Et la femme entra.
Jo se leva, et la regarda intensément.
« Mieux que cela », avait dit Christiane, et elle avait encore été en dessous de la vérité.
Elle fit quelques pas au centre de la pièce vers Jo qui s'inclinait et lui désignait un fauteuil dans lequel, royalement elle se laissa tomber.
Il l'examina rapidement. En trente secondes, il « j augeait » un individu. En trente secondes, il nota tout. L'expression supérieurement dédaigneuse du regard gris, protégé par d'immenses cils bruns. La forme spirituelle du nez, un peu trop petit, et diablement sensuel, dont les narines largement ouvertes, palpitaient imperceptiblement. Les pommettes hautes, qui soulignaient la forme oblique du curieux regard étiré. Le menton carré, les lèvres trop larges, dont l'inférieure épaisse, un peu tombante, renforçait l'arrière impression de bestiale sensualité du visage.
Elle était d'une élégance raffinée, vêtue d'un ample manteau d'épais jersey gris, bordé aux manches et dans le bas d'une bordure de zibeline. Et c'était vraiment de la zibeline, pensa Jo en insistant à deux reprises sur la fourrure.
Il poussa un fauteuil vers elle. Il n'aimait pas bavarder avec les clientes derrière son trop vaste bureau. L'élément psychologique n'y était pas. Il écrasa sa cigarette, puis relevant la tête, la considéra franchement, le regard en plein dans les yeux, en se répétant qu'elle n'était pas jolie, mais farouchement excitante. Le regard de Jo questionnait. C'était un truc à lui. Il attendait toujours que le client, désarmé, manque de toc et se livre plus qu'il ne le désirait. Avec les femmes, ça ne loupait jamais.
Avec une superbe tranquillité, elle lui rendit son regard questionneur et vaguement ironique, puis, sortant un étui à cigarettes de son sac, elle l'ouvrit posément, en sortit une cigarette qu'elle alluma avec la même minutie, referma l'étui, le fourra dans son sac, puis après une lente aspiration de fumée qu'elle rejeta par les narines : — Vous êtes bien Jo Garnier ? Le super-détective ? S'il fut vexé, rien n'en transparut sur son visage. Il se contenta d'incliner lentement la tête, et répondit :
me — Êtes-vous réellement M Jeanne Dupont ?
Elle rit — Moi, je suis réellement Georges Garnier. — Mon nom réel n'a pas tellement d'importance, dit- elle d'une voix subitement concentrée. En fait, il n'a pas d'importance du tout Je... Elle regarda autour d'elle, puis, avec la même insouciance des débats : — N'auriez-vous pas quelque chose à boire ? Il s'inclina, se leva, ouvrit un large bahut, en so rtit une table roulante, qu'il traîna au centre de la pièce. — Du Cinzano avec quelques gouttes d'Angustura, et deux cubes de glace.
Il obéit, lui tendit le verre.
— Vous ne buvez pas ?
Elle en avait déjà ingurgité une bonne moitié.
— Ça dépend des moments.
Elle posa le verre sur la table, ouvrit son sac, en sortit un paquet de photographies qu'elle posa sur ses genoux. Puis son étrange regard gris, avec une soudaine acuité, se posa sur le visage de Jo, attentif. — Je me suis soigneusement renseignée sur vous avant de me décider à venir, dit-elle. Je sais que vous n'entreprenez jamais rien qui ne soit en dehors de la légalité. Je ne sais pas si...
— Allez droit au but, fit gentiment Jo.
Elle prit son verre, en termina le contenu, le reposa bruyamment sur la table de glace. — Vous avez déjà entendu parler de Star Lucky ? Jo tressaillit intérieurement, mais sa voix eut le même diapason pour répondre d'une voix tranquille : — Tout le monde a plus ou moins entendu parler de Star Lucky ! — J'ai, durant deux années, été à Chicago, la compagne de Star Lucky. Or, il a débarqué en France depuis trois semaines, et je sais qu'il me cherche.
Star Lucky en France ! Le plus redoutable chef de gang, le roi de la drogue, celui que l'Interpol soupçonnait d'être le maître incontesté, de Tanger à Rome, en passant par les Indes, la Chine, de tout le trafic de l'opium, de l'héroïne.
Jo regarda attentivement la jeune femme qui le fixait intensément. — Je sais, fit-elle d'une voix sourde, que j'aurais dû avoir cette conversation avec un membre de la police officielle, mais je ne le puis pas. J'ai trop peur. Il n'ajouta pas qu'il la comprenait. On racontait dans certains milieux que, sous divers aspects, la légende de Star était en dessous de la réalité.
— Depuis combien de temps avez-vous fui l'Amérique et Lucky Star ?
— Deux ans. — Et vous ne trouvez pas étrange qu'il ait attendu aussi longtemps que cela pour courir à votre recherche ? Elle le fixa d'un regard neutre, puis d'une voix qui avait encore baissé d'un ton : — Lucky est gars à savoir concilier le sens des aff aires et son sens de la vengeance personnelle. — Vous pensez donc que ses affaires l'ayant appelé en France, il en profite pour tenter de...
Elle répondit avec insolence :
— De me récupérer ou de me supprimer.
— Vous avez des preuves ?
— Je suis filée depuis trois jours.
