Lire ou relire Proust
128 pages
Français

Lire ou relire Proust , livre ebook

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128 pages
Français

Description

L'architecture chez Proust est très belle mais il advient souvent, comme il n'enlève rien à l'échafaudage, que celui-ci prenne plus d'importance que le monument même dont le regard sans cesse distrait par le détail ne parvient plus à saisir l'ensemble. Voici donc une moisson de joyaux relevés au cours de ce Voyage à travers "La recherche du temps perdu".

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2014
Nombre de lectures 12
EAN13 9782336339344
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Éditeur
Rémi DREYFUS
Lire ou relire Proust
Voyage à travers « La recherche du temps perdu »
Les impliqués É d i t e u r
Lire ou relire Proust Voyage à travers
«La recherche du temps perdu»
Rémi DREYFUS
Lire ou relire Proust
Voyage à travers
«La recherche du temps perdu»
Les impliqués Éditeur
© Les impliqués Éditeur, 2014 21 bis rue des Écoles, 75005 Paris www.lesimpliques.fr contact@lesimpliques.fr ISBN : 978-2-343-02330-4 EAN : 9782343023304
AVANT-PROPOS
a lecture deLa Recherche du Temps perdum’a sauvé la vie, L et voici comment.
J’étais en 1937 élève à HEC et, comme dans toutes les grandes écoles, on considérait que les futurs cadres de la vie économique du pays devaient se préparer à être des cadres dans l’armée en temps de guerre. Il y avait à l’École deux heures par semaine d’enseignement baptisé : Préparation Militaire Supérieure, la PMS.
Je ne me sentais pas vocation à suivre cet enseignement, si bien que je répondis avec une désinvolture voulue à la première interrogation écrite portant sur la sécurité d’un escadron en marche. Je remis une copie sur laquelle j’avais écrit : « Père gardez-vous à droite, Père gardez-vous à gauche ». Depuis Jean le Bon on avait jamais rien dit de mieux sur le sujet de l’interrogation !
Le capitaine instructeur me fit appeler et me dit à peu près ceci : « nos travaux n’ont pas l’air de vous intéresser, mais je vous serai obligé d’assister à nos cours ; c’est le règlement de votre école. Mais installez-vous où vous voudrez pourvu que vous ne nous dérangiez pas ».
Je m’assis donc tout en haut de l’amphithéâtre et, deux heures par semaine, je lus Proust. Au bout de ces deux ans,
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la durée des études à HEC avant la guerre, j’avais terminéLa Recherche du Temps perdu.
Mais au bout de deux années, ce fut la guerre et les bons élèves qui furent versés dans la cavalerie se retrouvèrent à Saumur et périrent à peu près tous dans un baroud d’honneur que l’École de Cavalerie engagea contre les chars allemands pour défendre le pont sur la Loire.
Le mauvais élève que j’avais été fut mobilisé, bien sûr, mais dirigé vers des lieux qui furent plus calmes, et c’est ainsi que cette lecture me sauva la vie en juin 1940.
Mais si j’associais, bien malgré moi, l’œuvre de Proust à la défaite de la France, j’ai voulu quatre ans plus tard qu’elle soit associée à la victoire. J’ai donc pris soin, avant d’être parachuté en Normandie le 6 juin 1944, de glisser dans mon paquetage un volume deLa Recherche... Sa lecture possible était en plus une assurance contre l’ennui qui accable tout militaire pendant les longs moments qui précèdent ou suivent les courts instants d’activité plus ou moins dangereuse ou plus ou moins glorieuse.
Je ne suis plus aujourd’hui ce jeune homme de 20 ans passionné par l’œuvre de Proust qui avait pris soin, pendant six années de guerre, de ne jamais se séparer d’un au moins de ses ouvrages, mais j’ai 73 ans de plus et je me désole de voir l’œuvre de Proust si souvent méprisée ou méconnue, en particulier par les jeunes générations. En m’interrogeant sur la manière de vaincre leurs préventions, je fus surpris de lire dans leJournalGide, à la date du 22 septembre d’André 1938 :« L’architecture chez Proust est très belle mais il advient souvent, comme il n’enlève rien à l’échafaudage, que celui-ci prenne plus d’importance que le monument même dont le regard sans cesse distrait par le détail ne parvient plus à saisir l’ensemble ».
