Maternités avortées
162 pages
Français

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Maternités avortées , livre ebook

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Description

Leur secret, ces femmes l'ont dit sur le divan de leur psychanalyste. Rien n'en sera révélé si ce n'est sous forme de fiction. C'est la forme choisie par l'auteur pour aborder le sujet si difficile de l'IVG, l'interruption volontaire de grossesse. Trois enfants qui ne sont pas nés, mais qui sont ici nommés, vont revivre, chacun à sa façon. Et puis, ils disparaîtront, permettant à leur mère de peut-être revivre, enfin.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 69
EAN13 9782296809857
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MATERNITÉS AVORTÉES
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55057-5
EAN : 9782296550575

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Annie S TAMMLER


MATERNITÉS AVORTÉES

Trois fictions issues de cas cliniques
Du même auteur


Aux Éditions L’Harmattan
Neigeuse, la merlette blanche
Un oiseau blessé
Poussiérotpart en tournée
Kléo, l’oisillon adopté
Noircicaut, le vieux pic
Un violon imaginaire
Concerto pour violon
Le chant des violoncelles
Une psychanalyste dans la cité
Passage au bord de la folie ou Le jeune homme aux allumettes
Fragments d’une analyse ou Fenêtre sur ciel
Le fatal poisson Auguste


Aux Éditions Indigo et Côté-Femmes
Poussiérot le corbeau
Poussiérot chez les merles
Poussiérot chante à Paris
Le voyage en Chine de Poussiérot le corbeau
Le mariage de Neigeuse et Poussiérot