Il se demanda pourquoi elle mentait. C'était toujou rs ainsi avec les filles, se dit-il en rageant intérieurement, il y avait toujours un moment où elles éprouvaient le fichu désir d'ajouter de la sauce. Il aurait juré qu'elle mentait. C'était tangible à l'expression de la voix, au regard, à la bouche. Jo aimait prétendre qu'il était peut-être le seul type au monde à savoir déceler le moment précis où quelqu'un commençait à mentir.
— Quel est votre nom réel ?
— Jane Marnier.
— Nationalité ?
— Française.
— Je ne vous demanderai pas votre âge. — Je ne suis pas assez gourde ni assez vieille pour avoir à le cacher déjà. J'aurai trente et un ans en juin. Elle ne les paraissait certes pas.
Et il revint au fort du sujet :
— Ainsi vous êtes filée ? Qui vous prouve que ce soit par Lucky ou un de ses gars.
Là, elle manqua de toc. Imperceptible, mais elle trébucha.
— J'ai des antennes, répondit-elle trop vite. On ne vit pas impunément pendant plusieurs années avec un type comme lui sans acquérir une sorte de sixième sens.
— Bien sûr, convint-il.
Il désigna le paquet de photographies.
— Vous avez certainement l'intention de me les confier ?
Elle les lui tendit, et expliqua : — Depuis son drame de Boston, Lucky Star a jugé bon de se faire refaire la face. Je suis — dans le clan adverse — une des rares personnes po uvant connaître le nouveau visage de Lucky. Elle se leva, se pencha par-dessus Georges qui examinait attentivement les photos. Il fut inondé des effluves d'un parfum étrangement prenant dont elle était imprégnée, et, par-dessus l'épaule, lui jeta un regard indécis, en faisant remarquer, il ne savait au juste pourquoi :
— Dans une certaine mesure, il est plutôt excusable de bourlinguer sur les continents à votre recherche, vous ne trouvez pas ?
Elle eut un sourire qui pouvait faire la pige à tou s ceux que Rita Hayworth était susceptible de déverser dans la grande scène du 3, et revint nonchalamment à son fauteuil. Elle croisa ses jambes un peu plus haut, et Jo, en se disant que ça ne faisait de mal à personne, se rinça l'œil hypocritement — et outrancièrement.
Puis il reposa les photos sur le bureau.
— Que voulez-vous de moi ? — Je pourrais parier que, d'ici vingt-quatre heures , Lucky va me contacter, dit-elle. J'aimerais que, lors de l'entrevue qu'il ne manquera pas de me réclamer et à laquelle je ne manquerai pas de me rendre, quelqu'un soit là.
— Pour vous protéger ? Caché dans la penderie aux vêtements ou dans le placard de la salle de bains ? Il vit à l'éclat furieux de son regard qu'elle n'aimait pas ce genre de plaisanteries faciles, et, d'une voix sèche : — Acceptez-vous, oui ou non ? Il se leva.
— Il me faut réfléchir à la question. A priori, il n'y a pas de raison pour que je n'envoie pas un de mes hommes vous assister. Lucky est un type de poids. Il est recherché par toutes les polices... Il est vrai que...
— Il est vrai ?
Elle avait questionné avec trop d'impatience dans le ton, et il n'était tout de même pas né de la dernière couvée. — Je ne voulais rien dire de tellement spécial, avoua-t-il. Elle se leva, puis, se ravisant, ouvrit son sac.
— J'imagine que je dois vous verser des arrhes ?
— Ce n'est pas une obligation. Vous ne savez pas encore si Lucky vous contactera et si vous aurez besoin des services de l'agence. Elle eut un geste d'irritation, sortit un stylo, et remplit un chèque, qu'elle rédigea rapidement, arracha et tendit à Jo. — Cela ira ?
— C'est fastueux ! approuva Georges, qui plia le chèque et le fourra dans le tiroir de son bureau.
Il vint vers elle :
— Quand pensez-vous me téléphoner ?
— Demain matin.
Elle lui décocha un sourire languide : — Vous m'enverrez un de vos hommes ? Vous n'avez pa s l'intention de venir vous-même ? — Pourquoi cette question ? fit Georges, la bouche sèche.
Inutile de la poser en effet, le regard subitement chaviré de l'étrange fille était plus circonstancié qu'une explication de trois chapitres. — Ne faites pas l'enfant, dit-elle. Elle était proche de lui, et ses yeux levés vers lu i avaient un éclat bouleversant. Jo se maudit de s'être à tout jamais imposé cette foutue règle« boulot-boulot », « bagatelle-
bagatelle », et, dans un sourire navré : — Vous êtes trop ravissante, mon cœur. J'en perdrais mon goût de l'enquête. Elle eut un curieux rire de gorge :
— Vous êtes irrésistible !
Elle avait l'air de se payer royalement sa fiole, puis, allant rechercher dans le magasin aux accessoires le regard voluptueux n° 3 bis de l' instant d'avant, reprit, après un long soupir : — Mais lorsque l'enquête sera terminée, il n'y a au cune raison pour que nous ne bavardions pas intimement, non ? Il eut un sursaut horrifié :
— Mais comment donc !
D'un geste nonchalant, il lui caressa l'épaule, et il eut l'impression qu'elle frémissait — ou alors, c'était fichtrement bien imité. — Et à certains moments, mon chou, vous ne pouvez pas savoir comme je sais être...
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