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En écrivant cela dans sonJournal, Gide cherchait peut-être à expliquer pourquoi lui-même et ses amis de la jeune NRF avaient méprisé 25 ans plus tôt, en 1913, le premier tome de La Rechercheque publia Grasset sous le titreDu côté de chez Swann.
Cent ans plus tard, en 2013, le lecteur enchanté que je suis ; comprit que cet échafaudage dresse en effet devant les jeunes lecteurs d’aujourd’hui un rideau qu’il suffirait peut-être d’écarter pour révéler les plus beaux passages deLa Recherche.
Si je pense aux très belles pages sur la mémoire, sur l’écoulement mystérieux du temps, qui ouvrentLe temps retrouvé,je dois avant de les atteindre lire plus de deux cents lignes décrivant le vieux Charlus aux Champs Élysées échangeant avec Jupien ses confidences de « pédé » et saluant jusqu’à terre une Madame de Sainte Euverte qu’il n’aurait même pas reçue dans son salon. Ces lignes très « proustriennes » charmeront l’amateur mais seront un pensum pour un jeune lecteur d’aujourd’hui et je crains qu’il ne s’arrête sans aller plus loin jusqu’aux merveilles qui suivent cette scène d’un autre âge.
C’est à ces pensées mémorables sur le temps, le souvenir, l’oubli ou la mémoire que j’ai pensé en détachant de leur gangue les joyaux les plus beaux que nous ait offerts Marcel Proust.
Je sais bien qu’en isolant toutes ces belles phrases j’encourrai le reproche fait au promeneur sacrilège qui arrache à la forêt une fleur lui appartenant, mais n’est-ce pas plutôt dans la broussaille étouffante cueillir une fleur pour la délivrer du roncier ?
Quand enfin je relis, au début deDu côté de Guermantes,les beaux passages sur les Noms, sur leur signification, leur
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identification, voici qu’après deux pages magnifiques le narrateur semble conclure son développement sur une phrase déconcertante où il n’est de nouveau question que des saluts qu’on doit, ou qu’on ne doit pas, au promeneur qu’on rencontre.
« Alors le Nom […..] n’est plus que la simple carte photographique d’identité à laquelle nous nous reportons pour savoir si nous connaissons, si nous devons ou non saluer une personne qui passe. »
C’est charmant. C’est tout le pinceau de Cheret, ou d’Helleu, montrant belles dames et beaux messieurs à la promenade des Acacias. Mais qu’en pensera l’étudiant parisien qui croise Boulevard Saint-Germain plus de policiers en voitures que de marquises en calèches ? Au mieux il sourira, au pire il refermera le livre.
C’est pour lui rendre l’envie de poursuivre sa lecture que je pense nécessaire de dégager les joyaux proustiens de leur gangue salonarde qui a vieilli plus vite que l’immortelle pensée de Proust.
Certes, dans l’œuvre chaque mot compte, chaque bouton de rose des haies de Combray ou chaque bouton de guêtres des cochers du duc de Guermantes font partie d’une somptueuse liturgie qu’il serait sacrilège de déranger.
Il faut pourtant montrer combien sont proches le « petit Marcel » qui soupe au Ritz et le grand homme qui, une heure plus tard, sur son lit de douleur, se bat contre son asthme et contre la mort pour achever son œuvre.
Mais les valets de pied, les maîtres d’hôtel et l’ordonnance des soupers occupent trop de place et on entend les sarcasmes ou mieux les réserves polies que font les lecteurs moins avertis. Et par ce manichéisme des jugements
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littéraires, ce qui pour beaucoup fait le charme inégalable de l’œuvre n’est pour beaucoup d’autres qu’un rideau de fanfreluches et d’ennui. Je souhaite simplement écarter ce rideau.
Il ne s’agit pas de réunir des morceaux choisis, de composer un recueil d’aphorismes ou de faire une étude de plus sur Proust, « une œuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisserait la marque du prix »
J’ai simplement décidé de me faire orpailleur. J’ai donc passé l’œuvre au tamis d’une lecture attentive et ramené des dizaines de pépites que je livre au plaisir de tous mais surtout à celui des nouveaux lecteurs qui verront ainsi d’emblée toute une partie des trésors deLa Recherche du Temps perdu..
Je souhaite simplement qu’il leur vienne l’envie ou la curiosité de remonter le cours de ce fleuve superbe et riche qui irrigue toute l’œuvre et qu’ils comprennent pourquoi je les invite au voyage.
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