Lumières
142 pages
Français
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Description

Lumières relate la trajectoire vitale d'un jeune Africain dont l'existence est vouée à la lutte contre diverses formes d'adversité. Condamné à souffrir, puis à mourir pour soigner le mal que constitue la vie pour lui, Dieunedort, depuis son lit d'hôpital, se met à visionner le film de sa vie, dénonçant ainsi, sans circonlocutions, et de manière à la fois comique et acerbe, certains maux qui minent notre société, depuis sa naissance jusqu'à l'âge adulte.

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Date de parution 02 février 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9782140028984
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JeanClaude MBA RGA
LUMIÈRES Une vie pleine d’embûches
Lettres camerounaises
Lumières
Lettres camerounaises Collection dirigée par Gérard-Marie MessinaLa collection « Lettres camerounaises » présente l’avantage du positionnement international d’une parole autochtone camerounaise miraculeusement entendue de tous, par le moyen d’un dialogue dynamique entre la culture regardante – celle du Nord – et la culture regardée – celle du Sud, qui devient de plus en plus regardante. Pour une meilleure perception et une gestion plus efficace des richesses culturelles du terroir véhiculées dans un rendu littéraire propre, cette collection s’intéresse particulièrement à tout ce qui relève des œuvres de l’esprit en matière de littérature. Il s’agit de la fiction littéraire dans ses multiples formes : poésie, roman, théâtre, nouvelles, etc. Parce que la littérature se veut le reflet de l’identité des peuples, elle alimente la conception de la vision stratégique. Déjà parus Georges Wilfried OSSA,L’ombre d’une passion ou Un cœur entre deux feux, 2016. Nonyu MOUTASSIE ERARD,Les trophées perdus de l’histoire du Cameroun, 2017. Egbokanlé Roméo SALAMI,L’aventure d’Iwé sur les chemins du savoir, 2016. Chantale Chekam KEMADJOU, Matcha’a ou l’attrait de l’illusion, 2016. Marc KÉOU,Le crépuscule des mœurs, 2016. Maboa BEBE,Salmat la musulmane et Alan le chrétien, 2016. Maboa BEBE,Dangereuses fréquentations. Une arnaque financière, 2016. OPIC Saint Camille,Les chansons du cœur, 2016. Patricia NOUMI,Une aube nouvelle, 2016. Marie-Louise BILO’O NDI,À contrecœur, 2016.MADJIRÉBAYE HERVÉ,Déportation rémunérée, 2016. Hubert ONANA MFEGE,Au fond du crépuscule, 2016.
Jean-Claude MBARGA
Lumières
Une vie pleine d’embûches
Du même auteur, chez L’Harmattan Traité de sémiotique vestimentaire,2010Manuel d’ingrédients culturels camerounais, 2011 L’essence du Camerounais,2012 © L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11030-1 EAN : 9782343110301
C’est alors que je me trouvais seul que je ne cessais de penser à moi. Les moments de solitude, me semblait-il, étaient tout indiqués pour que je fisse, non seulement mon introspection, mais aussi monmea culpaqui était, à n’en pas douter, l’aveu d’une faute que l’on ne devait pas m’attribuer, sinon aux impondérables qui avaient accompagné ma présence sur la terre des vivants ;
A propos de la solitude, celle-ci est très favorable à l’égocentrisme humain, tant elle ne fait de l’homme que son propre centre et sa circonférence. L’être solitaire n’a pas une seule tierce à consacrer à autrui bénévolement ; il n’a personne à qui parler et, à défaut d’un compagnon, il se parle, s’examine, médite. Par ailleurs, solitaire que j’étais, était-ce en raison de ce qu’il y avait un vide humain autour de moi, ou s’agissait-il d’un néant humain accompagnateur, en dépit de la présence physique de congénères humains ?
Quoi de plus inextricable que tout ce galimatias ! Mais je dois avouer qu’il me permit d’élucider ce caractère amphibologique de la solitude. Il y avait donc deux manières de se sentir seul au monde. Pourquoi ce verbesentirlieu au par exemple du verbeêtre? Le solitaire jouant le double rôle simultané de locuteur et d’interlocuteur pouvait bien se le demander. L’homme peut être seul et ne pas le sentir, tout comme il peut ne pas être seul et se sentir seul. De même, il peut être seul et sentir sa solitude, tout comme il peut ne pas être seul et ne pas se sentir seul. Loisible il est au lecteur souffrant de la solitude de se reconnaître dans l’un des cas.
Ces suites d’idées minables, qui pour moi étaient tout un logogriphe, me semblèrent soudainement intelligibles. J’avais longtemps cogité sur ce thème, non pas à cause de ma boulimie sans précédent du bagou, mais de la soif que j’avais, comme tout bon être humain, de connaître le parti qui était le sien en toute chose qui avait trait à son moi. Je finis par reconnaître l’innocuité de ces vocables, par le seul fait qu’ils
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me permirent de savoir le genre de solitaire que j’étais : le solitaire dans un monde d’êtres humains qui n’en était pas un pour moi, car il s’opposait à moi sur le plan des idées, de la souffrance, pour tout dire, de mon être, comme le clos et l’ouvert.
