La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 04 septembre 2019 |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782851137876 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Benoit Asselin
Les Versants d’Épilobes
Roman
© Lys Bleu Éditions – Benoit Asselin
ISBN : 978-2-85113-787-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Au beau milieu de la forêt, on vit une femme gravir une pente en lacet.
Elle reboisait tranquillement jusqu’à terminer sa course à la cime d’un rocher.
Hélène Bourgeois 1955 – 2007
Le retour
Il a quelques années, j’ai pris soin de prendre un billet d’avion pour m’élever au-dessus du terre-à-terre afin d’améliorer mon quotidien. J’ai acheté un billet, un aller simple pour faire un tour du monde singulier, mais surtout pour m’échapper de la grisaille, sans horizon, d’une décennie d’austérité.
À la marche, je me suis révélé devant des paysages fabuleux occupés par des communautés paisiblement installées sur la ligne circulaire de l’équateur. En toute liberté, j’ai vagabondé pendant des mois sur la partie la plus volumineuse du globe, sur le trait le plus long qui m’a servi de pont pour franchir de nombreux continents. J’ai parcouru les chemins les moins fréquentés menant au cœur de l’éternité, dans des pays bercés par les plus belles mers bordées de tropiques ensoleillés.
Le seul dénouement possible de mon errance fut de me retrouver devant un douanier cartésien, fortement intrigué par les nombreux visas attribués par les ambassades et les consulats qui coloraient mon passeport depuis des années. J’avais fait un long voyage qui m’avait permis de sillonner les chemins les plus lumineux et les plus colorés du monde sans envisager, le moindrement, l’hypothèse d’un retour. Mais hélas ! J’ai dû revenir.
***
Depuis mon arrivée inattendue au pays de l’érable, j’habite chez un ami dans un immeuble mal isolé sur une rue passante de la ville de Montréal. J’ai un matelas déposé à même le sol d’une chambre entièrement vide et le peu de vêtements que je possède est plié et placé directement sur le plancher de bois usé. La pièce est sombre. La toile opaque, mal fixée à la fenêtre, ne s’enroule plus. L’obscurité fait partie du loyer. La ville est bruyante, grise et froide et le timide soleil printanier ne réchauffe pas suffisamment les rues et les ruelles partiellement enneigées.
Pour fuir l’ordinaire de ma sombre demeure, je passe une veste chaque matin pour aller boire un café sucré sur la rue la plus animée du quartier, là où le deuxième café est gratuit si l’on commande à déjeuner. Il me reste quelques sous certes, mais sans plus. Je suis fauché et les conditions ne sont pas favorables à l’emploi.
À l’occasion, mon colocataire m’accompagne. Bien que nous soyons attablés au même endroit, c’est un livre qui est pour moi le premier interlocuteur matinal. La lecture me plonge dans un univers qui réchauffe, un univers qui concurrence efficacement la froide réalité de ma situation. Mon ami, lui, est parfaitement serein. Il dévore la partie substantielle des journaux et tout au bout de ses lectures, lorsque je dépose mon livre sur la table, il résume à sa façon la vie politique et sociale de la journée. Adroitement, il désarticule la conception subjective de la notion du travail et de la consommation, celle proposée avec enthousiasme par la chambre de commerce. Son humanité à l’égard des travailleurs est instructive et elle me semble tout à fait pertinente.
Il me demande de patienter encore quelques semaines avant d’accepter n’importe quels emplois sous-payés. Il ajoute que des amis communs ont démarré une coopérative forestière et qu’ils auront besoin de planteurs d’arbres pour garantir les délais de prescription. Alors, à force d’arguments favorables, je contacte l’entreprise pour soumettre mon nom. Je suis embauché sur-le-champ.
En attendant que le printemps ait une véritable emprise sur la fonte des neiges, je fouille la ville à la recherche d’équipements gratuits pour aller planter des arbres dans la région de Lanaudière. C’est une occasion de me refaire.
***
Le spleen du retour
Le campement forestier s’installe dans une jeune forêt reboisée de pins blancs, sur une rive sablonneuse du Réservoir Taureau. Le site est remarquable. Le lac artificiel est vidé d’une large partie de son eau pour l’entretien d’un barrage hydroélectrique en amont. Le réservoir pratiquement asséché offre pour l’occasion une immense étendue de sable grossier jusqu’au bord du lit de la rivière d’origine.
Je connais la moitié du groupe de planteurs présent sur le camp de reboisement, tandis que l’autre se compose d’amis de la coopérative. Ce sont des hommes et des femmes qui débarquent de l’Ouest canadien pour aider au bon démarrage de la nouvelle entreprise. C’est ma première saison de reboisement. C’est un jour de mai tout juste avant la floraison des lilas et le détestable hiver prolonge la durée de sa saison, il fait encore froid.
***
Je m’engage à la dure dans une rude épreuve pour regagner rapidement la voie séduisante des voyages initiatiques, une voie que j’ai troquée provisoirement au diable pour me poser en déséquilibre dans une pinède artificielle de Lanaudière. Je débarque d’un long périple qui m’a conduit involontairement jusqu’ici. Je nourris une profonde mélancolie. C’est une lourde épreuve à surmonter et je ne saisis pas toute la dimension émotive de cette déprime.
Le jour, je me sacrifie à développer de nouvelles habiletés. Je gagne mon sel à m’épuiser à grands coups de pelle pour planter de miniatures boutures d’épinettes noires dans un mauvais sol. Le soir, je marche seul sur la plage pour tenter de retrouver un tantinet de lumière. J’ai l’esprit sombre, mais je n’ai pas encore abandonné l’idée de retrouver les chemins ensoleillés. C’est une période charnière de ma vie où je dois reculer d’un pas pour avoir un meilleur élan. Je ne suis pas du tout immobile, mon esprit s’inscrit volontairement dans la mouvance de ceux qui veulent se reprendre en main. J’ai parcouru des milliers de kilomètres de caillasse. J’ai rencontré des centaines d’individus bizarres et mon esprit a jugulé des tonnes de doutes, mais je reste là, muet, sans résultats probants sur la vague à l’âme qui commence à peser lourd sur mes épaules. Je m’isole.
En général, on définit la solitude comme une attitude asociale, mais pour moi, c’est un repaire. Me retrancher dans le silence permet l’orchestration de ma pensée. Je vis un débat intérieur difficile et cacophonique. Je me triture la cervelle à explorer les chemins les plus courts et les plus raisonnables pour fuir la réalité de ce qui m’apparaît insupportable, mais le pauvre résultat de mes réflexions est difficile à structurer. Mon raisonnement s’avère intangible et insaisissable, je n’arrive pas à cerner mon mal-être pour m’en débarrasser.
***
J’arrive à peine d’un long voyage. Un voyage de plusieurs années. Une randonnée singulière qui m’a appris à conjuguer les impératifs de la vie avec beaucoup de