MON HERITAGE ALMA MON AMOUR
142 pages
Français

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MON HERITAGE ALMA MON AMOUR , livre ebook

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142 pages
Français

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Description

Dans ce roman de l'identité et de la mémoire, de la désolation et des prodiges de la terre, de l'isolement existenciel, l'auteur se livre à une recherche extraordinaire dans les mécanismes de l''écriture et dans les abîmes de la condition humaine. L'écriture est conçue comme une composition symphonique dans laquelle les voix des personnages deviennent des instruments narratifs d'un récit choral où se révèlent les multiples visages d'une même réalité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 48
EAN13 9782296710498
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mon héritage
Alma, mon amour
« Lettres canariennes » vient de voir le jour aux Éditions L’Harmattan. La création de cette nouvelle collection dirigée par Marie-Claire Durand Guiziou propose, dans un premier temps, la publication en version française de romans canariens. Elle devrait réjouir les lecteurs francophones dont l’engouement pour les lettres hispaniques est bien connu. Émergeant de l’espace ouvert de l’Atlantique, les meilleurs auteurs canariens prendront place dans cette nouvelle collection dont les deux premiers titres sont Les Spirites de Telde de Luis León Barreto et Mon héritage, Alma mon amour de Sabas Martin.


© L’H ARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13220-7
EAN : 9782296132207

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Sabas Martín


Mon héritage
Alma, mon amour


Roman


Traduit par Marie-Claire Durand et Jean-Marie Florès


L’H ARMATTAN
Tous leurs souvenirs faisaient partie d’une
mélodie qui enlaçait la personne avec
ses circonstances secrètes

Lezama Lima

Si cette histoire n’avait pas été écrite
on en aurait écrit une autre.
Car là où l’homme chemine, il porte
en lui sa tragédie

Pérez Gald ó s

Ô, solitude ! Toi ma patrie, solitude !

Nietzsche
(Anacrusa)
À Alma


A lma, mon amour, je suis revenu à Nacaria pour régler mon héritage. Je suis revenu à Isla Nacaria pour sombrer dans le silence du temps qui s’en est allé et, parmi les ombres et les échos, dévoiler les pertes et les absences qui donnent forme à la mémoire. Voilà le legs véritable, Alma, celui qui en vérité m’appartient, outre la vieille demeure qui appartenait à ma mère et les cendres véritables qui sont restées sur les terres et dans la maison de mon oncle Fidel et de ma tante Candelaria. Leur souvenir est également un profil évanoui et brisé, une brume diffuse dans la vacuité des présences du passé. Mon héritage se compose de cette sorte de cendres.
Revenir n’a pas été une cicatrice qui s’ouvre pour que la blessure s’aggrave encore en profondeur, mais retourner au feu obscur et léger d’un silencieux foyer où les jours et les nuits s’éternisent, identiques à eux-mêmes dans un rêve immobile. Un rêve, Alma, ou un délire de souvenirs faits de voix murmurées et silencieuses qui s’accentuent comme une chaleur épaisse et collante dans les yeux. Rêve ou délire, mais point cauchemar. Pendant tout ce temps où j’ai vécu loin d’ici, je n’ai jamais pris conscience que les années passées à Isla Nacaria étaient devenues un cauchemar. C’était un peu comme un rêve nébuleux, je te le dis, une vision qui étourdit et confond les sens en se répétant, qui te réclame avec une insistance exigeante. Mais en évoquant ces années-là, à aucun moment je n’ai senti que je me trouvais au bord d’un abîme lointain et menaçant. Comme un feu qui brûle sans faire de bruit et moi au milieu des flammes qui m’assaillent et m’enveloppent inexorablement. Les flammes sont tout près de moi, elles me touchent de leurs ombres de feu, mais ce ne sont que des ombres qui ne brûlent pas, même si elles me possèdent, me traversent. (Tu me suis ? Je n’ai pas d’autres explications. Je ne saurais être plus clair.) Un feu obscur, sans lueur et sans bruit, qui s’empare de l’entendement, Alma, et qui se propage en diffusant sans cesse l’image du visage de ma mère à côté des visages de mon oncle Fidel et de ma tante Candelaria, à côté du visage de mon cousin José, de celui d’Andrea, cette femme, je t’ai déjà parlé d’elle, t’en souviens-tu ? Selon leurs dires, elle traversait à pas feutrés les ténèbres et entrait en contact avec les morts.
Andrea a toujours suscité en moi une étrange fascination, oui. Je n’ai guère eu beaucoup d’occasions de la fréquenter, mais les syllabes de son prénom jaillissaient au milieu des conversations que j’écoutais enfant et toutes les autres paroles se transformaient alors en un écho usé, en une rumeur inerte, incapable que j’étais de me soustraire au mystère que son prénom évoquait en moi. Je crois que j’ai voulu voir chez Andrea, alors et maintenant, cette force occulte, puissante et magnétique, qui fait germer la vie dans cette Isla Nacaria faite de pierres et de grand soleil. Tu sais, ici les laves et les volcans qui se déversent dans la mer produisent des rêves stériles. Et, néanmoins, la terre se refuse à se consumer dans le vide et la vie jaillit avidement et mystérieusement. Comme si elle émergeait au milieu des restes d’un naufrage. Tu aurais dû naître en ce lieu pour le comprendre.
Tu as raison (une fois encore tu es dans le vrai), en réalité je ne suis jamais parti. Je suis resté tout ce temps dans l’Ile, vivant dans l’ancienne demeure que ma mère avait reçue de mes grands-parents. Comme tu le dis : je suis resté avec les rêves, avec le désir, je suis les traces qui conservent la mémoire de ma famille. C’est ainsi. Je suis revenu sur mes propres traces.
Non. Je sais que je ne suis pas capable. Pas encore. C’est la seule histoire que je ne peux pas écrire, Alma.
(Andante)
Dolores