J’étais ainsi seul, et pour que je me sentisse bien, il fallait que j’adoptasse les deux sens que j’avais donnés à la solitude, à savoir, l’attitude simultanée du solitaire de corps et d’esprit. Car ruminer sa solitude parmi ces corps humains était tout un laisser entendre que je cherchais des ennuis subsidiaires tant, me disais-je, mon incompatibilité avec ces congénères par le phénotype était un véritable obstacle entre nous. Mais point n’est besoin de rectifier de moi-même, tellement il est clair qu’alors que je me trouvais seul à seul avec ma personne, je me sentais moins malheureux que si j’avais autour de moi des congénères de la nature humaine. Cependant, j’étais malheureux tout de même. Dans tous les cas, le chien du roi avait beau être le roi des chiens, mais il était sans ambages un chien.
L’état solitaire n’était pas le meilleur moyen d’échapper à la douleur qui déjà avait envahi tout mon être, devenant ainsi mon compagnon de toujours. Non seulement la solitude me libérait de l’air empoisonné de cette engeance pour laquelle je n’étais qu’une cible, mais encore elle me mettait face à face avec moi-même. Je finis ainsi par décortiquer mon moi, lequel à son tour provoqua en ma personne des phobies. J’avais peur de moi-même comme un homme d’un serpent venimeux. Pour moi, j’étais plus que moi-même. Mon dédoublement subit avait fait de moi unjeun et tu, leje ne pouvant malgré ses efforts cacher son animosité pour letu. Dommage que les deux pronoms personnels ne désignaient, paradoxalement peut-être, que la même personne ! Ainsi, tous les efforts déployés afin que je me débarrassasse dutuétaient vains. Tout compte fait, j’étais donc obligé de rester moi-même. Besoin se faisait sentir que je conservasse en
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même temps ce moi indésirable que j’avais découvert en ma personne, et ce moi que j’aurais voulu découvrir en elle.
Mes moments de solitude, faut-il encore le répéter, n’étaient consacrés qu’à moi. Je me regardais alors comme dans un miroir. Tout être humain qui se regarde dans un miroir a indubitablement à dire sur lui-même. Mais qu’était-ce donc cette manière à moi de me découvrir, et quel était le résultat de la sempiternelle auto-analyse que je ne me lassais de faire ? Qui au juste étais-je et d’où venais-je ? Quel sens devais-je donner à la vie dans ce monde qui m’avait accueilli, tant bien que mal ?
Autant de questions auxquelles j’avais essayé de donner des réponses, mais pas tout à fait satisfaisantes. Je ne pourrai par ailleurs jamais opposer des réponses idéales à ces questions, la connaissance de soi étant ce à quoi l’homme aspire au jour le jour. Seulement, me puisse-t-il être permis d’apporter, non pas des solutions à ces diverses interrogations, mais de faire des remarques qui, à n’en pas douter, seraient pour certains des suggestions et pour d’autres un ensemble de mots balourds ou alors des fariboles.
L’état de l’homme seul a toujours entraîné l’existence d’un silence entravant toute intercommunication en dehors du dialogue monologué. Ce silence porte à la tristesse non sans offrir une image de la mort. Il nous rend au sentiment de nos malheurs. Ceci me semble la raison fondamentale pour laquelle le solitaire a toujours plus pensé au pire qu’au meilleur, à ses moments de malheur qu’à ceux de bonheur, bref, au mal qu’au bien. Toutes ces idées veulent pourtant dire la même chose…Ce problème du scepticisme de l’homme entouré de lui-même en est bien un grand ! Le mal a de tous temps été plus indélébile en l’homme que le bien. Un seul malheur nous a souvent plus marqué que mille bonheurs réunis. L’être humain, très perméable qu’il est au bonheur et imperméable au malheur, s’obstine sans cesse à considérer
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celui-ci comme quelque chose d’anormal, pour ne pas dire qui ne doit pas être. C’est compter sans le caractère antithétique des choses. Mais telle est la nature humaine. L’homme par essence est égocentrique. Mais est-ce pour autant qu’il faille enlever à la solidarité sa raison d’être ? Non. Celle-ci est un fait, l’égocentrisme humain en est un autre, et la véracité de l’un n’infirme pas celle de l’autre. Alors que la solidarité rentre dans le cadre de la vie de l’homme en société, la nature n’a cessé de vouloir que les hommes, malgré leur ressemblance aux autres, soient chacun unique en son genre. C’est primordialement en cela que résident l’état solitaire de l’homme et son caractère égocentrique. Lumières, lumières, lumières…
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I J’étais alors dans le néant lorsque l’on me mit dans le ventre de Mamy. Quelques mois après, j’arrivai au monde des vivants par le canal de cette femme à un moment donné, et dans un espace déterminé. Vimbel, cette ville inoubliable me souhaita la bienvenue à ce monde de la peine, qui était tel une pièce de théâtre où chaque acteur entrait en scène pour jouer le rôle qui lui était confié, et ne s’y retirait que lorsque le metteur en scène lui en donnait l’ordre. Mes parents y résidant, je dus y passer toute mon enfance. A cinq ans vint ma première descente aux enfers. Je rejoignis le groupe des enfants qui chaque matin, à l’exception du dimanche, allaient à l’école à la quête du savoir, ce savoir qui était à la base de l’indépendance de beaucoup de gens. Malgré la distance non négligeable qui me séparait de l’école, je ne pus éluder des provocations dues à mes résultats scolaires et mon privilège d’enfant de Mamy, maîtresse -comme on aimait le dire- du cours enfantin. Machinations, défis et coups bas se préparaient à mon encontre. Dieunedort, ce prénom qui m’avait été donné tombait vraiment à poil. Car, comment m’expliquer qu’in extremis je parvenais toujours ou presque à échapper à des séances de redressement qu’organisaient mes petits camarades à mon intention ! Témoignant sans ambages de la sollicitude que la divinité portait à mon égard, ce prénom avait une signification profonde.
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