Aux Éditions Campagne/Première
Handicap mental profond et musique
A la mémoire de Micheline Charpié, pédiatre,
psychanalyste, musicienne, avec laquelle
tant d’échanges eurent lieu, dans le cours
de séjours à New York, sa ville…
PROLOGUE
Est-il possible de faire le deuil d’un enfant à naître, alors qu’il n’a pas été reconnu en tant que possible enfant à naître, alors qu’il n’est pas né parce qu’il a fait l’objet d’un avortement dès les premiers temps de sa vie intra-utérine ? Il a certes été évacué, chirurgicalement, on ne peut plus radicalement, mais cela ne signifie pas qu’il ait pour autant été exclu de la vie psychique de sa mère qui fut contrainte à cette extrémité.
Mais, avant tout, il est du registre du non représentable. Au stade embryonnaire. La vie, certes a débuté. Mais les signes de vie que ressent la mère dans son corps, les discrets mouvements du fœtus, n’ont pas encore été perçus.
C’était au début de mon exercice libéral. S’était présentée pour une unique consultation, une dame très âgée, toute de noir vêtue, qui venait déposer entre les murs de mon cabinet, face à une oreille censée pouvoir l’écouter, celle d’une psychanalyste, en l’occurrence, elle avait choisi de venir parler à une femme, le secret de sa vie, avant de disparaître. Madame F., ainsi l’appellerai-je, avait été enceinte, à 19 ans, lors d’une brève liaison passionnelle, avec un homme marié qui lui avait caché son mariage, ainsi le disait-elle, et qui avait fui lorsqu’elle lui avait dit son état de grossesse. Elle avait avorté parce qu’elle ne pouvait envisager de poursuivre une grossesse dans un milieu social qui n’aurait pu admettre le déshonneur d’une naissance hors mariage. Il n’était pas pensable d’être « fille-mère », à l’écart de ses compagnes de la même tranche d’âge. Sa mère à laquelle elle s’était confiée, l’avait conduite dans la réprobation et le plus grand secret chez une femme qui pratiquait dans le plus grand silence cet acte qui ne pouvait s’effectuer que dans la clandestinité puisque alors interdit par l’antique loi de 1920. Ces avorteuses qui officiaient en cachette, étaient couramment dénommées « faiseuses d’anges ». Comment l’avait-elle vécu ? Dans un flou des souvenirs, un entredeux, elle subissait, sans être vraiment là. Le curetage avait été effectué sous anesthésie. Ce n’était pas toujours le cas. En milieu hospitalier, les chirurgiens qui devaient pratiquer ces interventions maniaient couramment la curette au milieu des cris de leurs malheureuses patientes. « Au moins, elles se souviendront… ». C’est ce qu’on pouvait parfois entendre. Ensuite, elles étaient mises à l’écart dans un coin réservé aux « avortements criminels » de la salle commune. Non pas, bien souvent, dans des véritables lits mais dans des brancards non adossés au mur. Ce secret, Madame F. l’avait gardé par devers elle toute sa vie. Même si elle s’était mariée, même si elle avait eu plusieurs enfants, il était là, en arrière-plan, lourd à porter. L’avortement était donc alors un crime. On disait « avortement criminel ». Mais plus encore que la culpabilité d’avoir été obligée de commettre un tel acte, elle disait, avec des mots très simples, le regret d’avoir dû interrompre une vie potentielle, celle d’un enfant qui n’avait pu voir le jour. Elle disait aussi la solitude extrême dans laquelle elle s’était alors trouvée, lors de ce drame.
Plus tard, d’autres femmes, alors que la loi Veil du 29/11/1974 avait légalisé l’interruption de grossesse, parlaient, dans le cours d’une cure, généralement, et avec douleur de la nécessité d’avoir dû faire face à l’interruption d’une première grossesse, souvent issue d’une liaison passionnelle. « Pourquoi dit-on si volontiers erreur de jeunesse ? C’est vite dit. C’est méprisant » disait l’une d’elles. Oui, on s’y méprend dans l’entourage qui émet de tels propos, et de cette méprise se renforcent le silence et la solitude. Même si d’autres grossesses avaient pu être menées à terme ensuite, c’est la douleur ainsi que le regret de cet acte effectué dans une atmosphère cauchemardesque, le regret de n’avoir pas connu cet enfant à naître qui n’était pas né. « Je ne suis pas croyante, disait une autre patiente, mais cet enfant et moi, on se retrouvera après ma mort ».
Il n’est jamais facile de parler de ces interruptions volontaires de grossesse, ces IVG, même si elles n’ont plus le même statut. Les centres de planning familial proposent aux femmes qui se présentent une aide efficace. Au niveau des mesures anticonceptionnelles, tout d’abord. En ce qui concerne les IVG, elles sont médicamenteuses, à condition que la grossesse soit inférieure à cinq semaines. Les IVG par aspiration sont pratiquées en milieu hospitalier sous anesthésie générale ou locale.
Cependant, dans la société actuelle, de plus en plus de très jeunes femmes, de plus en plus d’adolescentes sont dans le plus grand désarroi face à une grossesse inattendue. Nombre d’entre elles s’avèrent incapables d’utiliser les moyens anticonceptionnels mis à leur disposition. Comme si elles ne pouvaient intégrer les explications qui leur sont fournies.
Le secret, l’indicible, il reste tel quel le plus souvent, dans un non dit ou dans des allusions stériles. Dans les services de chirurgie, il n’est pas rare, dans l’entourage de patientes gravement atteintes de maladies cancéreuses, à mi-voix, ça ne se dit pas facilement, « Ne croyez-vous pas que si elle a un cancer de l’utérus, on dit aussi un cancer de la matrice, c’est parce qu’elle a fait une ou plusieurs fausses couches ? Toutes provoquées… » Punie en retour, donc : la loi du talion. Des avortements dont jamais rien n’a été dit du vécu. Le geste chirurgical a eu lieu, mais rien n’a pu en être dit
Que dire d’un tel acte même s’il s’agit d’un embryon minuscule mais dont on sait à présent que le cœur bat dès le 21°jour ? Un meurtre ? C’est impensable. C’est donc indicible.
Le silence…
Bien des années auparavant, dès le concours de l’externat en médecine obtenu, il s’agissait en l’occurrence du concours 1961, avant même la prise de mes fonctions d’externe des hôpitaux, j’avais pris des gardes de nuit dans le service de Néphrologie de l’hôpital Necker, à Paris, dans l’unité dite « Rein artificiel ». C’était alors une sorte de chemin obligé, c’était l’assurance de réserver une place en fin d’externat dans un service particulièrement compétent et recherché. Ce dont je n’ai pas tiré profit, m’en étant allée au terme de trois mois soit la moitié du temps demandé, tant ces heures passées là étaient éprouvantes, et par la suite, m’étant dirigée autrement. Vers la psychiatrie. Mais je n’avais alors pas la moindre idée d’une telle orientation.
Que dire de ces jeunes femmes qui avaient été victimes, dans les suites d’

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