S ur la courtepointe le bouquet de myrte ressemble à un oiseau étrange, immobilisé au moment de se lancer pour un vol incertain. Je contemple les meubles de l’alcôve et mes yeux parcourent lentement le lit. Je regarde. Lentement. Je laisse ma vue se rassasier, comme si regarder était une cérémonie oubliée où le regard remplace la vie, comme si elle essayait de s’éterniser en contemplant les plis, les volumes, les formes, les angles, les couleurs. La chambre à coucher, avec ses meubles, avait appartenu à mes parents et, après leur mariage, elle fut à moi et à Alejandro Manuel. Aujourd’hui, elle a une dimension évanescente, au moment où, après tant d’années, je suis revenu pour traverser les murs de la chambre. J’ai franchi la porte et c’est comme si j’avais pénétré jusqu’au centre d’une brume, d’un brouillard enveloppant qui épaissit le sens et trouble le cœur. Voilà comment je me sens. J’ai toujours voulu éviter les souvenirs renfermés dans cette chambre. Je sais qu’ils sont le signe de la solitude, qu’ils gardent le reflet douloureux de toute ma solitude. Et nonobstant, sans pouvoir trouver encore une explication, sans parvenir à comprendre quelle impulsion secrète m’a dominée, je n’ai pas pu résister. Après toutes ces années. Après toutes ces années où la porte est restée fermée, je l’ai fait. Je l’ai ouverte cette porte, je l’ai franchie et me revoici.
La chambre, maintenant : ouverte de nouveau comme l’on ouvre un lieu secret du cœur où la douleur un jour s’est installée. Ces murs connaissent ma très lointaine histoire. Ils gardent mon secret. Et je veux bien croire qu’ils sont un peu comme un vieil ami et que je peux m’abriter en confiance dans leur présence. Je veux imaginer que je suis devant la silhouette aimable de quelqu’un que j’ai connu depuis toujours, quelqu’un qui s’approche de moi avec le frisson brûlant par lequel s’achèvent les rencontres refoulées durant très longtemps.
Pourtant, bien que la chambre n’ait pas changé, je ne peux pas m’empêcher de sentir qu’il existe quelque chose d’indéfini, d’inqualifiable, une atmosphère occulte et très paisible, qui la rend substantiellement différente. Tout est à la même place et tel que je l’ai décidé au moment de fermer la porte pour que ici et pour toujours demeurent mes craintes, la lente tristesse de mon abandon. Pour toujours. Et même à présent, sans trouver d’explication, sans savoir encore comment, je suis entrée, je viens chercher ce que pendant si longtemps j’ai voulu maintenir rigoureusement éloigné de ma mémoire. Pourquoi ai-je cédé ?
Peut-être, me dis-je, parce que la solitude ne connaît pas de motifs ni de justifications. Parce que, parfois, pour l’éloigner, pour échapper à sa domination, les sens et la raison deviennent aveugles. Et parce que pour troubler l’habitude du silence, on accepte le mal et l’âme se détruit. Peut-être. Peut-être que c’e

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