Mes petites primordiales
256 pages
Français

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Mes petites primordiales , livre ebook

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256 pages
Français

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Description

L'auteur raconte des souvenirs qui ont marqué ses premières années : petites aventures amusantes, cocasses ou émouvantes, mais courtes, simples et presque toujours inattendues. Elles ont pour toile de fond une famille, des écoles, et quelques lieux accoutumés de l'Anjou. On peut les lire dans le désordre. Elles constituent un portrait moral où chacun, ça et là, se reconnaîtra.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 229
EAN13 9782296676961
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mes petites primordiales
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08940-2
EAN : 9782296089402

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Jacques Lesparat


Mes petites primordiales


album


L’Harmattan
Nos premières impressions sont les seules ineffaçables, le reste n’est qu’une répétition, un effet de l’habitude.

Jules RENARD (Journal)
1 Prologue : La marionnette
J uste à ses divers commencements, voici tout moi, ou presque ! Et drôlement composé de quarante-cinq petits panneaux relevables. Il suffit qu’ils jouent à tour de role pour qu’à la fin on m’ait vu en entier.
A condition d’avoir bonne mémoire.
En effet, dès qu’un panneau se dresse, le précédent se rabat, comme sous l’action d’une effeuilleuse un peu Pénélope qui se rhabillerait tout en se déshabillant. Pas moyen de me découvrir d’un seul coup.
Un fil conducteur mystérieux anime l’ensemble, in-dépendant de la chronologie.
Comme une présentation digne de ce nom s’accom-pagne toujours d’un boniment, vous qui daignez lever les yeux, avant que bouge le premier panneau, écoutez-moi !
« Mon petit bonhomme en habit d’Arlequin, vous expose, seules images encore vivantes d’une enfance mal achevée !
Images assombries peu à peu, pareilles à des Rem-brandt où le seul détail important luit dans l’ombre.
Admirables images, vous jalonnez l’étroite et longue galerie de mes anciens jours.
Souvent je me retourne pour vous revoir, et je vous revois, lointaines, mais toujours aussi présentes.
La patine vous éclaire, c’est neuves que vous étiez obscures !
Précieuses assises, immuables références, ai-je su vous peindre sans vous appauvrir, ai-je su vous remettre au monde dans l’haleine des mots ? »
Première partie
2 Les trois coups
J e crois qu’un œuf m’a ouvert les yeux car il émerge d’abord du rideau brun de l’oubli. Il émerge, tulipe lu-mineuse et rose sur la tige de son coquetier, il s’arrondit autour d’un petit lac de lave où tournoie une poreuse mouillette.
Je me penche fasciné par cet œil, appuyé, semble-t-il, à même son bord. Je me penche et le reste s’estompe, je suis seul avec ce soleil jaune et mou pour unique horizon. Mais la mouillette se soulève, soufrée, une goutte d’or perle et tremble en dessous. Je fais « oh ! » et la merveille dispa-raît, chaleureuse et colorée ; j’aspire avec délice et frisson, je bois la vie.
Pour la première fois, je sais que je suis au monde, sur un genou maternel que je compare aujourd’hui au tiède parapet d’un pont de pierre, par un été chaud.
Avais-je un an, ce n’est pas sûr.
Ainsi, depuis toujours, me nourrir me fait puissamment toucher terre, j’y reprends des forces comme Antée. L’œuf, l’assiette, les plats… aussi ronds que la lune ou le soleil sont mes ostensoirs personnels par l’intermédiaire desquels je communie avec la création.
Ni commencement ni fin à mon second souvenir, juste l’essentiel : je m’élève dans le vide de la cuisine, face à la vieille cheminée : on m’a lancé en l’air. Ce moment me semble long, très long. J’éprouve encore à présent cette sensation d’être un corps libéré de toute pesanteur. Je monte en ralentissant et puis je m’immobilise, au ras du plafond dont je reconnais les poutres apparentes mais que je ne pourrais toucher.
Instant ineffable, rien ne me retient, l’air ne me frôle plus ; je ne flotte ni ne bouge. Je suis un corps céleste, je suis impondérable.
Il me semble avoir produit moi-même cette force qui m’a projeté ; pourtant tous mes muscles sont au repos, aucun d’eux n’a joué pour que j’en arrive là.
Instant unique où je n’appartiens plus à la terre et qui me rappelle confusément un état que j’ai oublié, mais que je sais avoir existé, car ce néant qui m’enveloppe, sans que j’en éprouve aucune gêne, je suis sûr de l’avoir connu déjà et avec un bien-être proprement paradisiaque, c’est à dire hors du temps et des choses.
Instant infini, puisqu’il n’existe qu’en lui-même.
Mais en réalité instant véritable, qui n’a pas de durée réelle ; car aussitôt immobile, je commence à redescendre ; je revois passer le dessus de la cheminée, avec sa pendule et sa boîte d’allumettes, ensuite le gouffre noir et je me sens saisi à la taille par deux mains familières.
Mon plaisir n’a pas eu le temps de s’épanouir, il est resté béat. Mais il va éclater comme des fusées d’artifice car je suis encore lancé plusieurs fois.
Je crie de bonheur pendant les montées, de peur pendant les descentes. Mon corps et mon esprit s’agitent ; mon cœur se fait lourd puis se fait léger …
Ici le film casse ; c’est le noir d’une salle obscure. Néanmoins la séquence est inoubliable.
Dans le cours ordinaire de ma vie, quand le plaisir et la peine alterneront brusquement, elle ressurgira.
Troisième souvenir, qui a pris un charme comique avec les années : je suis couché, je ne dors pas encore. Ma mère, qui vient me voir, allume dans la chambre.
Alors un ton rose m’éblouit, celui d’un tissu à petites fleurs qui se fronce tout autour de moi. Il me contient et surtout me recouvre, tendu par une légère vannerie en quart de sphère. Je suis très à l’étroit et très à l’aise dans cet espace. Ma vue est partagée par un large ruban de même couleur qui va d’une double boucle au-dessus de ma tête jusqu’à une autre, à mes pieds.
Maintenant je sais que m’abritait un petit chariot d’osier recouvert de cretonne. (Il y a belle lurette que mon quintal n’y tiendrait pas !)
Ma cervelle neuve s’illumine de sensations tièdes et douces. Les roulettes de bois crient sur le carreau verni. L’osier craque ; une tête énorme et souriante vient occuper tout le champ libre devant moi ; mes mains se tendent ins-tinctivement. Mon ciel rose se replie en arrière ; je suis sou-levé, embrassé, porté sinueusement jusqu’à la fenêtre ouverte. On me penche ; je vois le soleil rouge, prêt à se coucher, qui encombre tout le fond de l’avenue rectiligne. Aussitôt, je frissonne de frayeur et de froid : ce disque éclatant me rappelle une voix bruyante, une présence rubiconde et nauséeuse. Je réclame mes draps à tue-tête en pleurant et en gesticulant ; « Dodo, dodo ! »
La scène qu’on croyait charmante se termine en sauve qui peut.
Petit animal farouche, je retrouve ma corbeille avec joie, je me rassure, et je m’endors probablement tout de suite car mon souvenir s’arrête.
L’insolite, c’est que ma mère ne représente déjà plus pour moi l’abri primordial, et qu’il m’a fallu la quitter pour m’y replonger.
Ainsi furent frappés les trois coups de ma vie consciente.
On y reconnaît des équivalents aux éléments premiers, la terre, l’eau, l’air et le feu qui s’emparèrent de moi pour me mettre au monde une seconde fois.
On y reconnaît aussi cette tendance au repli régressif qui empêche tant d’existences de suivre tranquillement leur cours et dont les traces sont si nombreuses dans le langage : retour aux sources, paradis perdu, belle époque…
J’ai donc commencé ma route sans m’inquiéter de savoir où elle mène ; j’y vais encore au hasard et cahin-caha ; un jour, j’en verrai la fin qui est son accomplissement.
3 Le pyjama
U n passage recouvert de falun longeait le pignon de notre maison et séparait ensuite notre jardin d’un vieux taillis de châtaignier. Il rejoignait, au fond de la propriété de fonction que nous occupions, un hangar où l’on rangeait les matériaux de construction. Des camions allaient et venaient là, chaque jour pour renouveler les stocks ou approvisionner les chantiers. Près de l’angle droit que l’entrée formait avec la route, une pompe à gas-oil avait été installée par l’entreprise qui assurait ainsi elle-même le ravitaillement de ses propres véhicules.
Mes quatre ans prenaient cet appareil pour un grand échassier rouge, très haut sur patte, dont la tête en forme de disque portait fièrement un nom qui se voulait glorieux. Le jour, on lui vissait au côté une canne élégante ; il ouvrait tout grand les volet

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